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Une soirée en enfer

Infernale J'ai passé la soirée de jeudi dernier en enfer !

C'est au Vingtième Théâtre, où se donne la pièce : "Une comédie infernale : petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens".

C'est librement inspiré (trés librement..) de l'ouvrage de Robert-vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, dont j'ai déjà parlé ICI et ICI.

De quoi s'agit-il ?

De la théorie de l'engagement, qui est démontée par ces deux auteurs pour nous montrer les mécanismes de la manipulation, à l'usage, disent-ils, des honnêtes gens, mais tout aussi efficaces pour les autres.

La pièce de Gérald Garutti transforme ces propos en une gigantesque farce théâtrale, magistralement emmenée par Jean-Claude Dreyfus, admirable en diable tout de rouge vêtu, le clin d'oeil aigrillard, les mouvements du corps toujours suggestifs; superbe prestation d'acteur.

Il est aussi Dieu de temps en temps, barbe et robe blanches, à moins que ce Dieu ne soit que le Diable déguisé...

Il est le diable qui accueille en enfer l'auteur de ce petit traité vendu à 200.000 exemplaires, et qui est devenu un livre de référence en Enfer pour tous les manipulateurs. Il va donc, pendant plus d'une heure, nous faire une visite guidée de tous ses hôtes, parfaits praticiens de ces théories de la manipulation. François Mitterrand, Freud, Molière, et aussi Eve, Maître Renard, ils y passent tous.

Les techniques de manipulation sont vite survolées, ce n'est pas le propos (si l'on souhaite vraiment comprendre cette théorie, il vaut mieux lire le livre), mais mises en scène avec beaucoup de bruit et de jeu. Il y a même un remake un peu spécial de "questions pour un champion"..

Et puis nous avons eu le grand privilège dès ce jeudi de voir les deux candidats du deuxième tour de l'élection présidentielle : oui, ils étaient là, à la porte de l'enfer, venant prendre conseil auprès du professeur pour gagner le débat du deuxième tour...

On ne parle pas du monde de l'entreprise dans cette pièce, mais plutôt des grandes figures politiques et auteurs; car c'est vrai que l'on assimile trés vite manipulation et politique.

Pourtant ces techniques sont pratiquées chaque jour dans les réunions, dans les négociations commerciales; elles sont la base même du commerce, des contrats, de l'économie...

Jean-Claude Dreyfus prend visiblement du plaisir à en rajouter dans le rôle, et les fans sont aux anges (quel paradoxe, pour un moment en enfer !!). J'ai eu la chance d'échanger quelques mots avec lui aprés le spectacle : il n'a pas lu le livre des professeurs, il n'est pas trés au fait des pratiques de manipulation en entreprise; il s'amuse, et nous aussi.

On peut voir ce spectacle jusqu'au 13 mai. C'est sans prétention, mais cela donne au moins l'envie de lire ou de relire le livre, et l'on passe un moment sympathique,

Encore un peu de pub : Jean-Claude Dreyfus est à l'affiche en ce moment de "Jean de La Fontaine", de Daniel Vigne, où il interprète Monsieur de Chateauneuf... Je ne l'ai pas encore vu, mais à la façon gourmande dont m'en a parlé Jean-Claude Dreyfus, ça m'a donné envie d'y aller .

AIE!! M'aurait-il manipulé ???

Je lui pardonne.


A vendre ou à louer ?

Alouer_3   Propriétaire ou locataire ?

Cette question fondamentale, elle revient régulièrement dans les magazines, pour nous donner tous les bons conseils pour devenir propriétaire. Les candidats à la Présidentielle s'y mettent aussi, voulant rendre propriétaire de son logement chacun d'entre nous.

Paradoxalement, c'est l'inverse dans l'entreprise, comme le note Philippe Escande dans sa chronique des Echos du jeudi 12 avril.

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses, sous la pression de leurs actionnaires, souvent des fonds d'investissement, à vendre leurs actifs immobiliers pour en devenir locataires. Dernier en date qui s'est fait ainsi remarqué, Carrefour.

L'idée est apparemment simple : en vendant ces actifs, on dégage du cash, et avec le cash, on améliore la rentabilité des capitaux investis, le ROCE, bref, tout baigne.

On vit aujourd'hui dans une compétition où le bilan est plus observé que le compte de résultats par les analystes et investisseurs. Et on essaye donc d'être le meillleur sur ce critère de rentabilité des capitaux investis.

Et, de fait, la valeur de l'entreprise, ce ne sont plus les immeubles, les usines, les équipements, qui constituent autant de capitaux immobilisés coûteux. On connaît l'exemple Alcatel, devenu "fabless company", une entreprise sans usines : tout ou presque est sous traité, fabriqué par des partenaires, les actifs utilisés sont loués.

