L'âge de la mobilité
Excellence au régime

La certitude de la compétence

Donkey_2  Quand les politiques essayent de nous parler de management et d'entreprises, ça prend souvent une tournure un peu décalée. On n'est jamais déçus...

Déjà, pendant la campagne, on avait eu droit à cette fable de "loi de la performance" que l'UMP envisageait dans son catalogue de propositions (c'était la 11) pour améliorer la performance du secteur public.

Bien sûr, certains dirigeants d'entreprises publiques viennent contredire, heureusement, toutes ces bêtises.

Mais, de temps en temps, ça leur reprend.

Preuve supplémentaire dans le discours de politique générale de François Fillon du 3 juillet devant les députés.

François Fillon s'engage à donner plus de pouvoir au Parlement, c'est honorrable, et, comme point d'application, il évoque la désignation des dirigeants des entreprises publiques.

Citation :

" Les commissions compétentes auront le pouvoir de donner leur avis sur les personnes que le Gouvernement entend nommer. Des auditions publiques pourront être organisées.

Au soupçon d'allégeance, s'imposera désormais la certitude de la compétence".

Cette sortie laisse songeur, non ?

Imaginons un peu, dans nos entreprises, un pareil système de commissions de personnes non membres de l'entreprise pour nommer les dirigeants..quelle catastrophe;

Et rêvons un instant sur ces commissions de parlementaires en train d'éplucher les CV des prétendants. Leurs critères, on les connait : les diplômes (l'ENA, l'X, on adore, bien sûr...), l'ancienneté, qu'ils appelleront l'expérience (Préfet, ancien Directeur de cabinet du Premier Mnistre, ou d'un Ministre, c'est trés bien vu), et le consensus (ni trop à gauche, ni trop à droite), la diversité (on aime de plus en plus les femmes).Et même si l'on est prêt à accepter cette procédure (qui semble à Fillon meilleure qu'une simple nomination, selon le principe que, plus il y a des personnes pour décider , meilleur est le choix...cette obsession du vote, probablement), on peut rester trés étonné par cette "certitude de la compétence"; tu parles d'une certitude !

A l'heure où les mécanismes pour faire émerger les talents et nommer les dirigeants dans les entreprises deviennent de plus en plus sophistiqués, et où justement il est difficile de dégager des "certitudes", on reste attéré de l'indigence de la vision de la gestion des ressources humaines, et des processus de nomination des dirigeants, par nos responsables politiques.

Un dirigeant d'une entreprise publique (pas encore nommé grâce à la nouvelle certitude de lacompétence, mais seulement par le gouvernement) faisait remarquer que, à son grand étonnement, lorsqu'il a été nommé, aucun objectif, ni aucune feuille de route ne lui a été fournie : en clair, il pouvait faire ce qu'il voulait.

C'est là tout le problème de la gouvernance de ces entreprises : alors que dans le monde des actionnaires privés les administrateurs nomment les dirigeants en fixant des objectifs stratégiques, qu'ils contrôlent, et sur lesquels ils demandent des comptes régulièrement, nos dirigeants publics sont, une fois nommés, complètement livrés à eux-mêmes. Cette pratique de rechercher des dirigeants systématiquement à l'extérieur, elle est moins commune dans les entreprises privées, qui recherchent au contraire, en repérant et fidélisant les talents, à faire émerger leurs leaders en leur sein (voyons L'Oréal, General Electric, Saint Gobain, Total,..), même si il y a toujours des exeptions.

Le fait que ces dirigeants d'entreprises publiques nommés viennent généralement de l'extèrieur de l'entreprise peut conduire à d'autres dysfonctionnements, surtout au début,  du Comité de Direction. Imaginons l'efficacité du management lorsque le dirigeant, haut fonctionnaire, sans aucune expérience de l'entreprise (il y en a ), essaye de tout contrôler, sous le regard ahuri, et un peu méfiant, de ses N-1. Autre pratique de ces dirigeants : pour marquer que les choses changent, que les décisions se prennent, ils vont changer...l'organigramme. Il n'y a plus que les dirigeants publics pour croire encore que ce sont les organigrammes qui font marcher les entreprises. Oui, cette double méprise sur la tentation centralisatrice et l'obsession des organigrammes, elle ne disparaîtra pas facilement des pratiques publiques.

Autre anecdote entendue, de ce dirigeant d'entreprise publique qui se plaignait que les problèmes ne lui remontaient pas, y voyant ainsi le signe que l'entreprises marchait mal. Que l'un de ses directeurs lui fasse remarquer que l'efficacité ne consistait pas à lui remonter les problèmes, mais à faire en sorte que chacun les traite à son niveau, ne l'a pas fait changer d'avis. Le principe du contrôle central est souvent profondément ancré dans les mentalités, et certains dirigeants publics ont du mal à imaginer que quelqu'un d'inférieur dans la hiérarchie, et donc forcément moins intelligent, puisse résoudre sans leur intervention les problèmes de l'entreprise.

Alors, ils pensent que leur rôle est de se mêler de tout, ou du moins de ce qui les intéresse. Ils ont toujours une anecdote, provenant par exemple de leur stage d'application de l'ENA, qui vient démontrer leur sens du concret et du terrain. Ils ne peuvent pas s'empêcher de s'y référer régulièrement. Ces anecdotes, souvenirs de leurs jeunes années, un peu enjolivées, proférées par des dirigeants aux cheveux blancs, font toujours sourire, surtout les collaborateurs. Elles sont souvent l'aveu flagrant que, depuis ce stage si concret, ils n'ont rien connu d'autre ...

Alors, les nommer par une commission parlementaire, composés de gens souvent issus du même moule de formation, et trés souvent de la Fonction Publique, trés rarement du monde de l'entreprise, et croire que cela va donner "la certitude de la compétence", il faut une bonne dose de cynisme pour y croire.

On se réjouit d'avance d'assister à une de ces auditions publiques promises par le Premier Ministre, un peu comme dans la "Nouvelle Star", pour sélectionner un des prochains dirigeants (il manquera juste le vote du public, mais on pourrait y songer...).

Cette certitude de la compétence, énoncée avec un tel aplomb, comment l'appeler ?

En souvenir des "raffarinnades", on pourrait dire ..."Fillonnerie" ?

Commentaires

JOUJOU DE PARIS

Ou une félonerie...

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