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Serviteur

Serviteur Lue ce jour une citation de Max De Pree, auteur d'ouvrages sur le management et le leadership, ancien dirigeant d'entreprise, et bien sûr aujourd'hui...consultant (en Californie) :

« La première responsabilité du leader est de définir la réalité. La dernière est de dire merci. Entre les deux, le leader est un serviteur ».

A rappeler de temps en temps à ceux pour qui diriger, c'est avoir des c....onvictions et une grande gueule.


Conversations volées dans le vestiaire des filles

Patsystone Qu'est-ce qu'on raconte dans les vestiaires de filles ?

On y parle surtout chiffons, bijoux, parfums chics; cette semaine, par exemple, j'ai appris les secrets pour réhausser et illuminer le bronzage grâce à des fards chocolatés...on en mangerait.

Mais, dans ce vestiaire de filles, on parle aussi de plus en plus de management et de travail...

Un vestiaire trés tendance, c'est le supplément du Figaro, "Madame Figaro" (cette semaine, pour le même prix, on a aussi "Mademoiselle Figaro", un peu la même chose mais les publicités pour crèmes anti-rides sont remplacées par des publicités pour NRJ, MTV, et des bijoux en plastique...).

Le sujet Management de la semaine, c'est "Travail, quelle affective êtes-vous ?", présenté comme une "enquête" par Flavia Mazelin Salvi.

En fait d'enquête, Flavia s'est surtout entretenue avec Hélène Vecchiali, qui, aprés une carrière de psychanalyste, se présente maintenant comme "psychanalyste et consultante d'entreprise". Et puis il  aussi des témoignages, par exemple celui de Claire, 41 ans :

" Au bureau aussi, je suis une affective : j'ai besoin qu'on m'aime !"

Et elle explique comment elle a été "anéantie" parce que son boss n'a pas soutenu son projet...

Le sujet de cet entretien-enquête, c'est ce dilemne entre raison et sentiments, entre le côté sèrieux du travail professionnel et le côté affectif, émotionnel, de la personne humaine (et on nous fait comprendre que les femmes sont particulièrement concernées...).Cette histoire ne date pas d'hier ("le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas"; le cerveau droit et le cerveau gauche, etc...).

Alors, que nous dit Hélène de nouveau ?

" Les cloisons entre univers professionnel et domestique ayant disparu progressivement depuis les années soixante, le travail est devenu un lieu où l'on s'investit émotionnellement. La notion de bonheur, après s'être développée dans la famille, a gagné la sphère professionnelle."

Alors, face à ce besoin croissant de reconnaissance des collaborateurs, les experts proposent leurs bonnes recettes.

Le psychiatre Eric Albert, président de l'Institut français d'action sur le stress, ménage chèvre et chou :

" Sans affect on ne trouve ni motivation ni plaisir à son travail, mais trop d'affect épuise et rend inefficace".

Hélène ose, pour parler des conflits au travail, où la part d'affect devient importante, une comparaison audacieuse :

"En cas de conflit ou de rupture, il faut pouvoir se comporter comme des parents divorcés qui s'entendent dans l'intérêt de l'enfant. L'enfant étant ici le travail ! C'est pourquoi les territoires - privé et professionnel - doivent être clairement délimités et les règles du jeu clairement énoncées, pour éviter malentendus, chantages affectifs et autres règlements de comptes".

Tous ces commentaires évoquent des situations plus ou moins connues par les praticiens de l'entreprise.

Mais la partie la plus troublante de l'article c'est une galerie de portraits-types de cadres d'entreprise (l'article ne nous dit pas d'où ça sort); il y a du côté des masculins le rouleau compresseur (qui distribue les déclarations d'amour et les coups de gueule), le coffre-fort (qui cache ses sentiments), et du côté des portraits féminins la victime (se plaint tout le temps), la maternante (la maman de son équipe), la comédienne (celle qui fait tout son cinéma en toutes occasions), la transparente ( qui raconte sa vie intime à tout le monde)...

On le sait bien,ces caricatures servent généralement à se moquer de ses collègues de bureau : mais oui, la comédienne, c'est tout Jacqueline, et ce coffre-fort, c'est ce salaud de Bidochard, le chef du personnel qui ne veut pas me signer mes congés..On se croirait dans un sketch de Muriel Robin. La mentalité Dilbert ne cesse de faire des ravages...Tant que cela reste une distraction sans conséquence, aucun danger...

Mais on peut aussi s'interroger sur ce que ce genre d'"enquête" apporte à l'image de l'entreprise ..Probablement pas que du bien : les caricatures et les "conseils" psychologiques superficiels ne font que renforcer cette image de l'entreprise "prison psychique", où les tempéraments les plus extrèmes s'affrontent...Et puis, cette féminisation du sujet est toute aussi dérangeante, car elle renforce les stéréotypes masculins et féminins, alors que les comportements en entreprise ne sont pas seulement dictés par le sexe...

