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Corps d'élite pour une guerre révolutionnaire

Elite_2 Dans l'entreprise, il est des moments où la concurrence ou la situation économique imposent de fixer des objectifs inhabituels : une forte augmentation des revenus, une réduction drastique des coûts, de l'ordre de 20 ou 30%, un changement de positionnement, un renouvellement du portefeuille de produits. Dans certaines entreprises ces objectifs inhabituels sont devenus...une habitude.

On parle alors d'une véritable transformation, comme on parlerait d'une révolution.Et pour les "habitués", c'est la "transformation permanente". Oui, on connaît cette musique "la seule chose qui ne change pas, c'est le changement". Pour ceux qui le vivent, c'est plus qu'une formule.

Pour mener cette transformation, la littérature est abondante, les conseillers prêts à intervenir sont légion, les prestataires pour fournir les ressources en Assistance à Maîtrise d'Ouvrage et en maîtrise d'oeuvre sont innombrables.

Pourtant un de paramètres ne peut être acquis de cette manière, et relève de l'art de diriger : qui sont les collaborateurs qui vont faire cette transformation ?

On pense bien sûr aux membres du Comité de Direction. Mais ce comité, le dirigeant, surtout s'il est récent, il ne l'a peut être pas choisi complètement. Et certains membres sont trés talentueux pour mener l'entreprise au quotidien, mais beaucoup mois à l'aise dans des programmes de transformation (ils ne sont pas sur la même vague). Et puis, parfois, les membres des générations récentes sont les plus vaillants, et les plus anciens n'aiment pas trop qu'on bouscule les choses (et, parfois, c'est l'inverse, car il existe aussi des "jeunes" désabusés).

Alors, on peut imaginer de renouveler le comité de Direction, au moins en partie : pas si cetain que cela marchera mieux, car on peut se tromper sur les nouveaux, et surtout, comment reconstruire en peu de temps une équipe soudée, qui saura travailler ensemble dans la tourmente des actions de changement ?

Autre élément, si on se trompe, le suivant à être remplacé sera probablement le Directeur Général lui-même, les actionnaires constatant que ses récentes nominations de collaborateurs rapprochés n'amènent pas les performances souhaitées. Donc, autant y réfléchir à deux fois...

En fait, ce que font des entreprises parmi les plus avancées (ou les mieux conseillées..) en matière de pilotage de la transformation, c'est d'identifier au sein de l'entreprise une espèce de "corps d'élite", certains les nomment les "entrepreneurs";

De quoi s'agit-il ?

Ce sont les collaborateurs ayant été repérés (les moyens de les repérer peuvent être différents), et qui vont constituer un "club" sélect et permanent dans l'entreprise.

Ils vont bénéficier d'un contact privilégié avec la Direction Générale et le Comité de Direction. On confiera à des membres de ce club les réflexions et les propositions pour transformer l'entreprise, la rendre plus innovante,...

Ils vont aussi être le relais du terrain de l'entreprise pour faire remonter les propositions et les dysfonctionnements que les dirigeants ne peuvent voir... C'est une vigie permnente sur la transformation concrète des processus et de l'organisation.

Cette forme de club, qui transcende les hiérarchies, les organes de représentation officiels, les générations, donne en fait une véritable agilité de mouvement. Et l'existence de ce club entraîne les autres, ceux qui n'en font pas partie : cela donne l'envie d'y être, l'envie de suivre le mouvement..l'envie de la transformation.

En fait, ce club d'"entrepreneurs" va constituer la première ligne de sponsors et de chefs de projets qui vont pouvoir emmener concrètement les actions du programme de transformation, et les faire aboutir. Ils ne vont pas se substituer au Comité de Direction, mais le rendre plus pertinent, permettant d'avoir une vision plus objective de l'état du terrain, interne, mais aussi externe, car ces "entrepreneurs" sont aussi un excellent relais d'écoute des clients, des concurrents, des partenaires...Cette vision objective viendra équilibrer la vision plus subjective des dirigeants qui se fient plus à leur intuition, leur expérience, mais disposent de moins de capteurs sur la réalité..

