Cueillette interdite ?
29 juin 2007
Dans un jardin, vouloir librement cueillir des pommes, ça peut être dangereux et lourd de conséquences... Il paraît que nous payons encore les conséquences d'une telle initiative... Eve, qu'as tu fait ?
Aujourd'hui, dans l'entreprise, certains croient que des dangers du même ordre nous menacent.
Qu'est ce que c'est que cette histoire ?
Les Echos, en ce moment, publie tous les jeudis, un supplément sur " L'art d'entreprendre" (on avait déjà eu les années précédentes l'Art de manager, l'Art de ceci, l'art de cela...).
Jeudi 21 juin, c'était "Entreprendre dans la grande entreprise", avec notamment un article d' Olivier Basso, qui est un des parrains inspirateurs de ce blog.
Olivier y analyse ce concept de "manager entrepreneur", qui consiste à rechercher, dans la grande entreprise, des caractéristiques, pour les managers, identiques à celles des entrepreneurs. En clair, il faut que les managers prennent des initiatives, innovent, prennent des risques, bref se comportent comme si leur job était leur propre boîte.
Ceci constitue une nouvelle posture, qui est apparemment encouragée, mais qui correspond à une redéfinition du manager qui va au-delà des attentes de l'entreprise :
"Le manager d'aujourd'hui est conduit à se penser de plus en plus comme un entrepreneur, non pas tant parce qu'il devrait en épouser certaines attitudes pour satisfaire aux demandes de son organisation mais parce que l'incertitude de sa relation à l'entreprise qui l'emploie le forcera de plus en plus à se placer en situation de non dépendance : la disparition de la contrepartie de la stabilité professionnelle entraîne un développement des approches par portefeuille de projets. En d'autres termes, le manager mercenaire, infidèle et efficace, dur à la tâche et conscient de sa valeur marchande, est un type qui commence à émerger et à se diffuser.Pareils à des sportifs de haut niveau, les managers soucieux de faire fructifier leurs compétences et leurs atouts vont de plus en plus poser de nouvelles conditions aux entreprises, qui ne sauraient désormais les retenir durablement si elles ne changent pas radicalement leur mode d'organisation du travail et leur mode de gouvernance".
Ces nouvelles attitudes font elles peur ou donnent elles envie ?
Les cas sont variés. Mais quelques témoignages recueillis lors d'échanges avec des DRH en charge de mobilité peuvent laisser un doute :
Si les entreprises ont pour la plupart fait de la mobilité un enjeu et un atout concurrentiel fort de leur stratégie, on sent encore des réticences si le salarié s'avèrait trop libre de lui-même.C'est toujours pareils, les amis de la liberté ont peur ...de la liberté.
Ainsi, une entreprise, qui a instauré des incitations à la mobilité, se sent dépassée :
" L'entreprise n'est pas un magasin où l'on vient faire sa cueillette des compétences et des postes à son seul avantage. Tout cela ne doit pas être trop libéral, et au contraire encadré par des règles du jeu strictes fixées par la DRH".
" Il n'est pas possible de voir des clans, des réseaux, des parcours individuels, se constituer sans aucun contrôle..."
Ah , ces histoires de contrôle, toujours les mêmes...
Amusantes remarques où une attitude, pourtant trés encouragée par les dirigeants et managers, est en train de se retourner contre ceux qui ont lancé le système, et qui ont peur d'en perdre le contrôle. Alors vite, fixons des règles, encadrons, sifflons , sanctionnons...
Bien sûr, ces cas sont minoritaires, et pour nombre d'entreprises, la mobilité est insuffisante, les cadres ne bougent pas assez...et de nombreux programmes se mettent en place, visant à faire émerger des leaders plus flexibles, plus ouverts, plus mobiles, plus ..tout.
Mais il est intéressant de percevoir ce signal faible qui indique que , tout doucement, et Olivier Basso l'a bien senti, des nouvelles attitudes, celles de ceux qui ont compris tous les avantages du système, et tous les bénéfices de cette attitude d'indépendance, vont changer la donne des relations et du management dans l'entreprise.
Les entreprises qui sauront le maîtriser et le domestiquer sans brider les initiatives seront les grandes gagnantes de cette révolution.Le benchmark reste à inventer; pour le moment, les managers cherchent tous cet équilibre entre l'initiative individuelle et le dirigisme. En tous cas les panneaux "cueillette interdite" ont bien peu de chances d'avoir le moindre effet si on en reste là.
A suivre....