Ce genre d'article anodin est bien représentatif de la façon de représenter l'entreprise pour le grand public : on n'y parle pas du sens de l'entreprise, ni du projet porté par sa communauté humaine, mais l'on se concentre sur un jeu de rôles assez débile, où tous les personnages ont l'air de psychopathes...Le fait que la clientèle cible de telles "enquêtes" soit précisément les femmes ne risque-t-il pas aussi de renforcer celles-ci dans le sentiment que "l'entreprise n'est pas un monde fait pour elles" ?

C'est sûr que cela renforce le fond de commerce des psychiatres et psychalystes, qui se prêtent avec complaisance à ce type de papier, au risque de dévoyer leur professionnalisme, mais ne risque-t-on pas, en inculquant un tel cynisme aux cadres de l'entreprise, et notamment à leurs collaborateurs féminins, de rendre encore plus difficile la tâche de ceux qui essayent tant bien que mal de faire fonctionner ces entreprises ?

Bien heureusement, toutes les femmes cadres d'entreprise (notamment celle-ci)  ne passent pas leur temps dans ce genre de vestiaires de filles, et nombreuses sont celles qui contredisent chaque jour ces caricatures...


L'émotion du fidèle

Pleure Dans la relation de l'entreprise avec ses clients, qui est aussi la relation personnelle d'un collaborateur avec un client, il est des moments qui comptent plus que d'autres.

Prenons les hôtels Le Méridien : Eric de la Chesnais nous rapporte dans Le Figaro du 7 mai une nouvelle idée du management de proposer aux clients des clés magnétiques dessinées par Michaël Lin, artiste taïwanais. Le client pourra la conserver et en faire collection, car l'artiste en a créé différentes versions.

Pourquoi cette initiative ?

Eva Ziegler, senior vice-president en charge du marketing, répond :

" Les dix premières minutes et les dix dernières minutes sont les plus marquantes pour une personne qui vient dormir dans un hôtel. Pour que le client ait envie de revenir, il faut que son souvenir soit le meilleur possible".

Cela rappelle cette notion d'expérience, qui est le fin du fin de ce que l'entreprise délivre au client, au-delà du produit, et même au-delà du service. J'en ai déjà parlé ICI.

Cette recherche du ++ dans le service, c'est aussi la démarche que tente Aéroports de Paris, dont Le Figaro, encore, sous la plume de Fabrice Amedeo, le 18 mai, nous dit : " Aéroports de Paris lance une opération séduction vers sa clientèle". Ici encore, on cherche à rendre l'expérience plus heureuse. Solution : un effort particulier sur l'accueil, la signalisation et les passages aux barages de sécurité. Mais une des actions phares semble être quelque chose de plus émotionnel :

" ADP se prépare à habiller ses hôtesses avec de nouvelles avec de nouveaux uniformes afin qu'elles soient plus facilement identifiables".

On nous précise qu'ADP, empreinte d'une culture forte d'ingénieurs et de techniciens, doit ainsi apprendre à devenir aussi une entreprise de services tournée vers ses clients.

Ces initiatives nous montrent que le moment où un client devient ou non un fidèle est souvent fugitif. C'est un peu le contre-pied des démarches et des systèmes de CRM (Customer Relationship Management) qui se sont répandus ces dernières années dans les entreprises, pour le plus grand bienfait des vendeurs de ce type de logiciels. En fait, le moment où le client devient plus fidèle, ce n'est pas quand le service est délivré normalement, mais au contraire lors d'un moment de vérité trés intense.

C'est le moment où je suis perdu dans l'aéroport, et où je suis sauvé par une hôtesse ou un panneau de signalisation (et inversement, je maudit cet aéroport quand je ne vois ni hôtesse, ni panneau), c'est le moment où je pénètre dans ma chambre d'hôtel ( le look de la clé), c'est le moment où j'ai perdu ma carte de crédit et où le service client qui me répond me paraît tellement rassurant, c'est le moment où le pressing me rend un vêtement endommagé, et où l'employée du pressing trouve les mots pour m'expliquer comment elle va me dédommager, etc...

C'est en gérant de façon impeccable ces moments que le personnel de l'entreprise va gagner la fidélité des clients de l'entreprise, ou au contraire la perdre.

Une étude récente de Mac Kinsey tente de répertorier ces "moments de vérité" qui font toute la différence dans la relation client.

Cette étude indique que les entreprises qui essayent de rendre la meilleure possible la relation client en mettant en oeuvre des procédures formalisées qui essayent de prévoir tous les cas, et toutes les réponses à donner, se trompent.

