L'émotion du fidèle
20 mai 2007
Dans la relation de l'entreprise avec ses clients, qui est aussi la relation personnelle d'un collaborateur avec un client, il est des moments qui comptent plus que d'autres.
Prenons les hôtels Le Méridien : Eric de la Chesnais nous rapporte dans Le Figaro du 7 mai une nouvelle idée du management de proposer aux clients des clés magnétiques dessinées par Michaël Lin, artiste taïwanais. Le client pourra la conserver et en faire collection, car l'artiste en a créé différentes versions.
Pourquoi cette initiative ?
Eva Ziegler, senior vice-president en charge du marketing, répond :
" Les dix premières minutes et les dix dernières minutes sont les plus marquantes pour une personne qui vient dormir dans un hôtel. Pour que le client ait envie de revenir, il faut que son souvenir soit le meilleur possible".
Cela rappelle cette notion d'expérience, qui est le fin du fin de ce que l'entreprise délivre au client, au-delà du produit, et même au-delà du service. J'en ai déjà parlé ICI.
Cette recherche du ++ dans le service, c'est aussi la démarche que tente Aéroports de Paris, dont Le Figaro, encore, sous la plume de Fabrice Amedeo, le 18 mai, nous dit : " Aéroports de Paris lance une opération séduction vers sa clientèle". Ici encore, on cherche à rendre l'expérience plus heureuse. Solution : un effort particulier sur l'accueil, la signalisation et les passages aux barages de sécurité. Mais une des actions phares semble être quelque chose de plus émotionnel :
" ADP se prépare à habiller ses hôtesses avec de nouvelles avec de nouveaux uniformes afin qu'elles soient plus facilement identifiables".
On nous précise qu'ADP, empreinte d'une culture forte d'ingénieurs et de techniciens, doit ainsi apprendre à devenir aussi une entreprise de services tournée vers ses clients.
Ces initiatives nous montrent que le moment où un client devient ou non un fidèle est souvent fugitif. C'est un peu le contre-pied des démarches et des systèmes de CRM (Customer Relationship Management) qui se sont répandus ces dernières années dans les entreprises, pour le plus grand bienfait des vendeurs de ce type de logiciels. En fait, le moment où le client devient plus fidèle, ce n'est pas quand le service est délivré normalement, mais au contraire lors d'un moment de vérité trés intense.
C'est le moment où je suis perdu dans l'aéroport, et où je suis sauvé par une hôtesse ou un panneau de signalisation (et inversement, je maudit cet aéroport quand je ne vois ni hôtesse, ni panneau), c'est le moment où je pénètre dans ma chambre d'hôtel ( le look de la clé), c'est le moment où j'ai perdu ma carte de crédit et où le service client qui me répond me paraît tellement rassurant, c'est le moment où le pressing me rend un vêtement endommagé, et où l'employée du pressing trouve les mots pour m'expliquer comment elle va me dédommager, etc...
C'est en gérant de façon impeccable ces moments que le personnel de l'entreprise va gagner la fidélité des clients de l'entreprise, ou au contraire la perdre.
Une étude récente de Mac Kinsey tente de répertorier ces "moments de vérité" qui font toute la différence dans la relation client.
Cette étude indique que les entreprises qui essayent de rendre la meilleure possible la relation client en mettant en oeuvre des procédures formalisées qui essayent de prévoir tous les cas, et toutes les réponses à donner, se trompent.
Au contraire, il est préférable d'encourager la prise d'initiative par le personnel de proximité lui-même, qui trouvera spontanément la bonne réponse et le bon comportement face à toute situation.
Mais alors, comment obtenir ce résultat ?
En fait, il apparaît que cette intelligence émotionnelle dont Goleman s'est fait le théoricien est la ressource clé pour ce type de relation. Parce que les moments où le client devient plus fidèle est justement le moment où les émotions sont les plus fortes, il est important que l'intelligence émotionnelle des collaborateurs de proximité soit la plus élevée possible. C'est cette capacité émotionnelle qui fera la différence.
Alors, comment avoir de tels collaborateurs à l'intelligence émotionnelle au contact des clients ?
Et bien ,évidemment, en ayant des leaders pour encadrer et former ces collaborateurs qui soient eux-mêmes doués de cette intelligence émotionnelle, cette capacité à aider, à comprendre, à coacher...
Cette approche est un encouragement pour remettre en cause toutes les approches trop mécanistes de la relation client, ces systèmes CRM de plus en plus sophistiqués, ces plans d'action anti-churn trop désincarnés.
Ce dont nous parle Goleman et ces recherches, c'est de cette empathie qui permet d'écouter et de comprendre.
Cette émotion donnée et ressentie, à tous les niveaux de l'entreprise, qui fera la fidélité grâce à la bonne circulation des émotions.
Alors, quel est le moment dans notre relation avec nos clients, où l'émotion est à son maximum ?
Qui est en charge de ce moment émotionnel dans notre entreprise ?
Quel est son degré d'intelligence émotionnelle pour traiter ce moment ?
Comment l'améliorer ?
Pour répondre à ces questions, ne nous lançons pas dans la rédaction de procédures, interrogeons plutôt notre propre intelligence émotionnelle de dirigeant et de leader.
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