Previous month:
août 2007
Next month:
octobre 2007

Du ketchup dans les veines

Ronald_mac_donald_2  Mac Donald aime bien décrire les personnes qui y travaillent, celles qui veulent y travailler, y compris les partenaires (agences de publicité, de communication, consultants,...), comme ayant du "ketchup dans les veines"... C'est même un slogan pour le recrutement dans certaines annonces.

A l'heure où certains nous alertent sur l'état de désengagement des collaborateurs de nos entreprises, cette expression sonne comme une provocation.

Elle nous fait imaginer ce collaborateur complètement amoureux du produit et de la culture de son employeur, de son client, de ses collègues...Et , si l'on ne se sent pas comme lui, on le prend vite pour un dingue...

Bien sûr, elle nous interroge aussi, si l'on est dans la peau d'un consultant ou d'un partenaire : doit-on à ce point aimer son client pour bien le servir ?

Certains pensent au contraire qu'il faut toujours avoir un peu de distance avec son client ou son environnement professionnel : on ne mélange pas les amis et les affaires, et, pire, on a en tête cette expression anglo-saxonne "Don't f... where you eat !".

Inversement, certains pensent qu'il faut manipuler un peu, voire beaucoup, et la "jouer sympa" avec son entourage : d'où toutes ces conversations oiseuses dans les milieux professionnels, pour parler de foot ou de rugby, de sujets que l'on aborderait avec un bon copain dans son salon, mais là, c'est juste pour détendre avant de parler de produit, de commande, de proposition, de business...Est-ce que ces conversations facilitent les affaires ? Ceux qui les pratiquent doivent le croire, ou bien ils aiment tellement le foot qu'ils ont envie d'en parler avec tout le monde à tout moment... un peu de tout ça en même temps peut-être.

La difficulté c'est aussi que nous ne pouvons pas être copain avec tout le monde, alors que nous avons envie de trouver le maximum de clients (pour le consultant) ou être bien intégré dans son entreprise..

Comment faire quand on ne sent pas "du ketchup dans les veines" ?

Les options sont réduites, dans les deux cas, et ont été bien analysées par David Maister, entre autres (il se concentre sur le cas du professionnel consultant ou avocat, mais ses analyses sont facilement transposables à d'autres contextes) :

1. Servir les "clients", sans faire l'effort d'en faire une relation; faire le minimum nécessaire pour ne pas avoir l'air d'un sauvage dans l'entreprise, mais sans plus;

2. Servir le "client", en appliquant des techniques qui nous rendent dignes de confiance, mais sans sincérité; faire un peu de "lèche" de temps en temps pour se faire bien voir, mais n'en penser pas moins au fond de soi-même ( "je méprise ces gens, mais, comme ils me payent, je les manipule..")

3.Passer le "client" à un collègue; choisir ses aliés dans l'entreprise, éviter les autres;

4. Quitter ce "client"...et cette entreprise qui fabrique des produits que je déteste, qui est dirigée par un clown qui m'horripile, etc...

En fait ces quatre options sont toutes aussi désastreuses les unes que les autres pour obtenir une vraie relation de confiance dans l'entreprise ou avec ses partenaires et clients. Désastreuse aussi pour l'entreprise qui nourrit de tels pathologies au sein de son personnel.

L'option 1 nous ramène à l'adage "la vie est trop courte pour travailler avec des idiots", et, dans ce cas, c'est de la vie du client dont on parle, et l'idiot, c'est nous... Le collaborateur ou le prestataire consultant restera probablement à un niveau de qualité professionnelle trés médiocre avec une telle posture, et n'instaurera sûrement pas une relation professionnelle de confiance avec les autres.

L'option 2 va peut être marcher de temps en temps et pour quelque temps, mais peut-on vivre ainsi longtemps dans la dissimulation et le mensonge ? Pas simple, et sûrement pas trés agréable...surtout si l'on est obligé d'avoir une bonne relation pour réussir dans son métier ou son poste...Mieux vaut peut-être essayer l'option 3 à un moment.

L'option 3 est sûrement une option sérieuse à étudier : ne travailler qu'avec les clients, les chefs, qui vous attirent, et laisser les autres à vos collègues. Facile si vous êtes le partner du cabinet de conseil, ou le senior manager maître de sa carrière, mais plus compliqué si l'on est le junior consultant qui ne choisit pas facilement ses clients et ses managers...

L'option 4, sortir de la relation, est la plus définitive, mais parfois il est nécessaire de l'envisager.

Seulement voilà , cette analyse des quatre options ne termine pas l'analyse du sujet, car on constate que certaines personnes ont ces difficultés avec un nombre trés important de personnes, et combattent en permanence entre ces quatre options, passant de l'une à l'autre en se cognant tout le temps contre les murs, et d'autres sont les individus qui s'entendent bien avec tout le monde, que les clients adorent, que les chefs adulent, auprès de qui les collègues viennent chercher de l'aide..

En fait la relation de confiance avec son entourage professionnel, cette capacité à être sociable, à écouter et à être écouté,c'est une denrée rare mais indispensable pour faire circuler les collaborations et assitances au sein de l'entreprise; c'est une condition toute aussi précieuse pour le professionnel  qui se veut "trusted advisor" de ses clients, et non un "vendeur de steacks" avec des "TJM" (taux journaliers moyens , pour les non-initiés)....

