Lettre persane
Une soirée en enfer

A vendre ou à louer ?

Alouer_3   Propriétaire ou locataire ?

Cette question fondamentale, elle revient régulièrement dans les magazines, pour nous donner tous les bons conseils pour devenir propriétaire. Les candidats à la Présidentielle s'y mettent aussi, voulant rendre propriétaire de son logement chacun d'entre nous.

Paradoxalement, c'est l'inverse dans l'entreprise, comme le note Philippe Escande dans sa chronique des Echos du jeudi 12 avril.

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses, sous la pression de leurs actionnaires, souvent des fonds d'investissement, à vendre leurs actifs immobiliers pour en devenir locataires. Dernier en date qui s'est fait ainsi remarqué, Carrefour.

L'idée est apparemment simple : en vendant ces actifs, on dégage du cash, et avec le cash, on améliore la rentabilité des capitaux investis, le ROCE, bref, tout baigne.

On vit aujourd'hui dans une compétition où le bilan est plus observé que le compte de résultats par les analystes et investisseurs. Et on essaye donc d'être le meillleur sur ce critère de rentabilité des capitaux investis.

Et, de fait, la valeur de l'entreprise, ce ne sont plus les immeubles, les usines, les équipements, qui constituent autant de capitaux immobilisés coûteux. On connaît l'exemple Alcatel, devenu "fabless company", une entreprise sans usines : tout ou presque est sous traité, fabriqué par des partenaires, les actifs utilisés sont loués.

Alors dans la valeur, il reste quoi ?

Oui, il reste ce qu'on apppelle "l'immatériel"...c'est à dire les marques, le savoir-faire, la qualité du management, le réseau commercial, ..on parle de "goodwill". Paradoxalement, tous ces éléments qui constituent la nouvelle façon d'apprécier la valeur et les actifs de l'entreprise, n'apparaissent pas, ou pas complètement au bilan.

La composante la plus difficile à classer dans ce contexte, ce sont bien sûr les collaborateurs.

Comptablement, ce sont des .."charges"...eh oui; j'ai même vu cette semaine une entreprise qui classe, dans sa comptabilité analytique, les frais de personnel de ses unités opérationnelles dans le poste "frais variables"...

Mais inversement; dans les discours des chefs d'entreprise les plus tendance, le personnel est présenté comme un élément fort du capital.

Est-ce à dire que l'on va alors considérer que l'entreprise est propriétaire de ses collaborateurs ?

Malheureusement, certains dirigeants le croient, et imposent dans leur management, une servitude trés marquée des collaborateurs à un intérêt supérieur, présenté par exemple comme l'intérêt de l'actionnaire, le culte du profit et de l'EBITDA, qui est de fait une servitude aux pratiques un peu autocratiques des dirigeants.

Il n'est pas pour autant plus rassurant d'assimiler ses collaborateurs à des biens "loués", car on sent bien qu'une telle métaphore met en évidence le risque d'avoir des collaborateurs qui en font le minimum, qui exécutent le "contrat" mais pas plus, sans délivrer ce supplément de motivation, de créativité, de leadership, dont l'entreprise a besoin pour être la plus performante possible.

Alors, ni à louer, ni à vendre, qui sont donc ces collaborateurs ? Et comment les considérer dans l'entreprise ?

Charles Handy, auteur de anglais de nombreux livres trés décadrants sur le management, dont j'ai déjà signalé les ouvrages, vient à point pour prendre un peu de hauteur par rapport à ces questions.

C'est dans "Beyond Certainty", qui inclut une conférence donnée sur le thème : " What is a company for ?", datant de 1990, mais toujours trés pertinente.

Charles Handy s'élève contre cette idée d'être propriétaire de son personnel :

" Owning people is, I think, wrong. Buying and selling people is wrong. The concept is out of date, just as the idea that a man owned his wife is now out of date. "

Alors, charles Handy nous encourage à considérer l'entreprise et ses collaborateurs comme une "communauté immortelle", dont les dirigeants ont pour mission de permettre le renouvellement.Il conteste toute vision de l'entreprise comme un instrument dont le but est de "faire du profit".

Il replace en fait l'association des personnes, des collaborateurs, des techniciens, des managers, association non reconnue par la loi, car les statuts des sociétés, le droit des affaires n'en parlent pas, comme la seule réalité de l'entreprise.

Les spécialistes du droit des sociétés croient que l'entreprise est un contrat entre des propriétaires, avec des droits de vote aux conseils d'administration et aux assemblées générales. Ceux qui y vivent quotidiennement, nous rappelle Charles Handy,  savent que la vraie vie, c'est justement cette capacité d'une communauté d'individus à faire ensemble des choses extraordinaires, créer des produits, améliorer chaque jour la performance, conquérir des marchés, travailler en équipes.

" A company is not an instrument; it is, or schould be, a living and growing community. There is a difference".

Oui, considérer nos collaborateurs comme ni à vendre, ni à louer, n'est-ce-pas le début d'une nouvelle vision des rapports humains dans nos entreprises, une sorte de ....oui...Zone Franche; on y revient...

Commentaires

christian kostrubala

je souhaite publier votre article sur notre site planetefacility.com à la rubrique stratégie du changement.
dites moi si vous êtes d'accord...

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