Ces "entrepreneurs" seront la force de frappe pour faire basculer l'entreprise vers une nouvelle culture, de nouveaux modes de fonctionnement, qui feront basculer l'inertie du plus grand nombre, les "résistants au changement" dont on nous parle tout le temps...

Ce type de dispositif, et les bénéfices qui vont avec, ça ne date pas d'hier...Les concepts de la transformation, vue comme une guerre révolutionnaire, ont été notamment conceptualisés (au regard de la pratique) par Mao Tsé-toung, dans son ouvrage "Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine" (1936), dont j'ai déjà parlé, et que m'avait fait connaître un de mes professeurs à HEC pour mes lectures de livres de management de référence (ça devait être cet "esprit de mai 68" dont on parle encore en ce moment...).

La situation décrite, où une minorité active, l'Armée rouge, se battant à un contre dix contre les troupes du Kouomintang,  a entraîné le pays tout entier vers une révolution de grande ampleur, vaut la peine d'être observée (au-delà des considérations politiques et idéologiques sur la nature et les buts de cette révolution, qui sont une autre histoire..).

Il donne pourtant une bonne description de base des éléments nécessaires pour réussir une guerre de mouvement, notamment quand il s'agit de savoir apprendre :

" Les généraux qui manquent de pénétration échafaudent leurs plans en se basant sur leurs propres désirs; aussi de tels plans s'avèrent-ils illusoires; ils ne correspondent pas à la réalité. Les généraux insouciants, qui s'en remettent à leur seul enthousiasme, tombent inévitablement dans les pièges tendus par l'adversaire; ils se laissent abuser par les renseignements superficiels et fragmentaires qu'ils recueillent sur ce dernier, approuvent les suggestions non fondées, à courte vue, de leurs subordonnés, à la suite de quoi ils commettent inévitablement des fautes - justement parce qu'ils ne savent pas, ou ne veulent pas savoir, que tout plan d'opérations militaires doit être élaboré à partir des informations recueillies par l'indispensable service de renseignements, de l'étude minutieuse de sa propre situation et de celle de l'adversaire et également de leur interdépendance".

Ce processus, il n'est pas seulement valable avant de lancer le plan, ou le programme. Il est surtout d'une grande efficacité pendant :

" Un nouveau processus de la connaissance se déroule depuis le moment où le plan commence à s'éxécuter jusqu'à la fin du combat : c'est précisément le processus de passage du plan dans la réalité. C'est alors qu'il apparaît indispensable de vérifier une fois de plus dans quelle mesure la situation réelle correspond à tout ce qui a été exécuté au cours du processus antérieur. Si le plan ne correspond pas à la réalité ou s'il lui correspond incomplètement, il convient de procéder, sur la base des nouvelles données, à une appréciation nouvelle de la situation, il convient de prendre de nouvelles décisions, de soumettre le plan déjà adopté à certains remaniements afin qu'il corresponde à la nouvelle situation. Une modification partielle du plan intervient presque dans chaque bataille; il arrive même des cas où le plan se trouve complètement modifié. Par contre les gens inconscients méprisent la nécessité de procéder à une modification du plan ou bien n'en veulent pas changer; ils s'enferrent et vont finalement se fracasser le crâne contre l'obstacle".

" On ne peut devenir le chef véritablement compétent d'un gros détachement si l'on se contente d'intervenir sur le champ de bataille ou si l'on ne sait combattre que sur le papier; pour cette raison il convient d'apprendre dans le cours même de la guerre".

Et cette formule :

" Combattre, c'est apprendre".

Les "entrepreneurs", les "corps d'élite" de la transformation, ils sont probablement une bonne façon d'appliquer les conseils en "knowledge management" du timonnier...

Un autre élément clé de la réussite ,c'est aussi "l'unité politique entre les officiers et les soldats" qui , apprenant ensemble, sont ainsi tournés vers un même but commun..

La guerre révolutionnaire  : le management 2.0 ?

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