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Cueillette interdite ?

Pommeeve Dans un jardin, vouloir librement cueillir des pommes, ça peut être dangereux et lourd de conséquences... Il paraît que nous payons encore les conséquences d'une telle initiative... Eve, qu'as tu fait ?

Aujourd'hui, dans l'entreprise, certains croient que des dangers du même ordre nous menacent.

Qu'est ce que c'est que cette histoire ?

Les Echos, en ce moment, publie tous les jeudis, un supplément sur " L'art d'entreprendre" (on avait déjà eu les années précédentes l'Art de manager, l'Art de ceci, l'art de cela...).

Jeudi 21 juin, c'était "Entreprendre dans la grande entreprise", avec notamment un article d' Olivier Basso, qui est un des parrains inspirateurs de ce blog.

Olivier y analyse ce concept de "manager entrepreneur", qui consiste à rechercher, dans la grande entreprise, des caractéristiques, pour les managers, identiques à celles  des entrepreneurs. En clair, il faut que les managers prennent des initiatives, innovent, prennent des risques, bref se comportent comme si leur job était leur propre boîte.

Ceci constitue une nouvelle posture, qui est apparemment encouragée, mais qui correspond à une redéfinition du manager qui va au-delà des attentes de l'entreprise :

"Le manager d'aujourd'hui est conduit à se penser de plus en plus comme un entrepreneur, non pas tant parce qu'il devrait en épouser certaines attitudes pour satisfaire aux demandes de son organisation mais parce que l'incertitude de sa relation à l'entreprise qui l'emploie le forcera de plus en plus à se placer en situation de non dépendance : la disparition de la contrepartie de la stabilité professionnelle entraîne un développement des approches par portefeuille de projets. En d'autres termes, le manager mercenaire, infidèle et efficace, dur à la tâche et conscient de sa valeur marchande, est un type qui commence à émerger et à se diffuser.Pareils à des sportifs de haut niveau, les managers soucieux de faire fructifier leurs compétences et leurs atouts vont de plus en plus poser de nouvelles conditions aux entreprises, qui ne sauraient désormais les retenir durablement si elles ne changent pas radicalement leur mode d'organisation du travail et leur mode de gouvernance".

Ces nouvelles attitudes font elles peur ou donnent elles envie ?

Les cas sont variés. Mais quelques témoignages recueillis lors d'échanges avec des DRH en charge de mobilité peuvent laisser un doute :

Si les entreprises ont pour la plupart fait de la mobilité un enjeu et un atout concurrentiel fort de leur stratégie, on sent encore des réticences si le salarié s'avèrait trop libre de lui-même.C'est toujours pareils, les amis de la liberté ont peur ...de la liberté.

Ainsi, une entreprise, qui a instauré des incitations à la mobilité, se sent dépassée :

" L'entreprise n'est pas un magasin où l'on vient faire sa cueillette des compétences et des postes à son seul avantage. Tout cela ne doit pas être trop libéral, et au contraire encadré par des règles du jeu strictes fixées par la DRH".

" Il n'est pas possible de voir des clans, des réseaux, des parcours individuels, se constituer sans aucun contrôle..."

Ah , ces histoires de contrôle, toujours les mêmes...

Amusantes remarques où une attitude, pourtant trés encouragée par les dirigeants et managers, est en train de se retourner contre ceux qui ont lancé le système, et qui ont peur d'en perdre le contrôle. Alors vite, fixons des règles, encadrons, sifflons , sanctionnons...

Bien sûr, ces cas sont minoritaires, et pour nombre d'entreprises, la mobilité est insuffisante, les cadres ne bougent pas assez...et de nombreux programmes se mettent en place, visant à faire émerger des leaders plus flexibles, plus ouverts, plus mobiles, plus ..tout.

Mais il est intéressant de percevoir ce signal faible qui indique que , tout doucement, et Olivier Basso l'a bien senti, des nouvelles attitudes, celles de ceux qui ont compris tous les avantages du système, et tous les bénéfices de cette attitude d'indépendance, vont changer la donne des relations et du management dans l'entreprise.