Quand les collaborateurs et partenaires se replient sur eux-mêmes, évitent de communiquer avec ceux qui ne leur ressemblent pas assez, et ne font pas facilement le premier pas, le risque de crispation, d'immobilisme est plus fort.

Ne pas trouver d'autres voies que ces misérables options, c'est aussi refuser toute prise de risque .

Il y a toujours une barrière intime dans la communication et la relation . Pour certains cette barrière est trés étanche, et elle ne permet pas de connaître beaucoup d'expériences, ni de personnes, différentes. Chaque fois que nous osons faire un pas vers l'intimité d'autrui, que nous prenons un risque, nous avons une chance de créer et de développer une relation de confiance; au risque bien sûr parfois d'aller trop loin ou trop vite, et de provoquer l'inverse, c'est à dire méfiance et rejet...Tout est question d'écoute, de dosage, de comportement..

Alors, si l'on est mal à l'aise avec cette idée de "ketchup dans les veines", c'est peut être aussi parce que l'on n'a pas trouvé, ni cherché, ce qui pourrait remplacer ce ketchup...et qui nous semblerait voluptueux..

Pourtant, c'est en trouvant ce ketchup que l'on fera les meilleurs repas et que l'on prendra le plus de plaisir dans nos environnements professionnels et avec nos partenaires et clients...sinon, nous devrons nous contenter de manger toute notre vie des tas de hamburgers différents, mais avec le même goût de "j'aime pas ça !"...

Cette envie elle commence aussi par l'entreprise elle-même, (et ses dirigeants),qui, en se préoccupant de ses collaborateurs, leur apprend le goût du ketchup maison...


Jet-lag social

Dog_with_tieSelon une étude menée par l'Université de Münich, et citée par Le Figaro du 24 septembre, la moitié de la population en est victime...

De quoi parle-t-on ?

Du "jet lag social"...c'est à dire de ce que les plus ignares d'entre nous appelaient trop vulgairement "panne d'oreiller".

"Jet-lag social", ça fait plus chic, pour désigner les personnes dont "l'horloge biologique n'est pas synchronisée avec les horaires de bureau", ce qui affecte particulièrement ceux qu'on appelle les "lève tard".

Le Figaro et l'!université de Münich nous donnent tous les détails de ce drame humain (âmes sensibles s'abstenir !) : Alors que l'organisme hurle "reste au lit !", la société exige qu'on se lève, qu'on emène les enfants à l'école, et qu'on file au boulot, le nez sur la montre...Cela fait des individus perturbés dans leur rythme qui passent toutes leurs journées en décalage horaire...Quelle horreur !

Alors, Le Figaro est allé cherché les experts, levés de bon matin, eux, pour proposer les solutions.

Odile Duchenne est directrice générale d'Actineo, l' Observatoire de la qualité de vie au bureau. Elle milite pour adapter les horaires, et permettre qux couche-tard d'arriver à 10H00 au bureau, car ce qui compte, n'est-ce-pas, c'est "le confort des actifs, l'épanouissement des individus, qui permet la santé des entreprises"...Elle reconnaît que c'est peut être pas si simple : " seuls les grands groupes dans lesquels les salariés sont polyvalents, peuvent avoir une telle flexibilité".

Bon, alors une autre piste ? encore Actineo, décidément créatifs : aménager les bureaux, car le problème, c'est la lumière. Il nous faut "des variateurs qui recréent la lumière naturelle et en graduent l'intensité tout au long de la journée"..Ou alors " remplacer l'éclairage zénithal qui tombe sur les salariés par des projections de lumière indirectes vers le plafond"...

En fait Till Roenenberg, le chercheur de Münich qui a conduit l'étude, ne croit pas à cette solution, car le vrai problème c'est que les éclairages artificiels, qui ne fournissent que 500 lux (mesure de l'intensité) dans le meilleur des cas, ne peuvent rivaliser avec la lumière du jour, qui apporte 15 000 lux '"par beau temps" nous dit-il). Donc, ce qu'il faut, c'est ne pas s'enfermer trop longtemps à l'intérieur et s'exposer suffisamment à la lumière naturelle avant d'aller travailler, et le plus souvent possible...

Alors Claude Gronfier, chronobiologiste à l'Inserm, nous recommande de " troquer le métro pour la marche à pied ou le vélo".

Donc, après la marche à pied et le Vélib, vous-voilà au bureau, et c'est bon ? Pas du tout, car là encore les pires choses vous attendent si vous avez bien imprudemment rejoint une entreprise qui a oublié de créer dans les bureaux "un environnement plus naturel, en adéquation avec son propre rythme et celui des saisons".

Et bien sûr, Le Figaro a trouvé le consultant qu'il vous faut : Michèle Ferréol, consultante en feng shui, qui travaille pour Bouygues, Accor, Euro RSCG (donc c'est sérieux, non ?)...