Alors dans la valeur, il reste quoi ?

Oui, il reste ce qu'on apppelle "l'immatériel"...c'est à dire les marques, le savoir-faire, la qualité du management, le réseau commercial, ..on parle de "goodwill". Paradoxalement, tous ces éléments qui constituent la nouvelle façon d'apprécier la valeur et les actifs de l'entreprise, n'apparaissent pas, ou pas complètement au bilan.

La composante la plus difficile à classer dans ce contexte, ce sont bien sûr les collaborateurs.

Comptablement, ce sont des .."charges"...eh oui; j'ai même vu cette semaine une entreprise qui classe, dans sa comptabilité analytique, les frais de personnel de ses unités opérationnelles dans le poste "frais variables"...

Mais inversement; dans les discours des chefs d'entreprise les plus tendance, le personnel est présenté comme un élément fort du capital.

Est-ce à dire que l'on va alors considérer que l'entreprise est propriétaire de ses collaborateurs ?

Malheureusement, certains dirigeants le croient, et imposent dans leur management, une servitude trés marquée des collaborateurs à un intérêt supérieur, présenté par exemple comme l'intérêt de l'actionnaire, le culte du profit et de l'EBITDA, qui est de fait une servitude aux pratiques un peu autocratiques des dirigeants.

Il n'est pas pour autant plus rassurant d'assimiler ses collaborateurs à des biens "loués", car on sent bien qu'une telle métaphore met en évidence le risque d'avoir des collaborateurs qui en font le minimum, qui exécutent le "contrat" mais pas plus, sans délivrer ce supplément de motivation, de créativité, de leadership, dont l'entreprise a besoin pour être la plus performante possible.

Alors, ni à louer, ni à vendre, qui sont donc ces collaborateurs ? Et comment les considérer dans l'entreprise ?

Charles Handy, auteur de anglais de nombreux livres trés décadrants sur le management, dont j'ai déjà signalé les ouvrages, vient à point pour prendre un peu de hauteur par rapport à ces questions.

C'est dans "Beyond Certainty", qui inclut une conférence donnée sur le thème : " What is a company for ?", datant de 1990, mais toujours trés pertinente.

Charles Handy s'élève contre cette idée d'être propriétaire de son personnel :

" Owning people is, I think, wrong. Buying and selling people is wrong. The concept is out of date, just as the idea that a man owned his wife is now out of date. "

Alors, charles Handy nous encourage à considérer l'entreprise et ses collaborateurs comme une "communauté immortelle", dont les dirigeants ont pour mission de permettre le renouvellement.Il conteste toute vision de l'entreprise comme un instrument dont le but est de "faire du profit".

Il replace en fait l'association des personnes, des collaborateurs, des techniciens, des managers, association non reconnue par la loi, car les statuts des sociétés, le droit des affaires n'en parlent pas, comme la seule réalité de l'entreprise.

Les spécialistes du droit des sociétés croient que l'entreprise est un contrat entre des propriétaires, avec des droits de vote aux conseils d'administration et aux assemblées générales. Ceux qui y vivent quotidiennement, nous rappelle Charles Handy,  savent que la vraie vie, c'est justement cette capacité d'une communauté d'individus à faire ensemble des choses extraordinaires, créer des produits, améliorer chaque jour la performance, conquérir des marchés, travailler en équipes.

" A company is not an instrument; it is, or schould be, a living and growing community. There is a difference".

Oui, considérer nos collaborateurs comme ni à vendre, ni à louer, n'est-ce-pas le début d'une nouvelle vision des rapports humains dans nos entreprises, une sorte de ....oui...Zone Franche; on y revient...


Lettre persane

Persan Usbek à Rhédi, à Venise

L'association Generations Débats, qui organise des débats dans des bistrots et restaurants avec des politiques de toutes tendances, recevait le 4 avril dernier un personnage que l'on appelle "de l'ombre", le Directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'UMP, Frédéric Lefebvre.

J'y étais.

Bien sûr, on a l'impression d'entendre les mêmes arguments que lorsqu'on écoute l'original, le talent en moins. Autant j'avais été un peu bluffé par la prestation du prétendant UMP lorsqu'il était venu haranguer les anciens HEC, autant ici on avait l'impression d'assister à une démonstration de "Trivial Pursuit" : à toutes les questions posées par la salle, hop, la réponse du candidat sortait du chapeau.

Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est cette perpétuelle référence aux "français", ceux qui comprennent tout, qui ont tant de bon sens, d'intelligence,...on serait jaloux de ne pas en être...