Les entreprises qui sauront le maîtriser et le domestiquer sans brider les initiatives seront les grandes gagnantes de cette révolution.Le benchmark reste à inventer; pour le moment, les managers cherchent tous cet équilibre entre l'initiative individuelle et le dirigisme. En tous cas les panneaux "cueillette interdite" ont bien peu de chances d'avoir le moindre effet si on en reste là.

A suivre....


Ici matelot Jones...

Saillor2 La notion de "réalité" est aujourd'hui un concept qui étonne... Comme les commentaires ICI.

En effet, dire qu'il existe "une réalité" heurte ceux qui pensent que cette notion de réalité n'existe pas. Ce qui compte, ce sont les opinions, et plus particulièrement la mienne, bien sûr. Dans cette approche, le "réalisme" a quelque chose de désuet dans le monde moderne. Celui-ci, pour beaucoup est plutôt un terrain où s'afrontent ou se confrontent des "façons de voir"...

Alors, si les philosophes nous apprennent que nous ne sommes jamais conscients du réel, et que nous n'en avons que des perceptions, doit on s'en convaincre en tant que leaders d'entreprises?

Ce serait probablement une grave erreur dans le management. Bien sûr, la chance, l'intuition, le hasard, comme dans la vie, ont leur part dans la vie de l'entreprise, mais confondre les perceptions et la réalité peut conduire à de graves situations. C'est pourquoi, probablement, Max De Pree considère que la première responsabilité du dirigeant est de "décrire la réalité".

Une petite histoire, citée par Stephen Covey, célèbre auteur des "sept habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu'ils entreprennent" illustre bien cette idée :

De nuit, par un épais brouillard, le commandant d'un navire de guerre scrute à droite et à gauche avec ses jumelles à la recherche d'un repère ; son attention est attirée par un feu de bord, droit devant. "Quel cours suit-il ?", aboie-t-il ; la vigie répond "Ferme vers nous".

Le commandant ordonne de signifier au navire approchant, qu'il ait à modifier son cap de 20 degrés. Celui d'en face signale en retour : "Vous conseille d'infléchir immédiatement votre route de 20 °". Le commandant, furieux maintenant, ordonne de signaler "Je suis amiral et ceci est un navire de guerre. Changez de cap immédiatement." - L'autre répond : "Ici, matelot Jones, et je suis sur un phare. Feriez bien d'infléchir votre route".

C'est bien sûr le navire de guerre qui modifia son cap.

Belle anecdote pour nous rappeler que, parfois, le matelot Jones est utile. Il faut chaque fois être capable d'ajuster nos perceptions aux contours de la réalité, et de garder les yeux ouverts sur la justesse de nos impressions en permanence.


Décroissants chauds

Croissant La croissance, c'est un must quand on parle de performance. Une entreprise sans croissance, c'est une entreprise dont on se méfie.

Certains croient qu'elle vient toute seule comme une fée, mais pour la plupart, ils savent que c'est un objectif difficile, qui nécessite d'être toujours innovant, de répondre toujours mieux et en avance aux besoins des clients. Une entreprise en croissance, c'est forcément des actionnaires, des clients, des banquiers, des collaborateurs, plus heureux. Même l'Etat est de la chanson, car, pour lui, une entreprise en croissance, c'est des impôts, de l'IS, de la TVA, etc...

Et puis il y a ceux qui nous disent que la croissance, c'est mal, c'est plus tendance, car il faut protéger la planète, il faut arrêter de faire du mal à l'environnement,...

Et une petite vague de contestation de la croissance en tant que telle se propage..

Le Monde y a consacré un supplément spécial le 30 mai dernier.le titre : "La croissance en question".

Philippe Manière, directeur de l'institut Montaigne, n'y croit pas, lui, à cette histoire de frein de la croissance. En bon libéral, il nous rappelle que le capitalisme a le génie de s'adapter et que c'est par l'innovation que les hommes imagineront les sources de croissance compatibles avec les exigences de protection de l'environnement. Des innovations dans l'habitat, les transports collectifs, par exemple, feront que nous ferons notre développement avec des sources d'énergie différentes, et donc que cette histoire de raréfaction des ressources est une fable.