Au contraire, il est préférable d'encourager la prise d'initiative par le personnel de proximité lui-même, qui trouvera spontanément la bonne réponse et le bon comportement face à toute situation.

Mais alors, comment obtenir ce résultat ?

En fait, il apparaît que cette intelligence émotionnelle dont Goleman s'est fait le théoricien est la ressource clé pour ce type de relation. Parce que les moments où le client devient plus fidèle est justement le moment où les émotions sont les plus fortes, il est important que l'intelligence émotionnelle des collaborateurs de proximité soit la plus élevée possible. C'est cette capacité émotionnelle qui fera la différence.

Alors, comment avoir de tels collaborateurs à l'intelligence émotionnelle au contact des clients ?

Et bien ,évidemment, en ayant des leaders pour encadrer et former ces collaborateurs qui soient eux-mêmes doués de cette intelligence émotionnelle, cette capacité à aider, à comprendre, à coacher...

Cette approche est un encouragement pour remettre en cause toutes les approches trop mécanistes de la relation client, ces systèmes CRM de plus en plus sophistiqués, ces plans d'action anti-churn trop désincarnés.

Ce dont nous parle Goleman et ces recherches, c'est de cette empathie qui permet d'écouter et de comprendre.

Cette émotion donnée et ressentie, à tous les niveaux de l'entreprise, qui fera la fidélité grâce à la bonne circulation des émotions.

Alors, quel est le moment dans notre relation avec nos clients, où l'émotion est à son maximum ?

Qui est en charge de ce moment émotionnel dans notre entreprise ?

Quel est son degré d'intelligence émotionnelle pour traiter ce moment ?

Comment l'améliorer ?

Pour répondre à ces questions, ne nous lançons pas dans la rédaction de procédures, interrogeons plutôt notre propre intelligence émotionnelle de dirigeant et de leader.


Le changement à coups de ciseaux

Ciseaux Les ciseaux, c'est l'instrument de travail des coiffeurs, des chirurgiens, et des couturières.

Mais c'est aussi l'outil du changement et de la réforme, si l'on en croît l'article de Christophe Jakubszyn, dans Le Monde daté du 13-14 mai dernier.

Pourquoi ?

L' auteur de l'article voit dans les intentions de Nicolas Sarkozy de redécouper les ministères un objectif de réformer plus vite l'Etat. Ce redécoupage, c'est le moyen d'éliminer les doublons et de réduire le nombre des fonctionnaires. Le titre dit tout : "M. Sarkozy veut réformer l'Etat en redécoupant les ministères".

Un anonyme, présenté comme un des "artisans de ce grand redécoupage", en "rigole" :

" Depuis 48 heures, les grandes directions des ministères ont réalisé qu'elles vont se faire bouffer".

C'est vrai que cette histoire qui consiste à tout ré-organiser pour faire changer plus vite et plus fort, on l'a bien vue à l'oeuvre dans le monde de l'entreprise. Dans les années 90, c'était la grande mode du BPR ("Business Process Re-engeneering"). C'était l'époque où un auteur comme Michaël Hammer, était révéré par les consultants et les managers. Cette "grande idée" se répandait à toute vitesse : Il est possible d'améliorer de façon spectaculaire les performances de l'entreprise en modifiant radicalement et brutalement son organisation.

C'est peut-être en essayant de suivre cette vague ancienne que le gouvernement veut avancer. On verra bien à l'usage et une fois le redécoupage en question mieux connu.

Toutefois, quelque chose peut inquiéter ...

En effet, cette vague du BPR, elle a fait son temps, et beaucoup de dégâts entre temps, dans certaines entreprises. Michaël Hammer lui-même, dans un ouvrage publié en 2002,  ("Carnet de route pour manager"), fait amende honnorable et dit s'être trompé, et avoir trompé ses lecteurs : Non, le re-engeneering et le redécoupage systématique des organisations n'est pas la recette miracle. Car, nous dit-il :

" Il n'y a jamais une seule et unique solution, panacée susceptible de résoudre tous les problèmes. Croire qu'une seule idée ou une seule technique peut apporter le salut et la réussite est une aberration".

" Les managers d'aujourd'hui ont redécouvert qu'il n'est pas facile de faire des affaires. Diriger une entreprise a toujours été et reste une des aventures humaines les plus complexes, les plus lourdes de risques et d'incertitudes".

Et de nous proposer, dans cet ouvrage, ses nouvelles idées en neuf ou dix points, toujours un peu les mêmes choses (concentrez vous sur les clients, priorité aux processus, élaborer un véritable système de pilotage,...). Rendez-vous dans dix ans, quand il nous en proposera d'autres en battant sa coulpe...