A une question d'Edouard sur la BCE, qui ne manque pas, en bon étudiant studieux, de faire référence à ce que lui ont appris ses professeurs d'économie, le sieur Lefebvre n'hésite pas : "mais voyons, jeune homme, ne croyez pas ce que disent les professeurs d'économie, ce n'est pas la vraie france, écoutez...LES FRANCAIS.... ceux qui ont tout compris et qui voient bien que les prix en euros ont augmentés, tenez, regardez, au restaurant, on ne peut plus manger décemment à moins de 30 euros, ce n'est pas une preuve ça, que vos professeurs d'économie n'ont rien compris ? Là, on est scotchés! mais ils mangent où les professeurs d'économie pour être aussi bêtes ?

Oui, il nous bien expliqué, ce serviteur zélé qui accompagne Nicolas Sarkozy depuis plus de 25 ans (mazette!), qui n'a loupé aucun meeting, puisqu'il les organise, combien avec Nicolas sarkozy, on va faire "de la politique autrement". Son candidat, il va "à la rencontre des français", ceux de la vraie vie. Tellement vraie qu'on n'arrive pas toujours à voir de qui il parle. N'importe lequel d'entre nous est ici étudiant, entrepreneur, cadre d'entreprise, consultant, bref, selon notre invité, juste un intérêt individuel, alors que lui il parle des "français", des êtres apparemment tout ce qu'il y a de plus charmant, surtout bien sûr si en plus ils votent Sarkozy.

Alors, pour faire monter notre plaisir de connaître des gens aussi formidables, il nous donne un cas de la vraie vie : il revenait juste d'un meeting, non, d' une "rencontre", au Show Case, une boîte de nuit super (oui, il est malin, le directeur de cabinet, quand il parle devant des jeunes, il parle de boîtes de nuit , parce que les jeunes français, c'est bien connu, ça aime les boîtes de nuit..), où Nicolas Sarkozy a rencontré "tout ce qui compte dans la Culture", et c'était super, car "tout ce qui compte dans la culture" a compris combien le candidat comprenait les "français".

Mais c'est qui "tout ce qui compte dans la culture" ? Il nous l'a dit : Véronique Genest (oui, Julie Lescault, le commissaire, ouah, génial !), elle compte, elle, c'est sûr, au moins à l'audimat de TF1...

En fait, cette façon populiste d'en appeler en permanence aux "français" par les politiques, renvoyant tous ceux qui se sentent compétents en quoi que ce soit à leur ringardise, est-ce vraiment un plus pour la politique ? Parfois, on pourrait en douter, mais on n'ose pas le dire devant cet argument des "français".

Ca doit être payant, puisqu'ils le font tous, depuis celle qui les a "chevillés au corps", celui qui les "aime", sans parler du candidat qui se dit "le candidat patriotique".

En fait, le grand avantage, c'est qu'on peut leur faire dire n'importe quoi, à ces "français" qu'on a rencontré dans une boîte de nuit ou un préau d'école, ou, encore plus tendance, une usine : on nous montre plein d'images, en ce moment, de candidats en conversation avec des ouvriers, croisés un quart d'heure dans la cour d'une usine. Frédéric Lefebvre nous l'a rappelé : Nicolas Sarkozy a rencontré des ouvriers PLUSIEURS FOIS (ouah, trop fort ce Sarkozy!), donc il a compris " le monde industriel" : nous, là, devant lui, qui n'avons pas parcouru à grandes enjambées les halls d'usine, on se sent tout con d'être aussi ignorant de ce "monde industriel"...

Oui, ces "français" que rencontrent nos hommes politiques, on sent combien ce sont des gens formidables par rapport à nous...on va finir par les "aimer" nous aussi...

Quand on les croisera le 22 avril devant les écoles et les isoloirs, n'oublions pas de leur faire un petit sourire gentil si jamais nous croyons les apercevoir; que feraient on en France s'ils n'étaient pas là ?

Et puis, aprés les élections, on redeviendra tous des contribuables...

Un vrai compte de Cendrillon ces périodes électorales !

De Paris, le dernier de la lune de Gemmadi 10, 2007.


Des cadres sous Oxygène

Oxygen L'équilibre subtil entre le contrôle et la responsabilité dans le management des entreprises est un exercice sur lequel travaillent en permanence les dirigeants (et corrélativement leurs conseils).

Des auteurs comme Sutton et Pfeiffer, ou bien Lebow et Spitzer, sont de véritables chantres de la responsabilité, et nous aident à trouver et mettre en oeuvre les bonnes pratiques. De quoi nous rappeler que le job du manager ne consiste peut être pas à déterrer les graines chaque jour pour vérifier qu'elles poussent bien. Les règles pour motiver les collaborateurs sont plus complexes.