C'est la reprise des thèses de Julian Simon (1932-1998),(notamment dans : "the ultimate ressource") Pour lui, les ressources naturelles n'existent pas, et ne sont qu'un produit de l'esprit humain.Il est vrai qu'une ressource naturelle, quelle qu'elle soit, n'a pas d'existence économique tant que personne ne lui a trouvé d'usage ou ne l'a associée à un projet humain. Pascal Salin explique ainsi dans son dernier ouvrage, que "des pays riches en ressources naturelles ne se développent pas - par exemple le pétrole pour le Vénézuela- alors que d'autres, démunis en ressources naturelles - la Suisse, Singapour ou Hong Kong- sont au contraire trés prospères".

La plupart des économistes interrogés par Le Monde ont l'air d'accord : il ne s'agit pas de contester le besoin de croissance pour le monde, mais ce qui doit changer, ce sont, pour certains " les modalités", pour d'autres le "contenu". Ce sont, selon Christian de Boissieu, président du Conseil d'analyse économique, les comportements individuels qui doivent changer, et les démarches locales, la décentralisation, seront déterminantes.

Reste quelques voix différentes, notamment celle de Patrick Viveret, pour qui la croissance est "insoutenable", et qui appellent à "sortir du monde de l'avoir" pour entrer dans "un développement de l'ordre de l'être"...

Au delà de ces discours théoriques, opposant toujours les libéraux et les interventionnistes en tous genres (non dénués d'arrières pensées et de cette envie altermondialiste de mettre le bordel pour s'accaparer un pouvoir politique qui mettra en oeuvre une contrainte publique redistributrice à leur avantage), Le Monde, a aussi une envoyée spéciale, Gaëlle Dupont, dans la vraie vie d'habitants de..Carhaix-Pouguer, dans le Finistère.

C'est la partie la plus intéressante du dossier.

Les personnes qu'a rencontré Gaëlle Dupont, elles se présentent comme "objecteurs de croissance", ou "décroissants".

De quoi s'agit-il ?

Anna et Arzhel ont un téléphone et une chaîne audio, mais pas de télé ni de frigo. Ils ne mangent que des céréales et des légumes frais biologiques.Anna est convaincue :

" Si nous continuons à abuser de ses ressources, les générations futures n'auront plus rien".

"Nous réduisons certaines choses comme la consommation de biens et d'énergie, mais nous y gagnons du temps pour nous, et la possibilité d'organiser notre vie comme nous le voulons".

Autre témoignage troublant, celui de Béatrice, qui a tout lâché d'un coup :

" J'avais un commerce à Brest, ça marchait bien, il ne restait qu'à le faire grossir....On veut gagner plus, avoir plus, mais à un moment on n'est pas satisfait de la vie qu'on a. On risque de tomber dans l'engrenage boulot, stress, médicaments, passivité".

Béatrice s'occupe maintenant du développement du commerce équitable, elle ne possède rien, elle vit "chez un ami"...

Cette recherche de l'autonomie complète sur le plan matériel, parfois en dépendant des autres, c'est un choix qui semble bien difficile et marginalisant, les témoignages ont tous un ton de petite angoisse.

Céline, architecte, et christophe tentent une explication plus philosophique :

" La décroissance, c'est un choix intellectuel. On doit avoir une culture et les capacités intellectuelles pour le faire. Sinon, on est simplement pauvre".

" On peut parler de décroissance pour nous, dans les pays riches, parce que nous bénéficions de structures collectives, de santé, d'éducation, de transports en commun. On ne peut évidemment pas le faire pour les pays du Sud. Mais on peut les inciter à tirer parti de nos erreurs".

Finalement, ces riches qui s'amusent à être pauvres, que cherchent ils ?

L'article vend la mèche en conclusion, grâce à christophe :

" Nous devons entrer dans une démarche politique, nous battre pour obtenir des choses, donner la possibilité à tous d'aller vers un mode décroissant"

Oui, ce sont des décroissants chauds qui sont là !.