En fait, nos politiques, qui veulent faire moderne, se réfèrent ainsi souvent à des méthodes qui ont l'air de s'inspirer de méthodes modernes de management, mais sont parfois copiées sur des méthodes que les entreprises ont abandonnées, ou bien ils les copient mal. Voir par exemple ces envies de payer les fonctionnaires au mérite, ou s'imaginer qu'on pourra améliorer les performances des administrations publiques avec une "loi de la performance"...

Ainsi, croire qu'en redécoupant avec des ciseaux les services des ministères on va "tout chambouler" est bien naïf, et "l'artisan rigoleur" risque de vite déchanter, car ce qui compte, c'est justement comment les process de travail vont, eux, être redéfinis. Et s'imaginer que des actions sur l'organisation vont tout régler est tout aussi crétin. La matière humaine ne se manipule plus comme ça...même dans les administrations.

En effet, la difficulté à bien gérer les organisations, entreprises ou structures administratives, c'est de savoir prendre en compte ce nombreux paramètres qui rendront l'éxécution possible. L'éxécution, le seul critère qui compte pour réussir sa stratégie.

Mais, restons confiants, car les travaux n'ont pas commencés, et peut-être que cette nouvelle définition des frontières est l'élément déclencheur, comme un acte symbolique et fondateur (ça aussi, on sait bien le faire quand il faut dans les entreprises).

Espérons donc que ce n'est pas en s'arrêtant à des artifices de redécoupages annoncés sur le perron de Matignon que l'on va s'attaquer à la Réforme de l'Etat.

Non, monsieur l'artisan, ce n'est pas le moment de rigoler, le plus sérieux est à venir :

Messieurs les ministres, au boulot !


Alice et le chat du Cheshire

Alice Quand une entreprise vient de vivre un plan trés dur de restructuration, avec plans sociaux, refonte du portefeuille de produits et de clients, délocalisations, etc..., il vient un moment où, pour le dirigeant, et les managers, on se croirait dans "Le Jour d'aprés" : c'est un moment où l'on retrouve une entreprise bénéficiaire, ou en passe de l'être, mais aussi un moment où l'on peut avoir tendance à se sentir comme vide, groggy...en regardant toutes les transformations accomplies, qui ont permis d'éviter la chute.

Et pourtant, il va falloir repartir, refixer des objectifs, faire le deuil des collaborateurs qui sont partis, recomposer la nouvelle entreprise avec ceux qui restent, panser les plaies, peut être embaucher de nouveaux managers, car ceux qui ont réussi dans la restructuration ne sont peut être pas les mêmes que ceux qui réussiront dans la prochaine étape...

Et la question se pose alors : où aller maintenant ?

En écoutant une dirigeante d'entreprise, qui dirige une filiale européenne d'un grand groupe américain, et qui a conduit avec ardeur ce type de restructuration, et sait en parler avec conviction, je me suis souvenu de la situation d'Alice au pays des merveilles, quand elle rencontre le chat du Cheshire (c'est au chapitre 6 de l'ouvrage pour ceux qui voudront aller le relire dans le texte).

Le chat du Cheshire, on s'en rappelle bien grâce à ce personnage dans le dessin animé de Disney...

Cheshirecat Que raconte cet épisode ?

Alice arrive à un carrefour dans une forêt, et tombe sur ce chat du Cheshire, qui, perché sur un arbre, la regarde avec un énorme sourire.

Alice est perdue, et elle demande au chat du Cheshire :

- Pouvez-vous me dire, s'il vous plait, quel chemin je dois prendre pour quitter cet endroit ?

- Cela dépend largement de là où vous voulez aller, répond l'animal impertinent en souriant malicieusement,

- Peu m'importe, dit Alice,

- Alors, le chemin que vous aller prendre n'a pas d'importance, lui répond le chat du Cheshire.

Quel est le problème d'Alice ?

Comme elle n'a pas de vision sur là où elle veut aller, le chemin qu'elle va prendre finalement n'a pas d'importance.

C'est la même chose pour nos dirigeants d'entreprise : sans vision, ils se laissent pousser et tirer par des objectifs financiers, des budgets, des business plans,...et n'ont pas toujours un chat du Cheshire pour leur faire remarquer qu'il leur manque quelque chose pour se diriger.

C'est en effet lors de ces moments cruciaux, lorque, comme Alice, on se retrouve à un carrefour et que l'on veut sortir de la forêt, que la Vision devient un élément clé, comme une boussole, pour envisager la suite.

Mon interlocutrice dirigeante d'entreprise n'était pas Alice; elle a au contraire senti combien cette vision, ce "soft" qui permet de ressouder son équipe de Direction, est un complément indispensable à tout le "hard" qu'elle leur fait vivre, les chiffres, les re-engeneering. Elle m'en parle spontanément, et nous nous retrouvons dans le partage d'expériences de ce genre, pleines d'émotions. La vision est aussi un euphorisant.

