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Les petites maisons

PetitemaisonDans l'entreprise, et à propos de l'entreprise, il y a beaucoup de mots...Et aussi beaucoup de mots qu'on entend partout et dont on ne comprend plus le sens, des mots comme management, excellence, leadership, innovation,...les consultants en sont les champions souvent, et on a vite fait d'appeler ça du jargon...

Oui, tout est dit, le jargon, c'est le blabla, tout ce qui est faux, toc, factice, vide (à l'opposé de notre recherche de vrai, de juste, d'authentique).

J'ai eu le plaisir de dialoguer cette semaine avec un linguiste et lexicographe, Jean Pruvost, sur le sujet. C'est en expert en mots : il possède ...10 000 dictionnaires !!!

Il est passionné par ces définitions et emplois de mots, et sait démasquer les mots usés, les mots qui irritent, les mots qui sont à la mode...et aime sensibiliser ses interlocuteurs à l'utilisation des bons mots pour transmettre nos valeurs, notre identité, notre message.

Une entreprise aussi, dans son langage commun, transmet (ou pas, justement), son identité, ses valeurs, son élégance. Oui, cette élégance, si belle quand elle est présente, on reconnaît trés vite une conversation, une communication, où elle est absente.

Jean Pruvost aime à explorer ce qu'il appelle "le CV des mots" (belle expression) : comme on a besoin de connaître le CV d'une personne que l'on va recruter, il est essentiel de connaître, selon lui, le CV des mots que l'on utilise, car chaque mot emmène avec lui son histoire, ses origines, même de façon inconsciente.

Il faut aller explorer les mots qu'on emploie pour les comprendre, et comprendre comment ils sont perçus...Ainsi les mots du jargon technique de l'entreprise seront peut être compris de ceux qui sont habitués à ce jargon, mais par contre, face à d'autres publics, et notamment un public plus large d'employés de l'entreprise, le risque d'être mal compris, voire mal perçu, est grand. Et alors, pour se faire comprendre, il va falloir traduire, expliquer ces mots comme "leadership global", " corporate gouvernance",...et sortir du flou qu'il y a dans engagement, ambition, création,...des mots que certaines entreprises appellent leurs valeurs et qui ne véhiculent aucune émotion, ni aucune différenciation. Et surtout qui ne correspondent pas à des situations vécues, et paraissent donc...."pipeau"...

Il nous a cité Gaston Bachelard, qui nous dit, joliment :

" Les mots - je l'imagine souvent - sont de petites maisons, avec cave et grenier. Le sens commun séjourne au rez-de-chaussée, toujours prêt au commerce extérieur, de plain-pied avec autrui, ce passant qui n'est jamais un rêveur. Monter l'escalier dans la maison du mot, c'est, de degré en degré, abstraire. Descendre à la cave, c'est rêver, c'est se perdre dans les lointains couloirs d'une étymologie incertaine, c'est chercher dans les mots des trésors introuvables.

Monter et descendre, dans les mêmes mots, c'est la vie du poète."

Belle image pour nous méfier des discours d'entreprises et de managers qui paraissent vite factices et "bidons"..et d'abord de nos propres discours...

Pour ne pas rester au rez-de chaussée, ou même à la porte, de nos petites maisons, il nous faut sûrement retrouver ces qualités de poète, et cette capacité à "parler juste".

Le langage sera-t-il le dernier avantage concurrentiel des entreprises et des managers qui savent se faire comprendre, entendre,....aimer ?


Performance et affectif

Gandecart   Pour piloter la performance et développer une culture de la performance, que faut-il ?

C'était la question vendredi au Sénat, lors d'une manifestation de la DFCG, association des directeurs financiers et contrôleurs de gestion, organisée par le groupement "Secteur Public", avec une question : Les techniques de gestion du privé peuvent elles s'appliquer au pilotage de la performance des organismes publics ?

Un des débats, réunissant notamment des représentants de l'ANPE, de La Poste et de la Mairie de Paris, a tenté de trouver les ingrédients pour "mettre en place une culture de la performance dans les services publics".

Tous se sont empressé de nous faire étalage des outils, des indicateurs, des tableaux de bords, des revues de gestion, et même des systèmes de primes et rémunérations variables...Oui, pas besoin de les forcer, les gestionnaires publics ont eu vite fait de copier ce qu'ils croient être les techniques "du privé" pour mieux "piloter la performance"...Pour beaucoup, encore, la performance, c'est une histoire d'outils.

Alors, tout va bien, les organismes publics sont devenus performants ? C'est là que ça bloque...Les témoins n'ont pas pu s'empêcher de mettre en évidence les "difficultés rencontrées".. Et là de quoi ont-ils parlé ?