Ah bon c'était de la politique ? Toujours cette lutte de "ceux qui cherchent, non pas à créer des richesses, mais in fine à bénéficier d'une part aussi grande que possible des richesses créées par autrui" (pascal Salin).

L'existence de ces mouvements nous fait aussi réfléchir car, dans nos entreprises, ces thèses sur la décroissance, les méfaits de la croissance, ont déjà commencé à pénétrer. Tous ne sont pas partis vivre à Carhaix-Pouguer. Et il devient de plus nécessaire d'expliquer pourquoi l'entreprise se donne des objectifs de croissance, et comment ces objectifs sont compatibles aves des préoccupations sur l'environnement, le développement durable.

Oublier de traiter de front ces questions, ou être incapable de fournir des réponses franches et convaincantes, c'est faire croître ces phénomènes de rejet.

Si l'entreprise ne traite pas ces questions de fond, c'est peut être l'action politique, parfois violente, souvent mal intentionnée, qui risque d'avoir le dernier mot.


L'histoire de la légère goutte d'huile

Goutte

Ça se passe au XVIIIème siècle, en 1774, et pourtant cela évoque des circonstances très modernes.

Elisabeth Badinter relate ces évènements dans son dernier ouvrage, tome 3 des « Passions intellectuelles », consacré à la « volonté de pouvoir ».

En 1774, à la mort de Louis XV, le jeune Louis XVI, tout juste 20 ans, fait entrer au gouvernement, d’abord à

la Marine

, puis aux Finances, un personnage très populaire auprès des philosophes et des intellectuels, Turgot.

Turgot, ami des philosophes et intellectuels, c’est l’incarnation de la rupture. Son inspiration, ses convictions, il les tire de ses maîtres à penser, notamment Vincent de Gournay, elles ont un nom : le libéralisme.

Il voit dans le commerce et l’industrie les véritables richesses de l’Etat, et est convaincu que le gouvernement ne doit jamais intervenir ni sur l’un ni sur l’autre. Il prône la liberté du travail, l’impôt unique.

Pendant treize ans, avant d’être nommé ministre, il a été intendant de la généralité de Limoges, un des départements les plus pauvres et les plus grevés d’impôts, et il a eu le temps d’expérimenter ses idées : diminution de l’impôt principal (la taille), remplacement des corvées (qui pesaient sur les plus démunis) par un impôt sur les propriétaires terriens, sans oublier la politique sociale (aumônes par temps de disette, établissement d’ateliers de charité,…).

Il arrive donc à ce poste de ministre des Finances avec une superbe réputation.

Il semble avoir tout pour réussir : la volonté, la détermination, le courage, les idées claires sur ce qu’il veut faire (mettre fin aux privilèges, aux corporations, libérer le commerce et l’industrie, suppression des règlementations, notamment sur les grains) et tout ce programme qu’il a en tête il est déterminé à le faire, et il conduira les réformes à bon train.

Et pourtant, à peine deux ans après son arrivée, il sera révoqué, en 1776, après s’être mis à dos tout le monde.

Que s’est-il passé ?

Grâce aux témoignages écrits et lettres de l'époque (on s’écrivait beaucoup en 1774, sans internet ni téléphone..), Elisabeth Badinter nous révèle tout, comme si on y était.

Déjà, la physionomie et l'attitude :

" Sa physionomie porte, sansqu'il le sache, un air de dédain envers ceux qui lui paraissent avoir tort"

" Il ne pouvait dissimuler sa haine pour les méchants, son mépris pour la lâcheté; ses sentiments se peignaient involontairement sur son visage, dans ses regards, dans sa contenance".

Ensuite, passons à la manière de prendre des décisions :

" Préparant ses décisions par un examen minutieux de toutes les données, analysant et réfutant les objections, il a de la difficulté à admettre que d'autres esprits se refusent aux évidences qui se sont imposées au sien. Il ne comprend pas qu'on résiste à ce qu'on n'est pas capable de réfuter."

