L'abeille et l'architecte
Au fou !

Deux garçons qui voulaient faire quelque chose ensemble

Champagne

En annonçant ses résultats trimestriels le 16 août, Hewlett Packard a suscité la joie des analystes. Le résultat net, à 1,78 milliards de dollars, est en hausse de 30% par rapport à 2006. Le chiffre d’affaires de 25,4 milliards de dollars fait espérer un chiffre annuel pour 2007 de 100 milliards de dollars, un record historique.

Le Monde fait remarquer la différence d’ambiance par rapport à 2004-2005, où les analystes s’impatientaient de ne pas voir apparaître les bénéfices de la fusion avec Compaq dans les comptes, et le débarquement de la médiatique patronne du Groupe, Carleton Fiorina, par le conseil d’administration début 2005.

Hewlett Packard, c’est aujourd’hui le leader mondial du marché des PC, avec près de 20% des ventes, devant Dell, Lenovo ou Acer.

Cette entreprise a été créée en …1938, cela fait donc 69 ans que l’histoire dure.

Cela laisse rêveur, et l’on peut se demander comment font ces entreprises pour traverser le siècle et atteindre de tels chiffres. On pourrait parler de stratégie, de dirigeant génial, de chance ?

HP fait justement partie des entreprises analysées par Jim Collins dans son étude « Built to last » de ces entreprises qu’il qualifie de « bâties pour durer ». Et il démontre combien nos croyances sur ce qui fait une entreprise visionnaire et durable sont fausses.

Ce qui est impressionnant, concernant HP, c’est ce qui a déclenché sa création :

Bill Hewlett et Dave Packard étaient deux étudiants frais diplômés de leur école d’ingénieurs (Stanford), tous deux âgés de vingt ans, sans aucune expérience du monde des affaires, un capital de départ très modeste, qui ont décidé de faire quelque chose ensemble et de créer une entreprise « dans le domaine de l’électronique », sans idée précise de ce qu’ils allaient faire. Voilà qui vient contredire ceux qui croient que pour créer une entreprise solide, il faut une idée géniale de produit et une stratégie bien bordée.

Ce qui fera décoller l’entreprise, c’est, selon les observations de Jim Collins, la capacité des fondateurs à recruter des ingénieurs de haute qualité, et à bâtir une organisation qui encourage le risque et l’innovation. Un discours de Bill Hewlett, datant des années 50, décrit cette idée :

«  Nous nous assurons que chacun de nos ingénieurs puisse avoir un choix d’occasions opportunes avec l’entreprise, et de bons projets sur lesquels travailler. Nous faisons en sorte d’avoir un encadrement suffisant pour que nos ingénieurs puissent être heureux et au maximum de leurs possibilités. »

Ainsi est née et s’est développée la légende du « HP Way », dont les fondateurs ont fait un livre de témoignage,cette vision un peu philosophique de l’entreprise, transmise de génération en génération, basée sur une conception progressiste de la gestion du personnel, une culture innovante et entreprenariale, et une quantité ininterrompue de produits de produits apportant une contribution technique.Hpway 

Citons Dave Packard :

«  Notre objectif principal consiste à dessiner, à développer, et à produire l’équipement électronique le plus perfectionné pour l’avancement de la science et le bien-être de l’humanité ».

Ces discours un peu lyriques peuvent nous faire sourire et nous sembler un peu démodés. Pourtant, en étant confortés par des actions précises, relatives à la gestion des hommes et à la politique de rémunération et d’intéressement, ils deviennent plus concrets.

La leçon qu’en retient Jim Collins est encourageante pour tous ceux qui voudraient aujourd’hui bâtir de telles entreprises visionnaires : n’importe qui peut y arriver, pas besoin d’idée géniale, ni de leader charismatique ; il suffit de construire la bonne horloge, et de s’attacher à bien l’entretenir, et elle donnera toujours la bonne heure, sur le long terme.

Bien sûr, le plus difficile c’est justement d’avoir cette volonté de faire une entreprise visionnaire, et durable.

Jim Collins nous avertit, avec des mots simples :

«  Si vous voulez lancer une entreprise, la construire rapidement, amasser beaucoup d’argent, réaliser votre capital, et prendre votre retraite, la construction d’une entreprise visionnaire n’est pas adaptée à votre cas.

Si vous n’êtes pas fermement convaincu de la nécessité du progrès – un besoin intérieur, qui consiste à ne jamais cesser de souhaiter s’améliorer pour aller vers l’avant – construire une entreprise visionnaire n’est pas ce qu’il vous faut.

Si vous n’avez pas d’intérêt dans une entreprise gouvernée dans ses valeurs, dotée d’un sens de sa mission, dépassant largement le simple objectif financier, construire une entreprise visionnaire n’est pas ce qu’il vous faut.

Si vous êtes indifférent à la manière de construire une entreprise, pour qu’elle soit forte, non seulement durant votre mandat, mais aussi plusieurs décennies après votre départ, construire une entreprise visionnaire n’est pas ce qu’il vous faut.

Ces quatre réserves mises à part, nous ne pensons pas qu’il existe d’autres exigences préliminaires ».

On dirait un poème...

Ces exigences sur la volonté pour l’entreprise, qui dépasse l’intérêt personnel et immédiat du dirigeant fondateur, elles ne sont pas si simples.

Raison de plus pour rester un moment admiratif des générations de ceux, dirigeants, managers et collaborateurs, qui ont ainsi amené, en quelques décennies, en se passant le relais au fil des années, une entreprise de deux jeunes garçons, qui ne dépassait pas 2 millions de dollars de chiffre d'affaires en 1948, vers un groupe mondial de 100 milliard de dollars ...

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