De la difficulté à motiver, à responsabiliser, à mobiliser...à rendre performante une communauté humaine.La Poste a d'ailleurs renommé son programme d'amélioration des performances "Performance et confiance".

Ils ont découvert qu'il ne suffit pas de créer un système de mesure pour que tout fonctionne bien. lls commencent à comprendre combien il est illusoire de croire que la performance se met en équation et qu'il suffit ensuite de la mesurer avec les bons indicateurs et de verser les primes variables à partir de calculs mathématiques. Ils découvrent que la dimension du management est toute aussi déterminante.

Et si le fonctionnement d'un système de pilotage de la performance se basait aussi sur des critères affectifs, comme le suggérait un sociologue invité à participer au débat, en définissant le manager comme celui "qui fait faire à autrui ce qu'il ne ferait pas tout seul" ?

Quoi, horreur, l'affectif, ça veut dire quoi ?? Dans le secteur public, il y a des règles, des responsables, des procédures, du contrôle, surtout a priori, alors l'affectif, non, on ne voit pas de quoi l'on parle...la simple idée qu'il puisse y avoir du "jugement" dans l'évaluation de la performance, et que certains se voient reconnus ce droit à juger l'autre, est souvent vivement rejetée dans les organisations publiques. Alors, pour éviter de devoir reconnaître leur limites managèriales, les chefs vont essayer de se convaincre qu'un bon tableau de bord et des "instructions" feront l'affaire, et leur permettrons d'être tranquilles...Pour la performance, on attendra un peu.

Et pourtant, la vraie évaluation de la performance d'un collaborateur, elle dépend aussi de l'appréciation de celle-ci par le manager, qui porte ainsi un jugement, avec une part aussi subjective, sur la performance de son collaborateur. Ce jugement bienveillant, c'est celui qui aide, qui fait grandir, qui repousse toujours plus loin les limites de la capacité humaine, et de la performance.Oui, ce jugement affectif des managers, il est déterminant dans la qualité de fonctionnement du système de pilotage de la performance. Le management est ainsi fait de face à face entre les managers et leurs collaborateurs, de jugement sur la valeur et la contribution de chacun, et c'est cette capacité à correctement juger et évaluer, à faire gravir les marches de la performance à l'autre, en équité, qui fait la qualité des systèmes de management.

Cela demande bien sûr du courage, de l'écoute, de l'envie de faire grandir ses collaborateurs, et c'est plus complexe que de barder son organisation de mesures et d'indicateurs, et grâce à des calculs automatiques, de désigner les performants et les non-performants : un tel système, tel un robot, auquel semble encore rêver quelques responsables d'organisations publiques, ne peut conduire qu'à la déresponsabilisation, à un sentiment de défiance où les chefs surveillent les collaborateurs.

Il est vrai que cette nouvelle étape de la culture de la performance, elle va nécessiter des mutations beaucoup plus grandes, et d'abord mentales, que de mettre en place des balanced scorecard, et autres outils. Elle va nécessiter de sortir du système de défiance qui caractérise encore trop souvent les comportements du secteur public : on y manage par circulaire, par contrôle a priori, par des échelons hiérarchiques inutiles qui contrôlent ceux qui contrôlent ceux qui contrôlent ceux qui travaillent, et dont l'Administration en général est pleine...

Il va falloir parler de sens, de confiance, d'"empowerment"...d'affectif, de leadership, de management...et trouver les mécanismes de fonctionnement des communautés humaines où des gens ordinaires font faire des choses extraordinaires à d'autres gens ordinaires. Ceux qui imaginent que c'est le charisme d'un chef qui suffit à faire prendre la dynamique se trompent. C'est justement le comportement des managers et des agents de proximité qui fait la performance des organisations publiques (comme des autres), et non les incantations et discours des élites.

En écoutant les débats et interventions lors de cette journée de la DFCG, on sentait combien cette transformation ne faisait que commencer.

Ce qui était amusant, c'est que les sponsors de cette manifestation, qui étaient fortement représentés dans l'assistance, étaient majoritairement des sociétés informatiques Cap Gemini, Unilog, Atos, venus s'épier les uns les autres, et dont la vocation est justement de commercialiser et de mettre en oeuvre des "solutions" et systèmes d'informations de tous ordres...Les débats et états d'âmes des entreprises et administrations publiques présentes étaient la criante démonstration que ces outils, bien sûr utiles, ne permettraient jamais de garantir la moindre performance, ou culture de performance, et que ce sont les managers et les leaders de ces organisations qui doivent s'en charger, leurs prestataires d'outils ne pouvant rien pour eux...On sent la fin de cette "griserie" qui a sévit au cours des dix dernières années où le mirage des technologies et des méthodes de contrôle de gestion ( fortement promues par les consultants techniques en tous genres) a illusionné les cadres des administrations et collectivités locales sur leur capacité à influencer ainsi la performance.