" Ses vues sont bonnes, mais il n'a pas la manière de les faire réussir".

"Il ne sait pas louvoyer et, inébranlable dans la pousuite de ses plans, n'a aucune flexibilité pour savoir se prêter aux opinions des autres".

Résultat de tout ça, Turgot ne va cesser de se faire des ennemis de toute part.

Le premier; le Roi, qui s'agace de sa sécheresse et de son arrogance ("Il n'y a que ses amis qui aient du mérite et il n'y a que ses idées qui soient bonnes" fait remarquer Louis XVI).

De même, à chaque fois qu'il va mettre fin à des privilèges, toucher aux corporations, aux monopoles qui entravent le commerce, il reçoit les cris de ceux qui qui l'accusent de s'attaquer à la propriété. Les nobles vont également s'élever contre ce qu'ils voient comme une atteinte à leur privilège d'exemption d'impôts. Etc...

Plus ses réformes avancent, plus il perd en popularité.

Le bilan est particulièrement douloureux.

Alors, que lui a-t-il manqué ?

Un de ses amis, qui était son condisciple à La Sorbonne, l'abbé de Véri, résume bien dans son journal ce manque de sens tactique et de psychologie de l'action :

"Il lui manque cette légère goutte d'huile qui facilite les rapports humains".

Cette légère goutte d'huile qui vient à manquer, c'est une belle image pour nous rappeler qu'il ne suffit pas, pour gouverner, réformer, ou diriger une entreprise, d'avoir des objectifs clairs (même si cela reste indispensable), mais qu'il y a un petit plus de pédagogie pour convaincre, de souplesse pour négocier.

Bien sûr, il faut aussi le caractère, et Turgot ne semble pas en avoir manqué. Encore faut il que ce caractère ne se transforme pas en rigidité.

A l'heure où l'Etat se veut réformateur, où les chefs d'entreprises et les managers se lancent dans des programmes de changement ambitieux, rappelons leur, pour leur éviter les pièges et les échecs, cette histoire de plus de deux cents ans, celle de Turgot et de la légère goutte d'huile....


Pareils et différents

Lesdeux On est dans la même boîte, on nage vers les mêmes objectifs, toi en Hollande, moi en France, et pourtant on est différents.

On le constate tous les jours, même si on essaye de ne pas s'enfermer dans ce genre de généralisations, quand on parle des autres pays européens, on a vite fait de voir tous leurs habitants identiques : les allemands sont comme ça, les anglais sont comme ci, et nous les français, on n'est pas comme tous le monde.

Alors, quand on se veut une multinationale, on essaye d'effacer ces histoires: tous unis sous la même marque, dans la "big company touch"...

Ces discours sont souvent bien loin des vrais ressentis.

Un exemple entendu cette semaine, par une DRH, comparant les cadres de la filiale hollandaise du Groupe avec ceux de la France.

Ces deux entreprises ayant fusionnées il y a trois ans, il est facile de faire des comparaisons :

" Les hollandais ont plus d'autonomie, ils se sentent plus responsables. Ils sont habitués à émettre des reportings vers les sièges en échange de cette responsabilisation. Et ils sont trés mobiles : en trois ans les interlocuteurs aux postes clés ont tous changés".

La France maintenant (mon interlocutrice est française) :

" Notre organisation en France est bureaucratique; nous sommes auto-régulés par une gestion trés centralisatrice. On n'aime pas les reportings. On a besoin de la hiérarchie pour prendre plein de décisions. Et depuis trois ans, ce sont les mêmes qui sont en poste, un peu plus fatigués, alors que la Hollande a renouvelé les postes, et mis en place une nouvelle équipe pleine d'envies et de dynamisme".

Et la conclusion :

" Si nous n'améliorons pas la culture de la mobilité et de la responsabilisation, les postes les plus intéressants vont aller, en France,   à des hollandais dans pas longtemps".

