La certitude de la compétence
Le piéton est-il mort ?

Excellence au régime

Excellence Dans les discours d'entreprises, le mot "Excellence" est souvent présent. C'est l'occasion de jolis discours lors de la présentation des résultats, des réunions de collaborateurs, ou de réunions avec les clients.Sans parler des consultants...

Bien sûr, cette histoire vient de loin. On se rappelle de ce best seller de Tom Peters, qui a fait sa fortune et sa réputation : "Le prix de l'excellence", écrit avec Bob Waterman c'était en ...1982.

Cet ouvrage cherchait à identifier ce qui conduisait les entreprises étudiées à être "excellentes". Depuis, on se méfie un peu de ce genre d'exercice...et de son "effet Halo".

Tom Peters continue encore aujourd'hui à prêcher cette excellence, dans ses ouvrages et son blog. Il parcourt le monde avec ses séminaires-shows sur le sujet, avec toujours la même ardeur (c'est ça le sens du service client). Il vient de rassembler le pack complet des slides qu'il utilise dans ses présentations : 2700 slides ! Il applique cette excellence à lui-même en nommant cette anthologie : "The best I can do !".

En fait, cette excellence, ce n'est pas vraiment une histoire de "Do" mais bien plutôt d'envie. L'excellence, c'est d'abord la volonté d'être excellent, d'être meilleur que tout le monde, dans l'activité que l'on a choisi.

Il suffit parfois d'un chiffre pour comprendre ce dont il s'agit. Prenons quelques exemples cités par Tom; il appelle ça les "nombres magiques" :

" 25 : Bien que son empire soit énorme, et son équipe de Direction trés forte, le fondateur de Starbucks, Howard Schultz, continue, religieusement de visiter au moins 25 magasins par semaine. Malgré notre taille, dit-il, nous continuons à vendre une tasse aprés l'autre, à vendre à un client à la fois, et à servir chacun un par un. J'ai besoin de voir et sentir ça".

" 60: "Pendant la première semaine de l'année, j'appelle au téléphone 60 Directeurs Généraux pour leur souhaiter une bonne année" - Hank Paulson, ex-CEO de Goldman Sachs".

En fait, ces nombres ne sont pas magiques, mais le résultat d'une vraie volonté de se comporter comme notre stratégie d'excellence nous le demande. Vouloir être reconnu comme "excellent" en service client, en satisfaction client, c'est justement appeler ces 60 personnes, ou visiter ces 25 magasins. Sinon, on ne fait que se mentir, en parlant d'excellence, mais en ne le traduisant pas en actes concrets.

Alors, évidemment, pour avoir envie de vivre vraiment cette excellence, il faut une vraie dose d'ambition et de volonté. David Maister compare cette situation au problème du "fat smoker" : Nous sommes comme celui-ci, nous savons qu'il serait mieux pour notre santé d'arrêter de manger trop et de fumer, nous connaissons tous les bienfaits que nous en retirerions, nous savons ce qu'il faut faire pour ça, et pourtant nous ne le faisons pas. C'est la même chose avec la stratégie de l'excellence, quel que soit le secteur où nous intervenons.

C'est pourquoi David compare la stratégie de l'excellence à un régime alimentaire.

Car nous ne sommes jamais obligés d'être excellents. On peut objectivement reconnaître que l'on cherche à faire "correctement" son travail, son métier, en restant volontairement un "fat smoker". On est alors un consultant qui fait un job de consultant correct, un épicier qui fait un travail d"épicier correct, un restaurateur qui fait un travail de restaurateur correct, un commercial qui fait un travail de commercial correct... Pour ceux là qui ont choisi ce positionnement "correct", il y a bien sûr une contrepartie : il va falloir souvent se battre sur les prix, et rechercher toujours plus de volumes pour compenser.Et même parfois accepter de faire des jobs, de s'engager dans des activités qu'on n'aime pas trop, mais , "il faut bien vivre"; ces clients que je déteste, je travaillerai quand même pour eux car, aprés tout, "ils me payent".

Par contre, celui qui vise l'excellence, c'est celui qui s'engage dans un vrai "régime de l'excellence", quelque chose à laquelle on ne dérogera pas, qui devient une habitude, une idéologie. Une envie de vivre différemment de tout le monde.

C'est la volonté de faire plus d'efforts dans sa carrière professionnelle, pour arriver ailleurs, dans un positionnement complètement différent. Et de s'y accomplir.

Mais comment faire pour adopter et se tenir à un tel régime ?