La performance par l'affectif et l'humain, et non par les outils...

Indéniablement, les organisations publiques progressent dans leur réflexion...

Le challenge est de  traduire tout ça en comportements, actions et résultats.....

D'autant que sur ce sujet, il n'est pas sûr que ce qu'ils appellent "le privé" leur fournisse les solutions sur étagères. La recherche d'un nouveau modèle de management pour être performant, c'est une question éternelle autant pour les organisations publiques que privées.. et pour ceux qui essayent de se prétendre leurs conseils...


Catastrophe !

Catastrophes_naturelles_4 Catastrophe !

Rien que ça.

C'était dans Le Monde d'hier soir :

" Son départ est une catastrophe"

Qui parle comme ça ? Un journaliste du Figaro, qui parle du départ de son patron, Nicolas Beytout, pour rejoindre la direction du pôle Médias d LVMH, fort de l'acquisition récente des Echos par bernard Arnault, Les Echos qu'il avait quitté il y a trois ans pour venir au Figaro.

Paradoxe insolent, c'est ce même jour que Le Figaro a choisi de consacrer son supplément "Le Figaro Réussir" à un thème qu'il vit en direct :

"Comment retenir les meilleurs ?"

Superbe démonstration d'arroseur arrosé !

Bon, alors ces journalistes catastrophés que leur patron a quitté, que nous disent ils sur ce thème ?

Pour nous donner les secrets pour retenir les meilleurs, Jean-François Arnaud et Anne Jouan sont allés recueillir l'avis éclairé d'un expert, Antoine de Riedmatten, associé en charge du recrutement chez Deloitte France, cabinet d'audit, dont j'ignorais qu'il était "best in class" pour retenir les meilleurs ...

Cet expert nous livre les trois secrets :

1. "D'abord il faut leur proposer une formation de trés bon niveau de manière régulière".

2. " de la mobilité. " Soit on est capable de proposer des évolutions à ses meilleurs collaborateurs, soit ces derniers vont aller les chercher ailleurs. Si l'on arrive, en le faisant tourner en interne, à garder ses talents, alors on est gagnant".

3. Enfin, ne pas négliger les salaires. " Il est clair qu'il faut valoriser les meilleurs, car il s'agit d'une source de motivation"...

Bon, voilà...c'est tout ?

Et cette façon de parler de "gagnant" pour l'entreprise, elle fait entendre que le salarié s'est bien fait avoir, non ?

Et ces formations "de trés bon niveau", c'est quoi ?

Si l'on en croit Sandra Elart, qui enseigne en sciences de l'éducation à l'université de Genève, et qui vient de sortir un ouvrage sur " Concevoir des dispositifs de formation d'adultes : du sacre au simulacre du changement", et dont Le Monde rendait compte lundi, c'est du pipeau total :

" La formation est un lieu de mise en scène du changement, permettant aux hommes et aux organisations de croire au changement, de l'instrumentaliser, de le donner en représentation, d'en vivre une simulation. Mais, fondamentalement, la formation n'est pas un levier de transformation profonde. Au contraire, dans certains cas - et l'on peut penser qu'ils sont majoritaires - la formation est là pour renforcer les structures et le pouvoir en place, tout en donnant l'illusion, de traiter de leur mutation...la formation sacralise le changement en lui fournissant des credos, des rites, des acteurs dédiés, mais elle n'en donne en fait qu'un simulacre".

Et pan sur le bec, comme dit la comtesse dans le canard enchaîné...

On dit qu'une catastrophe n'arrive jamais seule...

Aprés celle du départ de leur chef, les propositions indigentes de cet expert, reprises par nos deux journalistes traumatisés, en est une nouvelle démonstration.

Tous ceux qui croient encore que des formations, du fric, et de la mobilité dans l'intérêt unique de l'entreprise vont suffire à attirer et conserver ceux qu'ils appellent "les meilleurs" vont vite apprendre que ces discours auront de moins en moins d'effets...si tant est qu'ils en aient encore (peut être que cela marche encore pour les auditeurs de Deloitte ? )...

Dans ce même numéro du Figaro Réussir, d'autres experts consultants sont interrogés sur les raisons principales de la démission d'un collaborateur....Ils reprennent exactement les causes considérées comme secondaires par Matthew Kelly dans mon précédent post...et ne parlent pas de "dream manager".