Quand on ne sait plus où aller, comme Alice, c'est le signe qu'il faut peut être revenir sur cette Vision, la remettre à jour, la communiquer encore plus, la partager de nouveau avec les managers, la modifier éventuellement.

Juste pour ne pas laisser Alice perdue par la réponse du chat Cheshire, je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler la fin du dialogue :

- Je veux juste aller quelque part, répond Alice,

- Alors, vous êtes sûre d'y arriver, il suffit de marcher suffisamment longtemps, répond le chat,

- Quelles sortes de gens vivent ici ? demande Alice,

Et le chat du Cheshire de lui expliquer que partout où elle ira, elle ne rencontrera que des fous.

- Mais je ne veux pas aller chez les fous, dit Alice,

- Mais vous ne pouvez pas l'éviter, répond le chat du Cheshire, car nous sommes tous fous, vous êtes folle, je suis fou..

- Comment savez vous que je suis folle ?, rétorque Alice

- Vous devez l'être, sinon vous ne seriez pas venue jusqu'ici..

Rappelons-nous ces bons conseils du chat du Cheshire lorsque l'on prépare la stratégie de nos entreprises : Sans vision, nous n'irons nulle part, et nous contenterons de marcher suffisamment longtemps parmi les fous, étant fou nous-mêmes...

Et relisons Alice au pays des merveilles pour nous y aider...


Comment élever des chats ?

Cartoon_cats_001 Quand il s'agit de porter un regard critique sur le fonctionnement de leur organisation ou de leur équipe, certains managers se déclarent déçus, ou pire, par le comportement de leurs troupes, et notamment les plus jeunes. Au moment de se lancer dans un plan de progrès ou de restructuration, cela permet de justifier le besoin de renouveler les collaborateurs, en sortant ces éléments néfastes, et en cherchant à recruter de meilleurs éléments. Cela donne quelque chose comme :

" Mes collaborateurs n'ont pas l'air motivés; ils ne se donnent pas à fond dans leur travail, comme moi à leur âge, qui avait une éthique, une volonté de me donner à fond dans mon travail, que je ne retrouve pas dans cette génération .."

" Pour réaliser les objectifs de performance, de productivité, il faut embaucher des collaborateurs plus compétents".

Il existe de mutiples variantes de ce genre de musique, mais le fond reste le même : ce genre de manager aimerait bien avoir le collaborateur idéal, qui se défonce, qui ne se plaint jamais, qui dit toujours oui à plus de travail, mais aussi qui soit intelligent, brillant, original,suffisamment autonome pour qu'on n'ait pas trop à s'en occuper ("si il faut tout lui expliquer, quelle fatigue !").

Ce genre de rêve est constamment déçu, et révèle souvent un dysfonctionnement plus profond dans le management et l'encadrement.

En fait, ces managers aimeraient n'avoir à manager qu'un troupeau de moutons, toujours à bêler en disant : "encore !". Alors que souvent, ils doivent apprendre à élever des individus difficiles, comparables à des chats, avec leurs soucis personnels, leurs peines, leurs désirs, leurs états d'âmes, leurs rêves secrets, tous différents, trés individualistes,...; et élever des chats, c'est sûrement plus difficile que des moutons, voire même impossible.En fait, ces managers n'ont pas appris à manager de cette façon. Ils se rappellent leur propre jeunesse dans l'entreprise (qu'ils idéalisent souvent un peu trop), considérant qu' "ils en bâvé", qu'il se sont "faits tout seuls", et que la nouvelle génération n'a qu'à faire la même chose. C'est le syndrome du "self-made leader"...

Il est pourtant évident que l'on ne peut probablement pas reproduire les méthodes de management qui ont produit leurs effets sur la génération précédente, pour manager les générations actuelles.

La société française a profondément évoluée au cours des dernières décennies : pensons par exemple à toutes les évolutions de la société en matière de moeurs, observons les cas de divorce dans les couples de plus en plus jeunes,le développement des psychologues, psychanalystes, et cliniciens en tous genres qui s'occupent du mal-être des individus, y compris des plus jeunes...Autre tendance, le rejet de l'autorité, le développement de l'individualisme, sans parler des conflits liés à la religion.

Et bien, cette société, ces religions, ces mal-être, ces comportements,  ils ne se sont pas arrêtés à la porte de l'entreprise, au contraire; nos entreprises ne sont pas différentes de la société, et comprennent les mêmes individus. Ces phénomènes, ils en sont, qu'on le veuille ou non, complètement partie prenante.

