Jet-lag social
Geek ou Stasi ?

Du ketchup dans les veines

Ronald_mac_donald_2  Mac Donald aime bien décrire les personnes qui y travaillent, celles qui veulent y travailler, y compris les partenaires (agences de publicité, de communication, consultants,...), comme ayant du "ketchup dans les veines"... C'est même un slogan pour le recrutement dans certaines annonces.

A l'heure où certains nous alertent sur l'état de désengagement des collaborateurs de nos entreprises, cette expression sonne comme une provocation.

Elle nous fait imaginer ce collaborateur complètement amoureux du produit et de la culture de son employeur, de son client, de ses collègues...Et , si l'on ne se sent pas comme lui, on le prend vite pour un dingue...

Bien sûr, elle nous interroge aussi, si l'on est dans la peau d'un consultant ou d'un partenaire : doit-on à ce point aimer son client pour bien le servir ?

Certains pensent au contraire qu'il faut toujours avoir un peu de distance avec son client ou son environnement professionnel : on ne mélange pas les amis et les affaires, et, pire, on a en tête cette expression anglo-saxonne "Don't f... where you eat !".

Inversement, certains pensent qu'il faut manipuler un peu, voire beaucoup, et la "jouer sympa" avec son entourage : d'où toutes ces conversations oiseuses dans les milieux professionnels, pour parler de foot ou de rugby, de sujets que l'on aborderait avec un bon copain dans son salon, mais là, c'est juste pour détendre avant de parler de produit, de commande, de proposition, de business...Est-ce que ces conversations facilitent les affaires ? Ceux qui les pratiquent doivent le croire, ou bien ils aiment tellement le foot qu'ils ont envie d'en parler avec tout le monde à tout moment... un peu de tout ça en même temps peut-être.

La difficulté c'est aussi que nous ne pouvons pas être copain avec tout le monde, alors que nous avons envie de trouver le maximum de clients (pour le consultant) ou être bien intégré dans son entreprise..

Comment faire quand on ne sent pas "du ketchup dans les veines" ?

Les options sont réduites, dans les deux cas, et ont été bien analysées par David Maister, entre autres (il se concentre sur le cas du professionnel consultant ou avocat, mais ses analyses sont facilement transposables à d'autres contextes) :

1. Servir les "clients", sans faire l'effort d'en faire une relation; faire le minimum nécessaire pour ne pas avoir l'air d'un sauvage dans l'entreprise, mais sans plus;

2. Servir le "client", en appliquant des techniques qui nous rendent dignes de confiance, mais sans sincérité; faire un peu de "lèche" de temps en temps pour se faire bien voir, mais n'en penser pas moins au fond de soi-même ( "je méprise ces gens, mais, comme ils me payent, je les manipule..")

3.Passer le "client" à un collègue; choisir ses aliés dans l'entreprise, éviter les autres;

4. Quitter ce "client"...et cette entreprise qui fabrique des produits que je déteste, qui est dirigée par un clown qui m'horripile, etc...

En fait ces quatre options sont toutes aussi désastreuses les unes que les autres pour obtenir une vraie relation de confiance dans l'entreprise ou avec ses partenaires et clients. Désastreuse aussi pour l'entreprise qui nourrit de tels pathologies au sein de son personnel.

L'option 1 nous ramène à l'adage "la vie est trop courte pour travailler avec des idiots", et, dans ce cas, c'est de la vie du client dont on parle, et l'idiot, c'est nous... Le collaborateur ou le prestataire consultant restera probablement à un niveau de qualité professionnelle trés médiocre avec une telle posture, et n'instaurera sûrement pas une relation professionnelle de confiance avec les autres.

L'option 2 va peut être marcher de temps en temps et pour quelque temps, mais peut-on vivre ainsi longtemps dans la dissimulation et le mensonge ? Pas simple, et sûrement pas trés agréable...surtout si l'on est obligé d'avoir une bonne relation pour réussir dans son métier ou son poste...Mieux vaut peut-être essayer l'option 3 à un moment.

L'option 3 est sûrement une option sérieuse à étudier : ne travailler qu'avec les clients, les chefs, qui vous attirent, et laisser les autres à vos collègues. Facile si vous êtes le partner du cabinet de conseil, ou le senior manager maître de sa carrière, mais plus compliqué si l'on est le junior consultant qui ne choisit pas facilement ses clients et ses managers...

L'option 4, sortir de la relation, est la plus définitive, mais parfois il est nécessaire de l'envisager.

Seulement voilà , cette analyse des quatre options ne termine pas l'analyse du sujet, car on constate que certaines personnes ont ces difficultés avec un nombre trés important de personnes, et combattent en permanence entre ces quatre options, passant de l'une à l'autre en se cognant tout le temps contre les murs, et d'autres sont les individus qui s'entendent bien avec tout le monde, que les clients adorent, que les chefs adulent, auprès de qui les collègues viennent chercher de l'aide..

En fait la relation de confiance avec son entourage professionnel, cette capacité à être sociable, à écouter et à être écouté,c'est une denrée rare mais indispensable pour faire circuler les collaborations et assitances au sein de l'entreprise; c'est une condition toute aussi précieuse pour le professionnel  qui se veut "trusted advisor" de ses clients, et non un "vendeur de steacks" avec des "TJM" (taux journaliers moyens , pour les non-initiés)....

Quand les collaborateurs et partenaires se replient sur eux-mêmes, évitent de communiquer avec ceux qui ne leur ressemblent pas assez, et ne font pas facilement le premier pas, le risque de crispation, d'immobilisme est plus fort.

Ne pas trouver d'autres voies que ces misérables options, c'est aussi refuser toute prise de risque .

Il y a toujours une barrière intime dans la communication et la relation . Pour certains cette barrière est trés étanche, et elle ne permet pas de connaître beaucoup d'expériences, ni de personnes, différentes. Chaque fois que nous osons faire un pas vers l'intimité d'autrui, que nous prenons un risque, nous avons une chance de créer et de développer une relation de confiance; au risque bien sûr parfois d'aller trop loin ou trop vite, et de provoquer l'inverse, c'est à dire méfiance et rejet...Tout est question d'écoute, de dosage, de comportement..

Alors, si l'on est mal à l'aise avec cette idée de "ketchup dans les veines", c'est peut être aussi parce que l'on n'a pas trouvé, ni cherché, ce qui pourrait remplacer ce ketchup...et qui nous semblerait voluptueux..

Pourtant, c'est en trouvant ce ketchup que l'on fera les meilleurs repas et que l'on prendra le plus de plaisir dans nos environnements professionnels et avec nos partenaires et clients...sinon, nous devrons nous contenter de manger toute notre vie des tas de hamburgers différents, mais avec le même goût de "j'aime pas ça !"...

Cette envie elle commence aussi par l'entreprise elle-même, (et ses dirigeants),qui, en se préoccupant de ses collaborateurs, leur apprend le goût du ketchup maison...

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