On peut se prendre à rêver que Nicolas Beytout a pris sa décision de quitter le Figaro hier soir en jetant dans sa poubelle cet ultime numéro, avec son nom comme directeur de la rédaction, du Figaro Réussir qui cherchait à "retenir les meilleurs"....Espérons qu'il n'utilisera pas ces conseils surranés pour recruter et garder les talents dans son nouveau groupe..

Bonne chance à toi, Nicolas...


Manager de rêve

Reve_2 Dans certaines entreprises, on reste longtemps, on ne quitte jamais, ou presque jamais. On m'a dit un jour que chez Air France, il y a plus de décés que de départs...Glups !

Et puis dans d'autres, les départs sont monnaie courante. Le secteur de l'informatique en sait quelque chose. Et c'est pire encore dans la restauration ou le BTP, qui n'ont pas une cote terrible auprés des jeunes, malgré les efforts de promotion que font les responsables de ces secteurs, en mettant en avant que ces jobs peuvent constituer un vrai ascenseur social pour, notamment, des non-diplômés.

Et puis, quel que soit le secteur, un turnover en surchauffe, c'est toujours quelque chose qui coûte énormément, et beaucoup plus qu'on ne le croit.

Il suffit d'imaginer, dans une entreprise où le turnover dépasse les 100%, combien il en coûte de trouver des candidats, de les recruter, de les former, de les intégrer, de les rendre efficaces dans leur poste...Et si, avec tout ça, c'est pour les voir partir en masse avant même d'avoir passé un an dans l'entreprise, il y a de quoi vraiment se dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

Alors, ensuite, une fois le problème identifié, reste à trouver les causes...et les remèdes.

Si vous interrogez les "experts" ou les "consultants", ils vont généralement vous expliquer pourquoi les employés quittent leur job par une des raisons suivantes (essayez autour de vous...on est entouré d'experts en tout de nos jours) :

1. ils ont une mauvaise relation avec leur manager,

2. ils ne se sentent pas assez reconnus et appréciés,

3. l'employé pense que ses talents ne sont pas, ou pas assez, correctement utilisés; il pense qu'il pourrait offrir plus;

4. l'employé n'a pas les moyens de mesurer ses progrés .

Bien sûr, là-dedans, il y aura probablement des raisons valides, mais on peut aussi considérer que tout ça, ce ne sont que des raisons finalement secondaires.

C'est ce que pense profondément Matthew Kelly, qui vient de sortir un livre au titre éloquent : "The dream manager", qui se lit comme un conte. Il est d'ailleurs écrit sous forme d'une fiction.

Sa thèse est toute simple :

La première raison pour laquelle un collaborateur quitte son job, c'est parce qu'il ne voit pas de lien entre le travail qu'il fait tous les jours, et le futur qu'il imagine pour lui.

Quand un employé est convaincu que ce qu'il fait dans son travail l'aide à accomplir son rêve personnel, il peut tolérer son travail. Sans compréhension de ce lien entre leur travail quotidien et leur futur, les employés partiront pour n'importe quelle raison triviale officielle, mais la raison profonde sera toujours la même.

Le livre présente une entreprise imaginaire, dont les employés sont des hommes et des femmes de ménage dans les bureaux. C'est exprés qu'il a choisi justement un secteur qui n'est pas des plus sexy pour s'épanouir dans son travail. C'est d'ailleurs ce que dit le patron, face au constat du déplorable turnover : c'est normal, on fait un métier d'abrutis, donc on ne peut rien faire d'autre; à part donner un peu d'argent de temps en temps. Et c'est vrai que nombreux pensent que pour réduire le turnover et fidéliser, un carnet de chèques suffit.

C'est une autre voie que suggère le livre : celle, justement, de s'occuper du rêve personnel de chaque employé. L'entreprise embauche donc à l'extérieur un "dream manager", une sorte de Mary Poppins des employés. Ce "dream manager", que va-t-il faire ? Il va poser une seule question à chacun (l'entreprise se lance dans une grande enquête) :

WHAT'S YOUR DREAM ?"

Et va ensuite rechercher toutes les initiatives pour rendre réels ces rêves des employés.

Et le livre raconte, à partir de nombreux exemples concrets qui rappellent des contextes que l'on rencontre dans nos entreprises en général, comment les employés vont ainsi être fidélisés et comment le turnover va décroître au-delà des espérances les plus folles, compensant ainsi largement le coût de ce dream manager (bientôt rejoint par toute une équipe de dream managers)...

A première vue, tout cela peut paraître bien nunuche, histoire à l'eau de rose typiquement américaine, vantant le fameux "rêve américain", et allant appeler à la rescousse Martin Luther King ("I had a dream.."), ou Abraham Lincoln...