Elle, son truc, ce sont les quatre points cardinaux, qui "apportent des énergies différentes; l'espace de travail doit être organisé de façon à les harmoniser". Bon, pour en savoir plus , il faut sûrement acheter les services de Michèle...mais comme elle est gentille, apparemment, elle nous refile un conseil gratuit dans l'article :

" Si un bureau est orienté au nord, on le rendra plus chaleureux en le décorant de couleurs du sud".

On sent bien que c'est du solide.

Finalement cette histoire de jet-lag social c'est génial pour la croissance non ?

- ça permet de ne pas se sentir coupable et de se distinguer en société "Ah, je suis un jet-lagé social".. la classe, non ? et ce regain de confiance en soi est bon pour le moral;

- ça crée un business formidable pour les instituts, observatoires, consultants en feng shui, et autres...et là encore total bénéfice ..

Et puis, in fine, ça nous rappelle que des bureaux accueillants et sympathiques, une petite balade à pied ou à vélo de temps en temps, tout ça c'est bon pour la performance de l'entreprise...Reiser

Comme le disait Reiser le dessinateur : On vit une époque formidable !".

.


Des singes sur le dos

Monkeys_3 Le blog "Euresis", consacré au knowledge management, cite ma note sur les tableaux de bord et le "management baladeur", en y ajoutant une notion de "manager fureteur", celui qui irait voir "à la source ce que les individus disent et pensent, ce que les entreprises font réellement". En fait, pour lui, aller à la source, ça consiste à chercher sur internet...Bof, c'est pas exactement ce que j'imaginais, mais bon, pourquoi pas...Le blog vaut la peine d'un détour néanmoins.

Maintenant, il y a un risque majeur à être ainsi "baladeur" ou "fureteur", c'est de se retrouver avec un, ou plusieurs, singe(s) sur le dos..

C'est une vieille histoire, apparue dans un article de Harvard Business Review dans les années 70, de W.Oncken et D.L Wass, mais la métaphore est tellement forte qu'on continue de la citer et de l'exploiter fréquemment dans les entreprises et les séminaires de formation au management. On peut le trouver ici.

L'histoire est toute simple (made to stick...) :

En se "baladant" dans son établissement, le manager croise un de ses collaborateurs. Il le salue, et ce dernier en profite pour lui refiler "un singe" : "Bonjour Monsieur le Directeur. A propos, nous avons un problème; figurez vous que...". Le manager se sent suffisamment concerné pour s'intéresser au problème, mais pas assez pour le résoudre sur le champ. Alors il prend le problème (singe) et dit "laissez-moi réfléchir, et je vous dirai ce que j'en pense...". Le tour est joué, il emmène le singe, qui a sauté de l'épaule du collaborateur, sur sa propre épaule, et, en plus il va être redevable d'une réponse...D'ailleurs, dans quelques jours, il va recroiser ce collaborateur, ou celui-ci va passer une tête dans son bureau : "Alors, mon singe ?"...

En fait, en acceptant le singe, le manager s'est volontairement placé dans une situation de subordination à l'égard de son collaborateur, il est le devenu son subordonné...le monde à l'envers !

Certains managers sont des spécialistes de ces comportements, et se retrouvent constamment avec des singes plein le dos et les épaules; ils sont submergés par ces singes, et ont du mal, le comble, à se faire respecter de leurs collaborateurs, car ils sont suspectés d'être incapables de prendre des décisions, et de donner des directions claires pour l'action...

Les singes deviennent tellement prenants que ce manager n'est plus capable de réaliser les tâches qui lui sont dévolues et qu'il aimerait traiter...On va lui reprocher son manque de vision, son peu d'attention aux relations humaines, son comportement centralisateur, car il tente désespérément de régler tous les micro-problèmes qu'il s'est fait refiler avec tous ces singes...

Ce syndrome guette particulièrement ceux qui viennent de prendre un poste ou une responsabilité; ils ont envie de montrer qu'ils s'attaquent aux sujets, qu'ils vont aider; alors ils attirent tous les singes qui passent...

Ocken et Wass utilisent cette histoire pour tenter de sensibiliser leurs lecteurs aux vertus de la délégation, mais cett métaphore trés riche est un excellent point de départ pour explorer de nombreux sujets de management et de performance de l'entreprise.Il permet d'aborder le sujet de la "responsabilisation" et des formes de coopération au sein d'une équipe.

Concrètement, un consultant se trouve souvent en face d'un manager ou dirigeant avec plein de singes sur les épaules, sans que ce dernier s'en rende toujours parfaitement compte...Il est d'ailleurs probablement trés difficile d'exercer aujourd'hui ce métier de dirigeant sans avoir quelques singes sur le dos, car alors le dirigeant sans singes est vu comme celui qui ne traite aucun sujet, qui trouve toujours un collaborateur pour faire le travail et décider à sa place, au risque de semer le doute sur son utilité et sa valeur ajoutée.

Mais prendre conscience de cette ménagerie de primates sur ses épaules, et commencer à en maîtriser la profusion, c'est le début d'une amélioration de "l'art de diriger"..

Alors, commençons par repérer tous les cas où un collaborateur tente de nous refiler un nouveau singe, et si nous l'acceptons, faisons en sorte que ce soit consciemment. Le consultant est aussi le bon "advisor" du dirigeant pour cette prise de conscience, et une meilleure gestion du phénomène.