Alors, faire mine de les ignorer, au nom d'un principe comme "le travail, c'est le travail; les problèmes personnels, c'est pas notre problème !", c'est souvent là qu'est la cause du désarroi de nos managers.

On a en fait les collaborateurs que l'on mérite; feindre de les ignorer en tant qu'êtres humains complexes, considérer qu'on peut les manipuler sans état d'âme, que seuls les résultats comptent, c'est probablement aller au devant de bien des déconvenues,( même si des résultats sont possibles en exerçant une pression maximum, mais jusqu'à quand ?). C'est le signe de défaillances importantes dans l'art de manager les personnes.Et quels que soient les collaborateurs qu'ils embauchent, ces managers défaillants ne feront qu'attirer toujours les mêmes, les plus mauvais, les "passifs agressifs", et verront partir en courant les meilleurs, qui ne supporteront pas longtemps leurs méthodes.

C'est en effet un art difficile que de donner cette dimension au management, et c'est souvent parce qu"elles ont réussi à diffuser ce style de management que certaines entreprises, et certains managers, font des miracles, arrivent à mobiliser les talents des collaborateurs sans exercer de pression, mais en libérant une énergie incroyable, que l'on sent dès que l'on entre dans l'entreprise.C'est là un avantage concurrentiel inestimable, un véritable actif immatériel qui vaut de l'or.

Inversement, celles qui en sont restées à un style de management basé sur l'autorité, les ordres sans discussion, la soumission, où tout objectif est lié à une récompense financière ou une sanction, ne peuvent que générer les énergies négatives, le stress, la fatigue, et souvent ce sont les managers eux-mêmes, en plein désarroi qui sont les plus fatigués. Et l'on sent combien tout le potentiel des collaborateurs est sous-utilisé, non exprimé...

Alors, pour redonner un meilleur rendement énergétique à l'entreprise, et atteindre de nouveaux paliers de performance opérationnelle, cette dimension est devenue clé. Elle demande plus de discernement, le développement de qualités d'écoute, qui ne sont pas toujours faciles, surtout avec les collaborateurs les plus difficiles. C'est probablement parce que cette difficulté est croissante que l'on voit se développer ce métier de "coach", et la littérature qui va avec. Il suffit de dialoguer avec un coach professionnel, qui voit défiler à longueur de journée dans son bureau des managers en demande d'aide, pour comprendre combien l'art de manager est devenu de plus en plus délicat, et que de plus en plus de managers, à tous les niveaux, perdent pied, se sentent incapables, perdus, déprimés. Il est fini le temps (si il a jamais existé) où être manager consistait à assister passivement à des réunions et à déverser des ordres vers ses subordonnés.

La solution ne consiste pas à faire "plus de la même chose", c'est à dire : plus d'efforts, plus de contrôle, plus de procédures, plus de sanctions, plus de bonus et de primes d'objectifs, plus de plus, plus de stress,etc...

Au contraire, il est nécessaire, pour progresser, de démontrer plus de courage et de convictions, de vider l'entreprise de ses certitudes, de ses contrôles inutiles, des chefs et sous-chefs qui intoxiquent ceux qui se sentent bridés dans leur volonté de liberté, de créativité,...

Ce moment, où l'on va tout d'un coup porter un regard neuf sur les chats qui nous entourent, où l'on cessera de croire qu'ils sont des moutons à mater, cette façon nouvelle de considérer notre rôle de manager, c'est souvent l'élément déclencheur qui annonce le succés de tous les plans d'actions et de progrès que l'on souhaite lancer dans son entreprise et avec son équipe.

Miaou .....


Corps d'élite pour une guerre révolutionnaire

Elite_2 Dans l'entreprise, il est des moments où la concurrence ou la situation économique imposent de fixer des objectifs inhabituels : une forte augmentation des revenus, une réduction drastique des coûts, de l'ordre de 20 ou 30%, un changement de positionnement, un renouvellement du portefeuille de produits. Dans certaines entreprises ces objectifs inhabituels sont devenus...une habitude.

On parle alors d'une véritable transformation, comme on parlerait d'une révolution.Et pour les "habitués", c'est la "transformation permanente". Oui, on connaît cette musique "la seule chose qui ne change pas, c'est le changement". Pour ceux qui le vivent, c'est plus qu'une formule.

Pour mener cette transformation, la littérature est abondante, les conseillers prêts à intervenir sont légion, les prestataires pour fournir les ressources en Assistance à Maîtrise d'Ouvrage et en maîtrise d'oeuvre sont innombrables.

Pourtant un de paramètres ne peut être acquis de cette manière, et relève de l'art de diriger : qui sont les collaborateurs qui vont faire cette transformation ?