Oui, il y a un peu de ça, mais il serait dommage d'en rester là, car l'ouvrage est plein de réflexions et d'approches de l'entreprise trés pertinentes. Et il aide à rêver d'une entreprise meilleure.

Un élément intéressant, et trés significatif, c'est que la principale difficulté que rencontre cette démarche au début, ce n'est pas de trouver les actions à conduire pour réaliser les "rêves" des employés, mais, tout simplement, de leur faire exprimer qu'ils ont un rêve.

Et à qui s'applique cette remarque en priorité, qui est donc le principal coupable de ce manque de rêve dans l'entreprise ?

Oui, vous l'avez vu venir, ce personnage, c'est le dirigeant lui-même.

Le dirigeant qui ne rêve pas pour lui-même, qui est vide de projet et d'envies personnels, que peut il communiquer comme rêve ou vision à son entreprise ?

Et sans ce point de départ, tout le reste en découle : le dirigeant sans rêve génère une entreprise sans rêve, et les employés ne rêvent pas non plus face à un dirigeant qui ne les fait pas rêver....histoire sans fin...

Matthew Kelly nous encourage à répondre à cette question : quel est mon rêve ? en continu, et même à tenir un "dream book" où l'on écrira tous nos rêves. Certains rêves sont trés atteignables, voire en cours de réalisation ( je rêve d'aller voir un bon film avec mes amis), d'autres sont plus lointains, voire a priori innaccessibles (le rêve d'une reconnaissance sociale, le rêve d'être le patron d'une grande entreprise, ou d'une petite...), peu importe. C'est cet exercice de "rêve" qui fera naître d'autres rêves, et ceux des autres . Les personnes qui rêvent et communiquent sur leurs rêves vont donner envie à leur entourage de rêver aussi, et de communiquer...

Et in fine, il considère que les dirigeants, les employés, et l'entreprise ont une responsabilité absolue :

L'employé a la responsabilité d'apporter de la valeur ajoutée à la vie de son entreprise, et l'entreprise a la responsabilité d'ajouter de la valeur à la vie de son employé. C'est le principale composant, bien que non écrit, du contrat entre les employés et leurs employeurs.

C'est une nouvelle façon de concevoir la loyauté dans l'entreprise. L'entreprise ainsi conçue ne peut pas garder un employé qui n'ajoute pas de valeur, ou n'aide pas son entreprise à devenir une meilleure version d'elle-même. Inversement, une entreprise ne peut attendre de son employé qu'il soit loyal et fidèle si les exigences et attentes de cette entreprise conduisent de façon évidente cet employé à devenir une moins bonne version de lui-même.

Cette notion d'aider ses collaborateurs à devenir toujours une meilleure version d'eux mêmes est vraiment trés inspirante, mais aussi exigente.

Bon, alors cette histoire de rêve, de "dream manager", où pourrait on l'imaginer en ce moment ?

A la SNCF, par exemple, ça serait comment ?

Et à la RATP ?

Ouh la la...c'est pas facile d'imaginer ce rêve en ce moment...ça coince trop sur les retraites...qui risquent de ne pas trop faire rêver...

De toute façon, c'est pas grave, dans ces deux entreprises le turnover est extrêmement faible...

Comme quoi les histoires américaines ne sont pas complètement transposables à nos bonne vieilles entreprises nationales....

Mais on peut toujours rêver que cela change un jour....

Mettons le dans notre "dream book"....on verra bien.

Bons rêves !


Une grenouille dure à cuire

Boiling_frog C'est une histoire, une allégorie, qui apparemment date de 1987, dans un livre de Marty Rubin, cela fait donc vingt ans. A l'origine c'est un syndrôme dans une fiction lesbienne féministe et antifasciste...(que peu de personnes doivent effectivement avoir lue..) et puis c'est devenu une histoire de management reprise dans de nombreux ouvrages et conférences...C'est comme ça que je l'ai découverte (car je suis encore peu expert en fictions lesbiennes féministes et antifascistes..).

Comme toutes les allégories, qu'elles parlent de hérisson ou de singes, celle-ci, qui parle de grenouille, fait partie des bonnes histoires des conférenciers et consultants, car elle est efficace et inépuisable d'enseignements.

Alors, quelle est cette "belle" histoire ?

Imaginez une casserole remplie d'eau dans laquelle vous mettez une grenouille. Allumant le feu sous la casserole, l'eau va chauffer doucement, puis devenir tiède. La grenouille va trouver tout ça agréable, et continuer de nager, sans se douter de quoi que ce soit, et va s'engourdir doucement...jusqu'au moment où elle va finir par cuire et mourir, sans s'être jamais extraite de la casserole.

