Vivre avec son temps
L'histoire de la légère goutte d'huile

Pareils et différents

Lesdeux On est dans la même boîte, on nage vers les mêmes objectifs, toi en Hollande, moi en France, et pourtant on est différents.

On le constate tous les jours, même si on essaye de ne pas s'enfermer dans ce genre de généralisations, quand on parle des autres pays européens, on a vite fait de voir tous leurs habitants identiques : les allemands sont comme ça, les anglais sont comme ci, et nous les français, on n'est pas comme tous le monde.

Alors, quand on se veut une multinationale, on essaye d'effacer ces histoires: tous unis sous la même marque, dans la "big company touch"...

Ces discours sont souvent bien loin des vrais ressentis.

Un exemple entendu cette semaine, par une DRH, comparant les cadres de la filiale hollandaise du Groupe avec ceux de la France.

Ces deux entreprises ayant fusionnées il y a trois ans, il est facile de faire des comparaisons :

" Les hollandais ont plus d'autonomie, ils se sentent plus responsables. Ils sont habitués à émettre des reportings vers les sièges en échange de cette responsabilisation. Et ils sont trés mobiles : en trois ans les interlocuteurs aux postes clés ont tous changés".

La France maintenant (mon interlocutrice est française) :

" Notre organisation en France est bureaucratique; nous sommes auto-régulés par une gestion trés centralisatrice. On n'aime pas les reportings. On a besoin de la hiérarchie pour prendre plein de décisions. Et depuis trois ans, ce sont les mêmes qui sont en poste, un peu plus fatigués, alors que la Hollande a renouvelé les postes, et mis en place une nouvelle équipe pleine d'envies et de dynamisme".

Et la conclusion :

" Si nous n'améliorons pas la culture de la mobilité et de la responsabilisation, les postes les plus intéressants vont aller, en France,   à des hollandais dans pas longtemps".

Le sujet n'est pas de comparer la France et la Hollande, d'autres pays pourraient fournir le même diagnostic. Le sujet, c'est de constater combien les organisations trop centralisées, trop peu responsabilisantes, où il n'y a pas de mobilité interne, sont en train de perdre pied. La mondialisation, ce n'est pas seulement des histoires de délocalisations, c'est aussi cette concurrence entre les styles et les pratiques de management. C'est cette différence d'efficacité entre les vieilles méthodes et l'agilité managèriale.

La mobilité interne, cette capacité à faire vivre aux collaborateurs de nombreux challenges, est la clé de cet apprentissage. Même si ceux qui fonctionnent à grande vitesse vont parfois un peu trop vite, ceux qui dorment au volant n'en sont pas moins mal partis pour autant.

C'est pourquoi le sujet d'actualité aujourd'hui dans les entreprises responsables et qui veulent sur-performer par rapport à leurs concurrents, ce n'est pas de préparer à l'arraché les plans de licenciements qui abaisseront les coûts, comme veulent le croire tous ceux qui ne connaissent rien à l'entreprise et vivent de caricatures idiotes, mais d'abord de développer, par une politique ambitieuse de gestion de la mobilité interne, le vivier de talents que possède l'entreprise. Ce vivier de talents évolue bien sûr, certaines compétences étant en déclin, et d'autres en forte croissance, voire tout juste émergentes. C'est justement en anticipant ces évolutions, et procédant aux reconversions nécessaires, et aidant au mouvement et en développant la motivation pour la prise de risques, que les objectifs les plus ambitieux ont des chances d'être atteints.

Certains croient que tout ça n'est qu'une histoire de procédures et d'outils, de GPEC et autres bilans de compétences, dont on ne sait pas trop quoi faire finalement. Mais ce n'est là que la conséquence. Le premier acte, c'est d'abord un acte fort de gouvernance d'entreprise, d'affichage des priorités; et le deuxième acte, c'est un acte de management, de volonté de manager avec plus de délégations et de responsabilités, avec de l'autonomie, de la prise de risques.

Cette gouvernance, ce courage de manager autrement, s'ils manquent, ne seront jamais remplacés par des batteries d'accords signés avec les partenaires sociaux. Toute cette paperasse d'intentions ne servira à rien si le management n'est pas leader.

Les DRH qui croient encore qu'elles vont tout réguler avec leur bureaucratie de procédures ont du souci à se faire, car cette révolution du management elle les concerne aussi directement; c'est en montrant l'exemple, dans leur façon de manager et de gérer leur fonction et leurs collaborateurs, qu'elles prouveront leur capacité à aider l'entreprise à évoluer, et à résister dans ce que certaines appellent, avec un peu de dramatisation, la "guerre des talents".

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