On pense bien sûr aux membres du Comité de Direction. Mais ce comité, le dirigeant, surtout s'il est récent, il ne l'a peut être pas choisi complètement. Et certains membres sont trés talentueux pour mener l'entreprise au quotidien, mais beaucoup mois à l'aise dans des programmes de transformation (ils ne sont pas sur la même vague). Et puis, parfois, les membres des générations récentes sont les plus vaillants, et les plus anciens n'aiment pas trop qu'on bouscule les choses (et, parfois, c'est l'inverse, car il existe aussi des "jeunes" désabusés).

Alors, on peut imaginer de renouveler le comité de Direction, au moins en partie : pas si cetain que cela marchera mieux, car on peut se tromper sur les nouveaux, et surtout, comment reconstruire en peu de temps une équipe soudée, qui saura travailler ensemble dans la tourmente des actions de changement ?

Autre élément, si on se trompe, le suivant à être remplacé sera probablement le Directeur Général lui-même, les actionnaires constatant que ses récentes nominations de collaborateurs rapprochés n'amènent pas les performances souhaitées. Donc, autant y réfléchir à deux fois...

En fait, ce que font des entreprises parmi les plus avancées (ou les mieux conseillées..) en matière de pilotage de la transformation, c'est d'identifier au sein de l'entreprise une espèce de "corps d'élite", certains les nomment les "entrepreneurs";

De quoi s'agit-il ?

Ce sont les collaborateurs ayant été repérés (les moyens de les repérer peuvent être différents), et qui vont constituer un "club" sélect et permanent dans l'entreprise.

Ils vont bénéficier d'un contact privilégié avec la Direction Générale et le Comité de Direction. On confiera à des membres de ce club les réflexions et les propositions pour transformer l'entreprise, la rendre plus innovante,...

Ils vont aussi être le relais du terrain de l'entreprise pour faire remonter les propositions et les dysfonctionnements que les dirigeants ne peuvent voir... C'est une vigie permnente sur la transformation concrète des processus et de l'organisation.

Cette forme de club, qui transcende les hiérarchies, les organes de représentation officiels, les générations, donne en fait une véritable agilité de mouvement. Et l'existence de ce club entraîne les autres, ceux qui n'en font pas partie : cela donne l'envie d'y être, l'envie de suivre le mouvement..l'envie de la transformation.

En fait, ce club d'"entrepreneurs" va constituer la première ligne de sponsors et de chefs de projets qui vont pouvoir emmener concrètement les actions du programme de transformation, et les faire aboutir. Ils ne vont pas se substituer au Comité de Direction, mais le rendre plus pertinent, permettant d'avoir une vision plus objective de l'état du terrain, interne, mais aussi externe, car ces "entrepreneurs" sont aussi un excellent relais d'écoute des clients, des concurrents, des partenaires...Cette vision objective viendra équilibrer la vision plus subjective des dirigeants qui se fient plus à leur intuition, leur expérience, mais disposent de moins de capteurs sur la réalité..

Ces "entrepreneurs" seront la force de frappe pour faire basculer l'entreprise vers une nouvelle culture, de nouveaux modes de fonctionnement, qui feront basculer l'inertie du plus grand nombre, les "résistants au changement" dont on nous parle tout le temps...

Ce type de dispositif, et les bénéfices qui vont avec, ça ne date pas d'hier...Les concepts de la transformation, vue comme une guerre révolutionnaire, ont été notamment conceptualisés (au regard de la pratique) par Mao Tsé-toung, dans son ouvrage "Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine" (1936), dont j'ai déjà parlé, et que m'avait fait connaître un de mes professeurs à HEC pour mes lectures de livres de management de référence (ça devait être cet "esprit de mai 68" dont on parle encore en ce moment...).

La situation décrite, où une minorité active, l'Armée rouge, se battant à un contre dix contre les troupes du Kouomintang,  a entraîné le pays tout entier vers une révolution de grande ampleur, vaut la peine d'être observée (au-delà des considérations politiques et idéologiques sur la nature et les buts de cette révolution, qui sont une autre histoire..).

Il donne pourtant une bonne description de base des éléments nécessaires pour réussir une guerre de mouvement, notamment quand il s'agit de savoir apprendre :

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Tire moi une croissance !

Croissance2 Quand les politiques ne parlent pas des "français", comme ICI, il y a une autre chanson qui revient souvent dans les discours, c'est la croissance.

Dans leur bouche, la croissance, c'est comme une déesse qui viendrait du ciel parce qu'on aurait été bien sage; elle va revenir parce que, grâce à l'élection du candidat, ou de la candidate, comme l'effet d'une baguette magique, Boum, la "confiance" revient, et Boum, voilà la croissance, et les politiques de se mettre à rêver de "points de croissance" en plus...