Autre expérience : plongée dans une casserole où l'eau est déjà à 50°, la grenouille va immédiatement donner un coup de patte salutaire pour s'en extraire, et ainsi sauver sa vie.

Olivier Clerc, dans son ouvrage " La grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite, et autres leçons de vie", revient sur cette histoire pour en tirer...des leçons de vie....

De quoi nous parle cette grenouille ?

Pour l'entreprise, elle parle de gestion du changement, de cette perte de compétitivité qu'on ne voit pas arriver, de signaux faibles qui ont manqué dans nos tableaux de bord pour nous avertir...Elle parle aux dirigeants qui se laissent endormir par le succès, et perdent l'obsession du client, etc... Elle conseille, pour éviter tout ça, de toujours se remettre en cause, de lancer plein de projets de changements (et de commander plein de missions à leurs consultants favoris...qui adorent les grenouilles qui sautent, pas celles qui se laissent cuire dans l'eau chaude).

Pour nous, pour notre vie personnelle, selon Olivier Clerc, elle nous parle de ces détèriorations lentes dans notre vie qui échappent à notre conscience, et ne suscitent la plupart du temps pas de réaction, pas d'opposition, pas de révolte..

Que nous faut-il faire pour ne pas finir comme cette grenouille ?

Il nous faut une conscience plus aiguisée : les automatismes, les habitudes, tout ce qui empêche d'être en conscience nous rend moins humain, et plus grenouille...Il nous faut prendre conscience de notre conscience, et ne pas nous laisser abrutir par un excès de stimulations sensorielles qui endorment notre conscience.

Il nous faut de la mémoire, car c'est elle qui nous fait prendre conscience du changement : quand le jour est fini, et que vient la nuit, on la reconnaît car on s'en souvient..Gavée par trop d'informations inutiles, notre mémoire s'émousse.

Il nous faut un vrai thermomètre, un étalon fiable à partir duquel on pourra aprécier la réalité de la situation et de ce qui nous arrive : si l'on se contente de notre confiance excessive en nos propres évaluations et perceptions, forcément subjectives, et que nous changeons souvent, au gré des informations et perceptions qui nous parviennent chaque jour, nous n'arrivons pas à comprendre les vraies choses. Olivier Clerc nous encourage à retrouver nos valeurs, nos principes, à nous forger une philosophie de vie, nqui nous permettra de survivre et de trier les informations, sans se laisser bercer par la chaleur dees eaux de toutes les casseroles dans lesquelles nous nageons...Si nous n'avons plus d'étalon, nous n'avons plus de repères stables.

Mais surtout, pour ne pas finir comme une grenouille cuite, il nous faut retrouver le sens de l'effort .

Dans un monde où l'on veut tout tout de suite, où le mot "effort" est indécent : on nous promet tous les jours de "perdre du poids sans efforts", de "devenir riche sans effort", etc...sans compter ceux qui nous disent "laissez nous faire; on s'occupe de tout"...

Oui, l'effort, c'est la parade à cet endormissement, à ce manque de volonté qui menace la grenouille.

Finalement le message est simple : conscience, mémoire, étalon fiable, se sortir du bouillon de la culture ambiante qui nous endort, sens de l'effort et du dépassement de soi.

Des règles de vie pour nos entreprises et nous mêmes, que les lesbiennes féministes antifascistes connaissent depuis vingt ans...

Dépêchons nous de les imiter...


Parole d'obsédé

Happycupsm Pour certaines entreprises, ce qui compte, c'est la compétition, la concurrence : obsédées du benchmark, elles cherchent à faire mieux que les autres, à copier les "meilleures pratiques", et attendent des consultants qu'elles consultent qu'ils leur apportent tout ça sur étagère...Elles observent les autres se planter dans des innovations hasardeuses, et se félicitent de ne pas avoir fait pareil; inversement, elles se dépêchent de copier ce qui marche chez les autres...ça peut marcher, bien sûr, mais ....

Pour d'autres, l'obsession n'est pas de suivre les autres, mais de se concentrer sur le client, de chercher encore et toujours à le combler...Mais il est rare de rencontrer des entreprises qui vivent vraiment cette obsession...

Parmi ceux qui en parlent bien, il y a Tom Peters...

Dans le numéro d'octobre de la Harvard Business Review, un autre obsédé de ce style est interviewé : Jeff Bezos, le trés médiatique CEO d' Amazon...

Jeff Bezos se dit obsédé par le client, de façon "congénitale", et estime que c'est la raison de la réussite d'Amazon aujourd'hui.

L'avantage avec l'obsession client, c'est que cela permet d'avoir des stratégies plus moyen terme dans un environnement économique trés changeant : les habitudes et besoins clients changent en fait trés lentement.

