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Le château de Frankenstein

Sublimes mobiles

Dlying

En 1870, à la fin du second Empire, un industriel, denis Poulot, publie un ouvrage qui inspirera Emile Zola pour décrire le monde ouvrier dans  "L'assommoir", consacré aux "sublimes"... (voir ce blog d'Elisabeth Leroy qui nous rappelle cet épisode).

De quoi s'agit-il ?

Il s'agit des travailleurs qui sont des ouvriers trés qualifiés, et qui se sentent suffisamment de haut niveau et indépendants pour se sentir le droit de choisir leur job et leur patron.

Ils constituent une forme de résistance, avec une arme trés forte :

La mobilité.

Dès que quelque chose ne leur plait pas, ils changent d'employeur...

Cette tendance à l'indépendance est mal vue, tant des patrons qui aiment mieux les ouvriers qui obéissent, que des autres ouvriers qui n'aiment pas trop ces manifestations d'indépendance individuelle.

"Heureusement", en 1884, les syndicats seront autorisés, et c'en sera fini de ces sublimes.

Quand on se rappelle cette origine de la notion de "mobilité", on ne peut qu'être surpris de voir comment les choses ont évoluées aujourd'hui. Tout s'est inversé, apparemment.

Aujourd'hui, la mobilité est devenue une valeur nouvelle, appelée par les managers et dirigeants, et constituant un avantage dans la compétitivité des entreprises. Bernard Gazier, économiste, en fait même un slogan : "Tous sublimes", en référence à Denis Poulot.Derrière ce slogan, il voit un "nouveau modèle social" se profiler.

Être mobile, aujourd'hui, c'est toujours regardé avec inquiétude par les syndicats (eux n'ont pas changé...), qui y voient, pour certains, le signe de la précarité, de la flexibilité qui risque de faire perdre son boulot, et qui ne conçoivent pas cette souplesse sans "sécurité", essayant toujours d'empêcher qu'elle ne s'exerce trop librement, et appelant à des protections de toute nature. La mobilité externe à l'initiative de l'employeur est fortement encadrée, et nécessite une cause "réelle et sèrieuse". A l'initiative du salarié, elle est suspecte (et si elle résultait d'une intimidation du patron ?) et doit être sécurisée (voir la notion de'"sécurité sociale professionnelle" pronée par la CGT et tous les débats sur la "sécurisation des parcours professionnels").

Pour les plus rétrogrades, mobilité, ça veut dire licenciement, le patron ayant décidé de se séparer de son collaborateur...

La mobilité interne a eu longtemps, elle aussi, mauvaise image dans l'entreprise; "être en mobilité", ça voulait dire être au placard, ou en train de se faire virer. Ce n'était pas une notion trés positive.

Alors, de nombreuses entreprises s'efforcent de redonner du positif, d'encourager, cette mobilité, tant interne qu'externe, notamment parmi les cadres.Certains ont même déjà peur d'être allés trop loin.

Chaque année, l'APEC fait une enquête sur les résultats et interroge un échantillon de cadres sur la mobilité.

L'enquête de cette année vient de paraître.

Bonne nouvelle, cette enquête nous apprend que les cadres sont de plus en plus mobiles : 22% des cadres ont bougé dans leur entreprise en 2006, et 6% ont changé d'entreprise. La part des cadres mobiles - dans l'ensemble des cadres en activité- a augmenté de dix points.

9 sur 10 se déclarent satisfaits de cette mobilité.

Pour ceux qui ont quitté leur entreprise , les 3/4 l'ont fait de leur propre initiative.

Autre point de l'enquête : 8 cadres sur 10 se déclarent satisfaits de leur équilibre vie privée / vie professionnelle, quel que soit leur âge.

Les sublimes seraient ils de retour ?

En tous cas, quelque chose est en train de changer dans la perception de la mobilité dans nos entreprises. Ceux qui bougent sont de plus en plus ceux qui veulent bouger.Et en plus, ils en sont satisfaits !

Voilà qui ringardise fortement les vieux discours de ceux qui ne voient pas, ou ne veulent pas voir, ces évolutions.

Les cadres bougent, et avec eux les pratiques et le management de nos entreprises.

Tous sublimes ? on progresse....

Commentaires

elisabeth

Bonsoir,
En cliquant sur le lien de votre commentaire sur mon blog je ne pensais pas trouver un article sur les Sublimes ! C'est vrai qu'ils ne sont pas connus.
Je vous remercie d'avoir cité mon article et mis le lien pour y parvenir. D'avoir engagé le débat.
Certains il est vrai désirent bouger quand ils n'ont pas de maison à crédit donc un empêchement. Tout le monde ne peut pas le faire. Et je comprends que certains sont frileux.
Si je comprends bien vous êtes manager d'entreprise ?

Marc Traverson

C'est une intéressante question que celle de la mobilité. La mobilité est-elle une valeur? Ou un luxe? Elle est probablement le fait d'une élite, sublime, forcément sublime... Mobilité ou précarité? Deux conceptions s'affrontent, qui ouvrent sur deux représentation antinomiques du rapport employeur-employé.

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