Les auteurs ont formalisé quelques règles pour nous apprendre à gérer ces primates; que nous recommandent-ils ?

- Repérons dans le cycle annuel de nos tâches, les périodes de grandes migrations de singes, et organisons notre temps en conséquence: ce peut être le budget, les évaluations annuelles, ...

- chaque singe doit être nourri ou éliminé (par exemple en le refilant à quelqu'un d'autre) : faute de ça, même dans un état mourrant, un singe a de grandes capacités de résurrections, et le dirigeant risque alors de consacrer beaucoup de temps àdes activités funéraires;

- la population de singes doit être gardée en dessous du nombre maximum que le dirigeant a le temps de nourrir;

- veillons à toujous s'assurer, dans une discussion avec un collaborateur avec un singe à califourchon sur les deux, qui, à la fin, repart avec le singe..

- il est préférable de ne nourrir les singes que sur rendez-vous. Il est dangereux pour le dirigeant d'être trop à l'affût de singes affamés pour les nourrir à mesure qu'ils tombent entre ses mains;

- les singes doivent être nourris en personne, ou par téléphone, plutôt que par courrier ou par mail;

- chaque singe doit se vor assigner "une heure d'alimentation" et un "niveau d'initiative".

Repérer les singes sur nos épaules, voilà une bonne façon de commencer à mieux gérer son temps..


Comment aimer un éléphant ?

Pink_elephant_2 Pour certains, dans l'entreprise, il y a une différence entre leur travail, qu'ils apprécient, et leur entreprise, c'est à dire le management et l'organisation, dont ils se méfient.

Comme l'indiquait Olivier Cousin, sociologue au CNRS, aux Echos cette semaine :

« Le passage d'une loyauté vis-à-vis de l'entreprise à une loyauté vis-à-vis du travail est une forme de résistance intéressante. Ce que les salariés cherchent à sauver finalement, c'est leur travail, ils ont la volonté d'un travail bien fait, pas pour l'entreprise, mais pour eux-mêmes, pour préserver l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes à travers leur travail. »

Ce comportement se retrouve aussi, par exemple, quand un consultant confesse, comme ici, qu'il a de l'estime pour son client qu'il sert personnellement, mais assez peu de considération pour la marque et son cabinet...

Cette attitude est-elle un problème ?

Sans aucun doute pour l'entreprise qui en est victime, et qui héberge de tels passagers clandestins parmi son personnel, car ce qui fait la communauté de l'entreprise, ce n'est justement pas la juxtaposition de collaborateurs dévoués à "leur client", mais indifférents à ce qui constitue la communauté humaine et l'"être ensemble". C'est même tout le contraire.

Nier cette communauté, ne pas être capable de la faire vivre et se développer, c'est empêcher tout partage de valeurs, d'ambition, de vision, et de rêve pour les collaborateurs de l'entreprise. C'est se recroqueviller doucement.

Pour les clients aussi, mêmes bien "servis" par tel ou tel, c'est le risque de ne jamais retrouver, selon celui auquel ils s'adressent dans cette entreprise, la continuité du service et de la loyauté qu'ils croient avoir acheté en s'adressant à cette entreprise. C'est surtout le risque de ne pas trouver le dynamisme, l'enthousiasme, qui caractérisent les commmunautés d'entreprises qui se sentent fortes et solidaires.

L'entreprise n'est pas étrangère à ces comportements, elle en est même souvent ( c'est àdire ses dirigeants) la cause...

Charles Handy, auteur célèbre, a consacré l'un de ses ouvrages à une critique de ce qu'il appelle les "éléphants", c'est à dire les grandes entreprises et multinationales. Il fait remarquer combien, à force de s'absorber les unes les autres, en chageant de nom sans arrêt, elles contribuent à faire perdre tout imaginaire aux collaborateurs..

Alors qu'historiquement les entreprises portaient le nom de leur fondateur (et c'est encore le cas de Michelin, Renault, Peugeot,...) et créaient une continuité historique, les nouvelles tendances sont de créer des noms fabriqués par le marketing qui ne disent plus rien : comment rêver et s'y retrouver quand on s'appelle Vinci, Vivendi, Véolia, AXA, etc...?

C'est cette perte d'identité et de contenu émotionnel qui menace les entreprises "éléphants", et peut expliquer ces comportements de "déni de la marque et de l'entreprise" que constate Olivier Cousin.

Croire que la marque, actif immatériel inestimable, c'est bon pour les parfums et les cosmétiques, mais pas pour les services, qui sont d'abord des histoires de personnes avec "leur" client, c'est se tromper profondément...

Ce sont justement les entreprises de services avec des contenus émotionnels forts, des marques, des valeurs, qui réussissent et dépassent leurs concurrents. Ceux qui croient le contraire apprendront qu'ils se trompent à leurs dépens.

Ces entreprises qui réussissent, elles savent développer ces marques fortes, tout en préservant aussi les marques personnelles de leurs collaborateurs, qui apportent leur style et leur projet, mais sans qu'il contredise celui de la communauté.