Ainsi, chez Amazon, le client veut du choix, des prix, et une livraison rapide...ces paramètres ne risquent pas de changer...Aucun client ne va demander à être livré plus lentement, ou à payer plus cher...

Donc, en étant focalisé sur les bons paramètres, on ne s'arrête jamais de s'améliorer..

Lorsque l'on est trop concentré sur les benchmarks, et qu'on approche de ces "meilleures pratiques", le risque est fort d'avoir tendance à s'endormir un peu. Par contre, avec le "focus client", on est toujours en train de se remettre en cause et d'avancer..

Mais, avec le temps et à mesure que l'entreprise grossit, ne risque-t-on pas de diluer cette culture client, en se laissant prendre par une bureaucratie interne qui vient poluer la prise de décision ? Car Amazon, aujourd'hui c'est une grosse machine, plus de 13 Milliards de dollars de chiffres d'affaires ( pour une entreprise qui a démarré en 1995, et ne faisait que 15 millions de dollars de CA en 1996).

Pour éviter ce risque, Jeff Bezos organise trois grands meetings internes par an . Il ne manque pas une occasion de communiquer sur la perfection de l'information et l'obsession du client ( beucoup plus que l'obsession de la compétition). Chaque nouvel employé, qu'il soit junior ou senior, doit aller passer du temps dans les centres de conditionnement au cours de sa première année dans l'entreprise. Tous les deux ans, ils doivent passer deux jours au service client. Tout employé doit être capable de travailler dans un call center, et doit être régulièrement recertifié. Jeff vient lui-même d'être recertifié.

Mais, finalement, ce qui compte c'est que cette culture est devenue naturelle, selon lui, pour tous les employés. et que n'importe qui qui est là depuis un mois ne peut s'empêcher de penser : "c'est fou ce que cette entreprise est orientée client"...Bon, on n'est pas dans l'entreprise pour le vérifier, mais le fait de le communiquer ainsi à un magazine plutôt sérieux doit aussi faire partie de sa stratégie de communication..

Cette obsession client, cette imprégnation culturelle, source de fort avantage compétitif, c'est ce qui est le plus difficile à copier par les concurrents, et donc ce qui constitue sûrement l'actif immatériel le plus inestimable.

A l'heure où tout se copie, où  les chinois annoncent qu'ils vont fabriquer un TGV, c'est peut être justement cette obsession du client et cette culture diffusée dans toute l'organisation qui fera la différence.

Mais la question demeure : comment faire comme Jeff Bezos, et rendre aussi obsédés tous nos collaborateurs ? ....Question vraiment.....obsédante, non ? Et peut-on être un "consultant obsédé" sans inquiéter ? Ou bien un "conseil en obsession" ?

A chacun d'essayer....

Résultats du sondage (mise à jour le 23 décembre):

Ce qui m'obsède dans mon travail :

23.07% Le client
28.84% Ma carrière
28.84% Draguer
13.46% L'argent
5.76% Le pouvoir

52 personnes ont répondu

Sondage réalisé avec Blog-It Express

Bon, le client, ça passe aprés la drague et la carrière....

L'entreprise est est peuplée de drôles de zigottos...


Besoin d'ailleurs

Ailleurs_2  Il a 25 ans seulement, mais déjà une carrière professionnelle. Le métier qu'il a choisi, ou qui l'a choisi (comment savoir) est comme une vocation. Il le pratique avec une équipe qu'il connaît bien, depuis longtemps. Avec cette équipe, il a beaucoup appris.

Récemment, il a connu un vrai échec; lui et toute son équipe. Et cela l'a fait réfléchir. Bien sûr, il en veut un peu à son coach (c'est comme ça qu'on l'appelle dans son milieu), mais il sent aussi un désir :

" Je cherche à progresser, aller plus loin, au-delà de ce que j'ai pu apprendre. J'ai besoin de voir ce qui se fait ailleurs."

Tout ça, il ne l'a pas décidé d'un coup, comme ça, un matin, non :

" ça fait quelques mois que je me suis préparé dans ma tête. Je suis prêt. Je suis arrivé à un moment de ma vie où je veux tenter une autre expérience".

" Oui, cette démarche traduit un besoin d'ailleurs, d'exil."

En fait, cela fait plus longtemps que ça encore, puisqu'en 2003 déjà il y pensait :

" Je voulais me remettre en question, me lancer un nouveau défi."