Alors les discours politiques tournent autour de cette interrogation : "la croissance sera-t-elle au rendez-vous ?". Comme si cette déesse donnait des rendez-vous comme ça, pour nous faire plaisir.

Le pire dans ces discours, c'est de vouloir nous faire croire que cette croissance est "tirée"...par la croissance extérieure (qu'on n'explique pas non plus trés bien d'ailleurs), ou bien, ânerie habituelle, par la "consommation intèrieure" (qu'on considère tout aussi mystèrieuse), ou au contraire "freinée"... par la guerre en Irak, ou toute autre baliverne.

Alors, pour que la croissance revienne, il suffirait d'attendre que la guerre se termine, que la croissance mondiale reparte, que les citoyens se mettent à avoir envie de consommer plus.

Heureusement il reste quelques personnes la tête sur les épaules pour dénoncer ces fantasmes, et un des plus virulents est Pascal Salin, économiste, qui vient de publier "Français, n'ayez pas peur du libéralisme" pour nous permettre de remettre les pendules à l'heure.

Que nous dit-il ?

" Tous les modèles de prévision en France sont fondés sur l'idée, d'inspiration keynésienne, que la croissance économique s'expliquerait par l'évolution de la demande ou de certaines de ses composantes. Mais on ne dira jamais assez à quel point les propositions principales de la pensée keynésienne ont été destructrices. La théorie keynésienne a habitué les esprits à raisonner en termes de quantités globales, c'est à dire en termes de concepts sans aucun rapport avec la réalité. Elle a conduit à ignorer la seule caractéristique du fonctionnement des sociétés humaines, à savoir le fait que les individus pensent et agissent."

"L'explication de cette dérive intellectuelle est simple à comprendre : en prétendant que l'augmentation de la consommation était capable de "tirer" la croissance, on légitimait les revendications salariales, sous le prétexte que les salariés consommaient relativement plus que les autres. (...) Pourtant, comment la consommation pourrait-elle jouer un rôle moteur et autonome, alors qu'on ne peut consommer que ce que l'on gagné, et qu'on ne peut gagner qu'en fonction de ce que l'on a produit ?"

" Privilégier comme on le fait habituellement la consommation c'est aussi faire une autre erreur intellectuelle : c'est supposer que les ressources non consommées, c'est à dire celles qui sont épargnées, disparaissent du circuit économique. C'est pourtant bien le contraire qui est vrai : les ressources consommées sont détruites par la consommation, alors que les ressources épargnées sont réintroduites dans le circuit économique pour permettre de produire des ressources supplémentaires. C'est l'effort d'épargne qui permet la croissance,car il signifie renoncer à une consommation présente pour obtenir plus plus de richesses dans le futur".

En fait la croissance, ceux qui sont dirigeants et managers dans les entreprises, ils ont bien compris que ce n'était pas une affaire globale, mais au contraire le résultat des efforts de tous les jours.

Pascal Salin nous le confirme simplement :

" Les sources de la croissance existent dans la France d'aujourd'hui, dans le cerveau et le courage de ces millions d'entrepreneurs, de salariés, d'épargnants, qui seraient prêts à créer des richesses, si l'Etat ne les spoliait pas par ses impôts et ne les paralysait par ses règlementations. Les sources de la croissance ne sont pas extérieures à notre pays, elles sont intérieures, elles ne relèvent pas d'une mécanique globale, mais des efforts innombrables des individus, elles ne sont pas d'ordre matériel, mais intellectuel, c'est à dire qu'elles dépendent de l'imagination et du goût de millions d'individus".

On en revient à cet esprit d'entreprise et ce besoin d'entrepreneurs, seuls moyens du développement.

Les entreprises cherchent d'ailleurs de façon continue les ingrédients pour assurer de manière durable cette croissance.

General Electric définit même cette croissance comme un "process". Le dernier rapport annuel revient sur cette démarche "Growth as a process". Les composantes sont au nombre de 6 : Technology, Customers, Globalization, Commercial Excellence, Innovation, Growth Leaders. A voir en détail sur leur site web.

C'est certainement de ces efforts vers l'excellence, la qualité du commerce, des produits, de l'inovation, que viendra la croissance.

Cela ne fait que nous rappeler que ce sont finalement les commandes, l'innovation et la valeur ajoutée qui produisent de la croissance, grâce à la liberté d'entreprendre, et non les fumeuses promesses politiques pour distribuer encore plus (ou augmenter le SMIG), sans création de richesses, de l'argent prélevé sur ceux qui produisent et entreprennent.

Espérons que les politiques qui vont prendre les commandes de l'Elysée, du prochain gouvernement et de l'assemblée nationale ne l'oublieront pas trop.