David Maister, dans son article "Strategy & The fat smoker" nous le fait en 6 points :

1. En faire un changement de mode de vie permanent

Certains peuvent penser que les programmes stratégiques, comme les régimes alimentaires, sont comme un programme temporaire, distinct de la vie normale, comme si il y avait la vraie vie d'un côté, et le régime d'autre part. Vu comme ça, le programme est voué à l'échec. David nous conseille de faire de notre programme stratégique d'excellence la composante permanente de tout ce que nous faisons dans notre vie, comme une habitude.

2. Changer les indicateurs de mesure

Pour perdre du poids, il faut monter sur la balance tous les jours. Pour atteindre l'excellence, ou réussir notre stratégie, il nous faut trouver les indicateurs de résultats, et nous les mettre sous le nez, et le nez des autres (clients, collaborateurs, amis, etc...) tous les jours.

3. Montrer l'exemple par le haut

Ce ne sont pas les collaborateurs qui vont changer pour atteindre l'excellence tous seuls, c'est d'abord le top management qui va lancer le mouvement. En tant que consultant, il est fréquent de se retrouver face à un dirigeant qui souhaite que ses collaborateurs soient "plus motivés", "plus entrepreneurs", "plus ceci cela", "plus excellent driven"...Mais si le dirigeant ne démontre à aucun moment sa propre implication dans ce processus, tout ce que fera le consultant ne mènera à rien (à l'exception d'honoraires sympathiques).

4. Les principes sont plus importants que la tactique

Les objectifs stratégiques et d'excellence, s'ils sont traduits uniquement en résultats immédiats (genre "faites des exercices chaque jour pour avoir l'air en forme") ne seront perçus que comme des punitions, et la récompense restera quelque chose d'innateignable. Au contraire, si les objectifs du régime sont traduits en principes ( " traiter les clients et les collaborateurs avec respect est chez nous une valeur, pas une tactique"), les enjeux sont d'un coup perçus comme plus élevés, et leur mise en oeuvre facilitée. En fait, David considère que les managers qui réussissent à faire réussir les choses sont ceux qui croient en quelque chose, qui ont une sorte d'idéologie.

5. Rien ne se fait sans volontaires

Même si le leader propose une idéologie, il n'est pas possible de forcer les collaborateurs à y adhérer. Il faut aussi un engagement personnel, une volonté de chacun.

6. Les collaborateurs doivent monter dans le bus, ou le quitter

C'est Jim Collins qui utilise cette image du bus (dans "Good to great") pour parler de l'éxécution de la stratégie. La stratégie, l'excellence, ça ne consiste pas à faire ce que "la plupart d'entre nous, la plupart du temps" ont envie de faire. Ce genre de stratégie ne conduit qu'à la fainéantise et la médiocrité. La participation à un objectif d'excellence n'est pas optionnelle, elle est obligatoire.

Si une partie des membres dirigeants, du comité de direction n'a pas envie de ce genre d'expédition, elle n'a d'autre choix que de "quitter le bus". Les firmes de services professionnels, par exemple les consultants, peuvent être effrayées de ce genre de conclusions. Elles préfèrent parfois composer avec les sceptiques et ceux qui n'y croient pas, en considérant que le principal est de générer du volume de business, plutôt que de trop imposer des critères d'excellence non partagés par tous. Les firmes qui se sont moulées dans ces politiques finissent par ne plus avoir de stratégie, ni vraiment d'excellence.

Il ne s'agit pas de forcer les personnes à entrer dans une stratégie, mais de garder dans le projet de l'entreprise ceux qui ont optés pour l'excellence, et à encourager ceux qui n'ont pas opté à ...partir.

Clairement cette vision de l'excellence, comme un régime, est exigente, et demande du courage. C'est le prix à payer pour rendre vraiment réel cette notion d'"excellence" ; sinon cela restera du bla-bla, mais aucun effet visible pour le client ou les collaborateurs.

De plus, cette orientation ne peut pas se faire à moitié : il n'est pas possible d'être un mari fidèle en divisant par deux le nombre de ses maîtresses; c'est la même chose avec la stratégie d'entreprise et l'objectif d'excellence.

C'est sûrement la raison pour laquelle les entreprises, les managers, les professionnels, les entreprises de conseil et de services, les consultants excellents ne sont finalement pas si nombreux que ça.

Fat_2 Repérons les, ceux et celles qui préfèrent rester gras et manger beaucoup, qui aiment le volume à tous prix, qui parlent d'excellence sans arrêt, sans se préoccuper du reste...ils sont les menteurs de l'excellence.

Commentaires

RMS

excellent billet !

FJM

En même temps, cela nécessite forcément d'avoir avant tout une idée très claire de ce qu'est l'excellence pour soi-même: est-ce une transposition de valeurs personnelles dans le cadre professionnel ou bien la création ex-nihilo de nouvelles valeurs correspondant à un objectif business précis?

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