Et ce n'est pas parce qu' on est un éléphant que tout est foutu.

Ceux qui échouent, ce sont les "vieux éléphants", ceux qui ont oublié de séduire, qui ne pensent plus qu'à s'adresser aux "marchés" et aux "actionnaires", qui oublient l'imaginaire de leurs collaborateurs. Qui diffusent des messages managériaux auxquels plus personne n'adhère... Ceux là sont en danger...

Les "nouveaux éléphants", au contraire ,font de ce critère un élément essentiel...et développent mieux que les autres leur "capital immatériel".

Pas besoin pour autant de se peindre en rose et de porter des lunettes extravagantes...

Mais cela peut parfois aider...


Désengagés de l'intérieur

Igormitoraj2_2 Les Echos rendaient compte mardi dernier d'une nouvelle étude - encore ! - sur le "désengagement des cadres".

C'est une étude réalisée par l'institut de recherche d'ADECCO, le "Lab'Ho". Les auteurs ont interrogé des cadres d'entreprises qui ont choisi de se "désengager".

Ce sont "des hommes et des femmes qui avaient tout pour réussir et qui, pourtant, un jour, ont décidé de sortir du jeu, de renoncer aux carrières classiques dans les grandes organisations globalisées".

Ces histoires de reconversion insolites, de consultant en organisation reconverti en prof de yoga, de directrice financière d'un groupe international qui arrête de travailler, correspondent à des désengagements actifs de l'entreprise. L'étude tente d'en analyser les causes, en accusant toujours les mêmes choses: trop de reporting et de contrôle, trop d'objectifs court terme, manque de sens,des promesses de carrière et de progression trop incertaines et rarement tenues,...

Et puis il y a ceux qui restent dans l'entreprise, mais deviennent des "désengagés de l'intérieur".

Cruelle expression, qui fait penser à un corps sans émotion, à une tête renversée, à une perte d'identité au travail. Ces "désengagés de l'intérieur" sont les individus qui "s'en tiennent au strict minimum, refusent les promotions qu'on leur propose... Une vraie maladie, de toute évidence, pour une entreprise...

L'article, comme l'étude, ne donnent pas de recette miracle pour attaquer le problème, car, comme le souligne Juliette Ghuilamila, qui a dirigé la recherche, " ceux qui adorent leur entreprise peuvent un jour la détester", et les raisons intimes sont multiples; il y a un jour où les termes de l'échange entre le collaborateur et son entreprise ne sont plus à la hauteur...

Une remarque reprise dans la synthèse de l'étude, invite à porter un regard plus philosophique sur le problème :

" Les hommes et les femmes qui décident aujourd'hui de se désengager partagent au moins une caractéristique : tous doivent "s'inventer". A la différence de leurs aînés, leur identité ne leur est plus donnée (ou en tous cas plus totalement) par leur appartenance à un groupe, leur famille, leur village...Les décisions et les calculs qu'ils font quant à leur relation d'emploi sont alors fortement teintées par ce travail de construction identitaire : oui à l'engagement si ce dernier est payant en terme identitaire et d'estime de soi, sinon...

Réussir sa vie, telle est l'aspiration, l'injonction, à laquelle sont soumis ces individus contemporains.

Ce à quoi aspirent ces individus, c'est la possibilité d'avoir plusieurs vies dans une vie, plusieurs engagements forts en paralllèle : un engagement professionnel qui reste trés important, mais qui laisse de la place à d'autres formes d'engagements : dans la vie familiale, amicale, sociale, avoir du temps pour faire du sport, du théâtre, s'impliquer dans une association...

Face à ce type d'expression, qui vient parler du plus intime des collaborateurs, on comprend que nombre de dirigeants d'entreprise et de DRH sont complètement désemparés.

L'attitude a souvent été le déni du phénomène, cette obsession de demander toujours "plus de la même chose" pour chasser les états d'âme des collaborateurs les plus "sensibles"...

Mais on constate combien ce type de réaction est particulièrement néfaste pour la performance de ces entreprises.

Ce sujet du "désengagement de l'intérieur", ce n'est pas le moment de trop s'en sentir....désengagé.

Mise à jour :

Résultat du sondage réalisé ici en septembre :

Désengagé de l'intérieur

Je n'en connais pas 0%
Il y en a quelques uns dans mon entreprise 18.18%
Il y en a plein dans mon entreprise 45.45%
J'en suis un moi-même 36.36%

Oui, les désengagés de l'intérieur existent, et ils viennent traîner sur mon blog...


Ecouter et comprendre : pas avec les tableaux de bord

Captain_watching_telescope_2 Y-a-t-il encore des dirigeants qui croient que leur rôle de dirigeant consiste à rester sur le pont du navire, la longue vue à la main, pour observer le futur et fixer le cap ?

Qui pensent que pour améliorer le pilotage et la performance de l'entreprise, il faut sans cesse revoir et affiner les "systèmes de pilotage", les "tableaux de bord", les "balanced scorecard", les "reportings" ?

Pourtant, il y a maintenant déjà près de vingt ans, Tom Peters avait vanté les bienfaits du "management baladeur".