Cette expérience nouvelle, il l'a choisi, en saisissant une opportunité. Il va partir en Afrique du Sud. Il était allé là bas avec son équipe, il avait rencontré ceux qu'il va rejoindre aujourd'hui. Et puis ça lui avait plu, "la ville surtout"...Et puis cette nouvelle équipe qu'il a vu là-bas, elle le faisait..."rêver". Bien sûr, il aurait aimé aussi d'autres équipes, mais cela ne s'est pas présenté. Alors il a choisi ceux qui sont "les premiers à être venus le voir", c'était comme ça, le bon moment.

" D'autres sont venus aprés, mais je n'ai pas donné suite".

Bien sûr, changer comme ça, une nouvelle équipe, un autre pays, ça peut paraître un changement insurmontable, mais ce jeune est déterminé et a confiance en lui :

" Je vais essayer de m'intégrer dans un groupe. Je vais écouter, pas trop parler, parce que je ne parle pas beaucoup. Je ne pense pas être trop difficile à intégrer".

Histoire banale d'un désengagement, d'un désamour de ceux avec qui l'on partage son environnement professionnel; une décision qui mûrit doucement, et on change, sans regard en arrière, appelé par un besoin d'ailleurs....

C'était hier dans Le Monde, une interview de Frédéric Michalak, qui quitte la France et son équipe pour aller en Afrique du Sud avec les Natal Sharks...


L'indicateur serviette

Suitcase_2  Quel métier que celui d'économiste !  Prévoir le futur en faisant parler les chiffres, déduire du volume de stock de voitures ou des expéditions par chemin de fer quel sera le taux de croissance du pays et de l'économie mondiale, voilà à quoi Alan Greenspan aura passé sa vie, qu'il raconte avec passion dans son ouvrage "le temps des turbulences". Il dit avec des mots simples comment il en est venu à "comprendre les mécanismes du monde économique, un apprentissage de soixante ans"...

Il aura occupé le poste de Président de la FED de 1987 (nommé par Reagan) à ...2006, c'est à dire jusqu'à l'âge de 80 ans. Quelle vie ! à cotoyer Reagan, Bush 1, Clinton, Bush 2, et tous les grands de ce monde.

Son livre aide à mieux comprendre comment se passe concrètement le job de la FED et en quoi les décisions sur les taux et les prévisions économiques sont importantes dans la maîtrise du monde capitaliste et libéral, dont Alan Greenspan est un fervent supporter : il y croit à fond, et ne voit le salut du monde et de l'économie que dans son expansion à travers le monde. Pour lui, tout autre modèle, notamment l'économie dirigée et planifiée, a démontré son échec avec la chute du monde communiste et de l'URSS, et le profond décalage de richesse qu'il a mis en évidence par rapport au capitalisme occidental,

Et puis il relate aussi combien, notamment autour de l'année 2000, il était devenu un véritable gourou dont on attendait les verdicts et prédictions sur l'économie comme des sentences qui pouvaient faire basculer ou relancer les marchés.

Une anecdote est particulièrement révélatrice.

Une chaîne de télévision, qui filmait régulièrement les arrivées d'Alan Greenspan dans les bureaux de la FED lors des réunions importantes, avait bâti un indicateur magique : l'indicateur serviette.

De quoi s'agit-il ?

" Si ma serviette était mince, cela voulait dire que je n'étais pas préoccupé et que l'économie se portait bien. Si, au contraire, elle était bourrée, j'avais passé la nuit à plancher sur un problème et une hausse des taux se profilait à l'horizon."

C'est vrai que le volume des serviettes est un indicateur qu'on ne regarde pas assez... Observons les conseils des ministres en France, mais aussi nos dirigeants d'entreprise, les comités exécutifs, les conseils d'administration....Que nous disent donc les "indicateurs serviette"? Est-ce que la légèreté des serviettes indique qu'il n'y a pas de problèmes, ou que le dirigeant est un gros fainéant ? Inversement, la serviette bien bourrée, c'est celle du dirigeant qui délègue mal ? ou bien celui qui a plein de problèmes ?

Voilà un nouveau sujet pour observer la vie et la santé de nos entreprises et comités de Direction.

Toutefois, la fiabilité d'un tel indicateur est ébranlée par la révélation d'Alan Greenspan à ce propos :

" A la vérité, l'indicateur serviette manquait d'exactitude. Ma serviette était bourrée lorsque j'y avais fourré mon déjeuner."

Aïe ! Finalement l'indicateur serviette, il servirait à identifier les mangeurs de sandwiches...

Pas sûr que cela soit complètement transposable dans notre pays...Mais cela peut être encore plus drôle d'imaginer, lorsque l'on voit quelqu'un d'important avec une grosse serviette, qu'elle contient son gros sandwiche pour le dejeuner ou un pack de choco-BN ...

Finalement, rien ne change depuis l'école...on amène toujours un petit goûter dans son cartable...