Le sujet n'est pas de comparer la France et la Hollande, d'autres pays pourraient fournir le même diagnostic. Le sujet, c'est de constater combien les organisations trop centralisées, trop peu responsabilisantes, où il n'y a pas de mobilité interne, sont en train de perdre pied. La mondialisation, ce n'est pas seulement des histoires de délocalisations, c'est aussi cette concurrence entre les styles et les pratiques de management. C'est cette différence d'efficacité entre les vieilles méthodes et l'agilité managèriale.

La mobilité interne, cette capacité à faire vivre aux collaborateurs de nombreux challenges, est la clé de cet apprentissage. Même si ceux qui fonctionnent à grande vitesse vont parfois un peu trop vite, ceux qui dorment au volant n'en sont pas moins mal partis pour autant.

C'est pourquoi le sujet d'actualité aujourd'hui dans les entreprises responsables et qui veulent sur-performer par rapport à leurs concurrents, ce n'est pas de préparer à l'arraché les plans de licenciements qui abaisseront les coûts, comme veulent le croire tous ceux qui ne connaissent rien à l'entreprise et vivent de caricatures idiotes, mais d'abord de développer, par une politique ambitieuse de gestion de la mobilité interne, le vivier de talents que possède l'entreprise. Ce vivier de talents évolue bien sûr, certaines compétences étant en déclin, et d'autres en forte croissance, voire tout juste émergentes. C'est justement en anticipant ces évolutions, et procédant aux reconversions nécessaires, et aidant au mouvement et en développant la motivation pour la prise de risques, que les objectifs les plus ambitieux ont des chances d'être atteints.

Certains croient que tout ça n'est qu'une histoire de procédures et d'outils, de GPEC et autres bilans de compétences, dont on ne sait pas trop quoi faire finalement. Mais ce n'est là que la conséquence. Le premier acte, c'est d'abord un acte fort de gouvernance d'entreprise, d'affichage des priorités; et le deuxième acte, c'est un acte de management, de volonté de manager avec plus de délégations et de responsabilités, avec de l'autonomie, de la prise de risques.

Cette gouvernance, ce courage de manager autrement, s'ils manquent, ne seront jamais remplacés par des batteries d'accords signés avec les partenaires sociaux. Toute cette paperasse d'intentions ne servira à rien si le management n'est pas leader.

Les DRH qui croient encore qu'elles vont tout réguler avec leur bureaucratie de procédures ont du souci à se faire, car cette révolution du management elle les concerne aussi directement; c'est en montrant l'exemple, dans leur façon de manager et de gérer leur fonction et leurs collaborateurs, qu'elles prouveront leur capacité à aider l'entreprise à évoluer, et à résister dans ce que certaines appellent, avec un peu de dramatisation, la "guerre des talents".


Vivre avec son temps

Clocktower Pour le citoyen moyen, quand on parle du temps, c'est pour savoir si il faut prendre un parapluie, si je dois mettre une petite laine ou m'autoriser à sortir en tenue légère...

Mais dans l'entreprise, surtout dans les bureaux des dirigeants, quand on parle du temps, on parle de la "gestion du temps", de "gagner du temps", de tout ce qui permet de faire de plus en plus de choses en moins en moins de temps...

Alors, demander à un dirigeant de vous révéler ses secrets pour mieux "gérer" son temps, c'est la garantie de passer un petit moment sympa où il va vous sortir les pires bêtises. On en reste la plupart du temps (oui,encore le temps) à des observations et astuces pour courir encore plus vite.

Encore entendus cette semaine, plusieurs témoignages tout aussi futiles les uns que les autres :

" Mon prédecesseur avait une voiture avec chauffeur; moi, j'ai un scooter et un casque : je gagne une heure par jour" (à signaler que ce scooter manager est arrivé en retard au rendez-vous...Mais que fait-il pendant cette heure "gagnée"?)

" Les e-mails où je suis en copie, je ne les lit pas : les réunions sont faites pour décider, les mails pour informer; si je suis en copie, pas besoin de perdre du temps"..(et les e-mails où il est destinataire, ils font gagner du temps systématiquement ?).

"J'envoie un ordre du jour avant une réunion". (et pendant la réunion, il se passe quoi ?).