Cela consiste à quitter le pont du navire et à abandonner la longue vue, provisoirement, et même fréquemment, pour aller se balader dans le navire avec les équipages.

Hérésie, pensent peut être encore certains... Il ne faut pas parcourir le navire comme ça, mais avec un but précis, au cours de visites planifiées...

Et pourtant, ce principe du management baladeur, il est d'abord destiné à lutter contre un phénomène qui a dû bien s'amplifier depuis vingt ans : la déformation de l'information.

Les informations qui nous parviennent sont toutes déformées, surtout si elles sont bien présentées dans des tableaux à dix colonnes et des graphiques en six couleurs.

Tous les consultants un peu expérimentés le savent bien : il est tellement facile de travestir l'information par un raisonnement percutant et une brillante schématisation. Le nombre de paramètres à prendre en compte pour évaluer n'importe quelle situation est en croissance exponentielle. Dans son bureau, le manager est protégé par des dispositifs de toutes sortes qui visent à lui éviter les "pertes de temps", les "complications", et que son esprit soit suffisamment clair pour prendre les "grandes décisions"...

En fait, les informations dont il va ainsi disposer ont été préconditionnées, bien emballées par des collaborateurs et des directions fonctionnelles pleines de zèle.

Ce n'est qu'en allant sur le terrain qu'il va comprendre, une fois sur le quai de chargement à 3H00 du matin, pourquoi il y a un problème dans les expéditions.

De fait, le manager qui est bloqué sur le pont sera souvent sa propre victime : sa vision sera opaque, il ne cristalisera pas les exemples concrets d'initiatives réussies, il n'arrivera pas à supprimer les entraves à l'action, il ne délèguera pas vraiment ses pouvoirs.

Résultat : toutes les décisions les plus anodines remontent au sommet, et le capitaine est coincé sur le pont pour s'occuper des questions sans importance, basées sur des informations déformées, fournies par des collaborateurs tous inaccessibles, qui eux-aussi s'enferment en attendant que le patron les convoque pour étudier un "nouveau dossier".

On peut heureusement être optimiste et penser que de telles pratiques disparaissent, mais ce n'est pas si sûr, quand on voit l'énergie de certains à toujours voulir améliorer la performance en sophistiquant les tableaux de bord et "systèmes décisionnels"...

Heureusement, ce n'est pas d'un tel défaut dont a fait preuve ce soir Carlos Ghosn au "Grand Jury" RTL, LCI, interrogé par Nicolas Beytout, Jean-Michel Apathie et Luc Séguillon sur les "suicides de Guyancourt".

La question posée était perfide (je la reprend de mémoire) : est-ce que ces suicides ne démontrent pas que le management de Carlos Ghosn (sous-entendu lui-même) est trop dur ? et qu'en a-t-il conclu ?

Carlos Ghosn est allé rencontrer les équipes où travaillaient les personnes qui se sont suicidées et a essayé de comprendre. Ce ne sont pas les objectifs élevés qui sont en cause : il a connu des équipes à qui on demandait une charge de travail et une performance importantes, et il a vu que cela, le plus souvent, les motivait. Se dépasser, viser toujours plus haut, cela est exhaltant. Ce ne sont donc pas les objectifs qui sont en cause, mais la façon dont ils sont relayés et animés à l'intérieur de l'entreprise toute entière.

Ici ,à Guyancourt, il a senti le stress des membres de l'équipe; pourquoi ? parce qu'il y a eu confusion entre le principe de non droit à l'erreur pour Renault, collectivement, qui a une obligation collective de performance, et la situation individuelle de personnes qui se sentent "isolées"; les personnes ont droit à l'échec, si il permet de rebondir, et à condition que cela soit dans un contexte d'équipe. Il a compris que la défaillance était sur le management, à tous les niveaux, qui a oublié ce sens de l'équipe, qui se doit de ne pas "isoler" les individus, mais au contraire de donner un sens collectif. Il en a déduit, avec ceux qu'il a rencontré, des changements sur l'organisation, un effort de communication vers le management. Par exemple il a distingué les fonctions de Directeur d'établissement et de responsable hiérarchique sur les équipes, pour ne pas rendre unique la relation au travail. "En cherchant ensemble sur le terrain à résoudre un problème, on trouve toujours des choses à faire", a-t-il dit.

Les trois journalistes, devant cette démonstration de sincérité et de volonté de comprendre et d'agir, étaient comme à l'école...cela change des interviews de personnalités politiques auxquelles ils sont habitués dans cette émission, et qui confondent souvent le verbe et l'action.

Et puis, Carlos Ghosn ne dit pas avoir tout résolu ni tout réglé : " car quelle entreprise peut dire qu'elle est protégée contre ce type de phénomène ?"...

Ce problème n'est pas à traiter, nous a-t-il dit, comme un "phénomène local", mais implique au contraire toute la chaîne de management..

Cette leçon de management donnait du poids à cette notion de "jeu collectif"..

Ecouter et comprendre sur le terrain...ce que les tableaux de bord ne disent jamais, c'est aussi la leçon de cet échange...

.


Prima donna

CallasCela fait trente ans que Maria Callas nous a quitté, et cet "anniversaire" est l'occasion dans les journeaux de reparler de celle qu'on a appelé "la prima donna du siècle". On vante en même temps son talent, son génie, et on rappelle ses caprices, c'est ça une prima donna !

La prima donna, cela nous évoque effectivement quelqu'un de génial, d'extrêmement talentueux, mais aussi capricieuse, difficile à supporter pour son entourage parfois.

De même que j'avais évoqué les ténors et les barytons de nos entreprises, il est facile de repérer les prima donnas dans nos entreprises.

Il est évident que, comme dans le monde de l'opéra, les professionnels et collaborateurs les plus brillants ne sont pas les plus faciles à manager.

Ce sont généralement des personnes créatives, talentueuses, souvent trés performantes. Elles sont de véritables "drivers" du changement, elles posent les bonnes questions, elles apportent le regard critique qui bouscule les habitudes. Les entreprises qui veulent réussir ont besoin de prima donnas. Elles sont souvent appréciées, voire plus, des clients, mais, par contre,  elles sont aussi un enfer pour les collaborateurs qui travaillent avec elles, et les managers qui tentent de les "gérer".

Elles peuvent être facilement arrogantes, agressives. Elles irritent, critiquent, ridiculisent, intimident, énervent leur entourage facilement, et en y prenant du plaisir. Elles interrompent facilement des conversations où elles n'ont pas été conviées, et se comportent comme si elles étaient expertes de tous les sujets. Elles peuvent, quand elles sont en position de manager, se comporter en tyrans, et pousser leurs collaborateurs à bout. Elles aiment avoir le dernier mot, donner le tempo du travail.

Ce genre de personne se rencontre facilement dans des milieux de firmes professionnelles, consultants (certains disent même que tous les consultants sont des prima donnas), cabinets d'avocats, sociétés de service, mais aussi dans des milieux divers.

La situation est d'autant plus difficile qu'elle met en évidence un terrible paradoxe : doit on tout supporter sous prétexte que cette personne est brillante et performante ? Et quel est alors le risque sur la gestion de l'ensemble de l'équipe ou de l'organisation dont on a , en tant que dirigeant, la charge ? Et puis, pour faire appliquer les règles, qui distinguent le tolérable de l'intolérable, encore faut-il en avoir formulé, et montrer qu'on se les applique à soi-même, et à tous les niveaux de l'entreprise. Autre point, que se passe-t-il vraiment, quelles sont les vraies conséquences du non respect des règles ? Toutes ces questions, nos primas donnas nous les renvoient à la figure.

David Maister, dont j'ai déjà parlé, a consacré un chapitre d'un de ses livres à ce sujet des "prima donnas" , et nous donne des conseils pour mieux les manager ("tackle the prima donnas").

Ces réflexions sont intéressantes, car il est en effet difficile de traiter intelligemment des sujets de comportement dans le management. Il est notamment extrêmement délicat de ne pas tomber dans l'erreur majeure qui consiste à s'occuper de la personnalité du collaborateur, plutôt que de son comportement.

Car, forcément, ce qui fait la nature et la qualité de la prima donna, c'est précisément sa personnalité. Et il ne sera pas facile de la changer comme ça. Alors, c'est quoi le vrai problème, et que faire ?

Le problème concerne les effets néfastes du comportement de la prima donna sur les autres et la façon dont ils la perçoivent. Si ces travers de comportements sont tels qu'ils mettent mal à l'aise, rendent nerveux, agressifs, innefficaces, les personnes qui entourent la prima donna, les empêchent de travailler ensemble, alors l'ensemble du travail de l'équipe, l'efficacité collective, sont forcément compromis.Et l'entreprise ne retire aucun bénéfice de leur travail.

La question est d'autant plus préoccupante que, naturellement, on sera plus facilement intransigeant avec le comportement des personnes moyennes et médiocres, à qui on ne pardonnera pas grand chose, alors, qu' inversement on risque de se montrer beaucoup plus tolérant envers ces éléments brillants. La question à se poser, c'est : jusqu'où ?

Alors, pour gérer ces situations difficiles, extrêmement exigeantes en terme de management, David Maister nous livre quelques pistes. L'avantage est que ces indications valent autant pour un auto-diagnostic de la prima donna que pour celui qui la dirige.Et puis, n'y a-t-il pas une prima donna qui sommeille en chacun d'entre-nous ?

1. De quels faits parle-t-on ?

Il s'agit là d'être le plus factuel possible. Sans remettre en cause la personnalité, quels sont les comportements qui doivent être changés ? Il faut s'efforcer d'être le plus objectif possible. Des exemples concrets, des choses que l'on a vraiment observées, dites ou faites, qui posent de réelles difficultés dans les relations avec les autres, vont permettre de comprendre où sont les problèmes et non de sauter tout de suite aux conclusions.

2. Pourquoi est-ce un problème ?

  Les prima donnas ont généralement un point commun : elles aiment la franchise. Ne soyons pas timides. Parfois, les personnes ont besoin d'un miroir, car elles ne savent pas comment elles sont perçues. La discussion est l'occasion de mieux comprendre qu'il y a un réel problème à résoudre, d'une façon ou d'une autre. C'est bien du comportement et de ses effets dont on parle ici, et non de la personnalité. Il s'agit de se mettre d'accord qu'il y a un sujet à régler, pour le bien être du collaborateur, mais aussi celui du groupe et de l'entreprise.