Cette obsession à parler du temps comme un jeu où l'on va "gagner" ou "perdre", c'est vriament ancré dans les discours vides ...Essayez d'entendre le mot "temps" dans la bouche de votre interlocuteur sans entendre "gagner" ou "perdre" : pas facile...C'est un peu comme un jeu radiophonique ancien, le "ni oui, ni non", à tous les coups on...perd.

En fait , ces discussions sur le temps sont souvent vides car ceux qui vous en parlent ne se posent pas vraiment la question de ce qu'ils font réellement de leur temps. Et puis le temps, il y a tellement de façon de le regarder : celui de la vie, celui de l'année, celui de la journée, de l'heure...Et à chaque fois, on ne voit pas le gain ou la perte de la même façon. Le sujet de notre rapport au temps dépasse ce côté mécaniste. La question du comment vivre avec son temps permet d'aborder un autre registre.

Daniel Harkavy, coach, donne dans son dernier livre, une vision originale pour permettre au dirigeant de mieux "manager ses priorités" et d'élever un peu la question.

Il nous conseille, en tant que dirigeant, de diviser nos activités en quatre catégories :

. Growth

. In

. On

. Off

Growth, c'est la partie commerciale de notre job. Cela inclut la prospection, le networking, les entretiens avec des candidats au recrutement, la valeur ajoutée apportée à des propects importants. Ce sont les activités qui permettent à notre entreprise ou notre Département de croître, et nous aident, nous ou notre équipe, à apporter de la valeur au reste de l'organisation ou du marché.

In, c'est le temps administratif.Il commence dès qu'un prospect est devenu un client. Ce sont toutes les activités qui vont assurent que tous ceux qui vont travailler sur le produit ou le service pour ce client vont le faire avec le plus haut niveau d'excellence. En traitant ces activités "In" avec excellence, le dirigeant fait du client d'aujourd'hui la force de vente de demain.

On, c'est quand on se sort de l'excitation quotidienne de la conduite de l'entreprise. On est comme dans un hélicoptère, on observe ses activités, la croissance de notre entreprise, les activités qui nous occupent lorsque l'on est "In". On commence à travailler sur l'entreprise, à rechercher des moyens d'améliorer notre productivité et notre profitabilité. Cela inclue notre développement personnel. C'est aussi le temps où l'on lit, où l'on planifie la stratégie, où l'on réfléchit. C'est le temps où l'on met en place et où l'on exécute.

Off, c'est quand on laisse l'entreprise de côté, où l'on pense à soi, à sa vie, son plan de vie. Cela peut se produire par exemple pendant le déjeuner, lors du jogging. C'est aussi peut être le samedi ou le dimanche, lorsque l'on lit un bon livre sur la plage ou chez soi. C'est le moment où l'on a l'impression de se "recharger".

Daniel Harkavy nous recommande de bien répartir ces quatre types d'activités, en n'en négligeant aucun, et de vérifier que personne ne vient nous déranger lorsque l'on passe du temps sur chacune. On peut par exemple réserver une part de notre temps (50% ?) pour cette programmation, le reste permettant d'être prêt pour les imprévus. Mais une bonne maîtrise permettra de monter ce pourcentage à 60 ou 70%.

A chaque fois que le "In" devient trop fort par rapport au "On" et au "Off", nous nous mettons en danger. Et quand nous sommes obsédés de "Growth" (vendre), en oubliant le "In", la satisfaction client disparaît et les résultats avec...Et si l'on vit sans "Off", un jour, tout craque...

Cette programmation se prépare chaque jour pour le lendemain, au minimum, et si possible pour les 90 jours à venir. Ainsi, l'on trouvera plus facilement l'équilibre nécessaire, et l'on réduira l'impression de chaos, où l'on perd la maîtrise de notre vie, et où l'on court sur le scooter, le casque sur la tête, pour arriver quand même en retard à ses rendez-vous....

Vivre avec son temps, c'est choisir la façon dont nous allons le vivre demain, et lundi, et décider quand serons nous "Growth", "In", "On", et "Off". Et la semaine ? Et le mois ?

Le tout est de commencer....