Il s'agit de trouver une solution, pas de mettre à terre le collaborateur.

3. Qu'est-ce qui explique ce comportement ?

Nous n'arriverons pas à résoudre le problème de comportement si nous ne comprenons pas pourquoi le collaborateur a de telles difficultés.

Peut être est-ce un problème de compétences en communication, ou tout autre facteur externe et personnel. Il faut écouter et comprendre.

Il suffit parfois d'en parler pour permettre d'analyser la situation, et proposer des actions correctrices.

David Maister nous conseille d'éviter les discussions philosophiques interminables, la réthorique, le débat, qui ne mènent à rien, mais de rester à des questions simples : La prima donna pense-t-elle qu'elle doit changer de comportement ou non ? Comment pense-t-elle que les autres se sentent quand il a dit ou fait ce que vous lui avez décrit ?

4. Quel bénéfice professionnel apporterait un changement de comportement ?

Si l'on place la discussion sur le thème de la carrière professionnelle, la situation devient simple. Il est extrêmement important de faire sentir à la prima donna ce qu'il y a derrière si elle change son comportement. Elle apportera plus de valeur à l'entreprise, elle sera plus respectée par les autres, elle gèrera mieux ses clients,..Mettons aussi en évidence les risques de perdre toute forme de coopération de la part de ses collègues, alors qu'elle pourrait en avoir besoin.

5. Comment résoudre le problème ?

Comme dans toute action de changement, aucune chance de réussir si la personne ne considère pas que le problème est le sien, et non les autres. Et il doit y avoir un vrai engagement pour le résoudre.

Alors, David nous suggère d'aller chercher les petites améliorations, les petits pas dans le changement du comportement, qui rapprocheront des grandes victoires professionnelles.

6. Agir dès maintenant

La prima donna ne changera pas de comportement du jour au lendemain; cet exercice doit se répéter régulièrement; les engagements se prennent au fur et à mesure; les résultats viennent petit à petit.

Tout ça a l'air simplissime.

Mais, bien sûr, devant un tel programme, on peut se demander si il est bien necessaire de passer autant de temps et d'énergie avec ces prima donnas qui perturbent les autres.Nombreux sont ceux qui baissent les bras. Et parfois il faut savoir dire stop..mais en étant sûr que ce n'est pas la Callas qu'on assassine.

Et là, on revient au sujet du début : est-ce que l'on veut diriger la Scala de Milan, et proposer à nos clients les sopranos les plus talentueuses, parfois difficiles, mais que l'on s'efforce de gérer et de faire grandir au mieux des intérêts de la communauté, en développant des qualités de leadership et de management adaptées et de haute qualité (et à condition que cela soit vraiment profitable pour le public, les clients, les actionnaires), ou bien est-ce que l'on se contente d'une troupe de chanteurs corrects, qui ne posent pas de problèmes, et qui enchantent les publics de Clochemerle-sur-Oise...?

En fait la question, c'est aussi celle de l'ambition du dirigeant, du manager. Difficile en tous cas, d'imaginer que c'est en ayant des gens autour de soi faciles à manager, au point d'en être serviles et dociles, qui obéissent aux habitudes, appliquent les instructions sans discussion, et ne forcent pas leur talent, que l'on fera de son entreprise un leader de l'excellence et de l'innovation. Il faut aussi s'entourer de quelques prima donnas, mais qui restent dans des comportements acceptables et conformes aux valeurs de la collectivité. Et c'est là toute la difficulté..

David Maister nous suggère de bien peser cette décision, et ce casting,  et de ne pas risquer de compromettre tout l'opéra, et toute la saison, et toute l'entreprise, pour un caprice innaceptable de prima donna. C'est encore, comme toujours, une histoire de courage.

Mais n'oublions pas non plus que les prima donnas n'accordent pas leur confiance et leurs talents à n'importe qui;L'histoire est à deux sens. Maria Callas, à la scala de milan, en 1954-55, a ébloui son public, et était dirigée par ...Visconti.

Lorsqu'elle a fait du cinéma, une seule fois, en 1969, et sans chanter, c'était pour ...Pasolini, avec Médée. Et le résultat est extraordinaire.

Au point de croire parfois que les meilleures prima donnas ne sont bien dirigées que par ceux qui sont un peu  prima donnas eux-mêmes.

Les conseils de mise en scène et de gestion de David Maister sont utiles, mais non suffisants.

Il faut aussi savoir appliquer les attentes d'exigence envers les collaborateurs, les prima donnas et les autres, à soi-même. Il faut réussir à  déployer plus que des recettes ou des bonnes pratiques, une vision, et faire en sorte que  les collaborateurs aient envie de suivre avec enthousiasme leurs leaders. Et tout ça n'est pas si simple...

Mais, si l'on y parvient, peut être pourra-t-on conduire l'entreprise, chacun à son niveau, avec le même talent et les mêmes résultats que quand Visconti dirigeait Maria Callas..