Cas pratique cité dans Les Echos de vendredi 30 mars : le nouveau programme de réorganisation de la SNCF, baptisé "Oxygène".

De quoi s'agit-il ?

Guillaume Pepy, Directeur Général interrogé sur ce programme en explique la motivation : la culture interne de l'entrepriseest restée marquée par un système bureaucratique.

Le mot est lâché.

Les constats ont l'air clairs :

" Les salariés passent ainsi leur temps à faire des statistiques, remplir des documents, faire du reporting. Notre entreprise étouffe sous les référentiels et les normes".

Alors, les remèdes ?

L'article cite des reportages vidéos de témoignages sur l'intranet, la possibilité de voter sur les meilleures praiques...un vrai débat participatif !

Ce programme ressemble donc à une "chasse à la paperasserie" : chaque collaborateur est invité à recenser le nombre de documents qu'il remplit chaque semaine et le temps qu'il y consacre.

Alors, des simplifications sont apportées :

- la fiche d'entretien annuel ne comprend plus que 6 pages, au lieu de 13 précedemment....mais on ne dit pas en quoi cela rend différent l'entretien annuel..

- pour les achats de commandes simples, deux étapes de validation sont nécessaires, au lieu de sept ...mais pourquoi ces deuxétapes ? pour valider quoi ?

Autre idée mise en oeuvre :

"Pour pouvoir investir dans la réfection d'un vestiaire ou l'installation d'un nouvel outillage par exemple, cela peut prendre des mois, voire des années, tellement les étapes de validation sont nombreuses et souvent embouteillées par des demandes de nature trés variées."

Alors, pour faire mieux, on a "externalisé les études de faisabilité" : !!! et fait en sorte de traiter les dossiers en fonction des priorités et non de leur ordre d'arrivée...

Bon, finalement, le mot responsabilité, qui est au coeur des évolutions managériales, n'est pas employé. Une impression que cette première bouffée d'"oxygène" n'est pas la dernière...

La CFDT, interrogée par la journaliste des Echos, marie Bellan, n'est pas convaincue :

" La direction a transformé l'organisation des services et des gares en véritables usines à gaz. Tout est normé, et on rajoute encore une couche de formalisme alors que c'est justement ce que l'on veut combattre. Les salariés n'ont pas besoin d'un site intranet pour leur dire comment rédiger un mail ou comment faire leur travail."

" La lourdeur de notre fonctionnement est réelle, mais cette lourdeur a été mise en place par la direction elle-même."

Oui, l'absence de ce mot de responsabilité est criante.

Ces témoignages ne font que mettre dos à dos la direction "responsable" de ce qui ne va pas dans l'entreprise; comme si tous les collaborateurs n'y pouvaient rien, et ces collaborateurs, "invités" à chasser ce qui est compliqué dans leur travail administratif, comme si ils étaient seuls responsables de cette complexité.

Espérons que cette expérience d'apprentissage du management participatif qui démarre permette de traiter les sujets autrement qu'en opposant "direction" (on parle comme ça, apparemment, à la SNCF), et "agents" (idem). Au vu des témoignages rapportés, on comprend que ce programme est ambitieux...

Bon vent !


Management Trés Grande Vitesse

Tgv_3 Quand un cadre dirigeant nous dit qu' il "vient d'arriver" dans l'entreprise où il exerce ses talents de manager, on ne parle pas toujours de la même chose.

Dans certains endroits, "venir d'arriver", ça peut durer un an, voire dix-huit mois ! "Je viens d'arriver" (depuis un an), ça veut dire "c'est le bazar et la désorganisation dans mes services, mais je n'ai pas eu le temps de régler tout ça, car je viens d'arriver"...

On a l'impression, en écoutant ce genre de personnages, qu'ils viendront d'arriver toute leur vie, se faisant dégager d'un endroit où ils ont été inefficaces, pour une pèriode plus ou moins longue de "je viens d'arriver" ailleurs .

Et puis, il y a l'inverse, que j'ai rencontré cette semaine, et cela pose d'autres questions :

Ce cadre dirigeant européen me dit qu'il est dans le Groupe depuis 5 ans, et qu'il a déjà changé quatre fois de poste. Son Groupe, c'est General Electric. Mais il ne me fait pas la chanson "je viens d'arriver", au contraire. Il a l'air extrèmement enthousiaste, comme grisé par ce management à Trés Grande Vitesse, et fier de travailler  pour la "meilleure entreprise du Monde".

GE est un Groupe qui bouge, où la croissance est telle ("on grandit chaque année de l'équivalent d'un Groupe comme Danone"), qu'il est obligé d'être une machine "à fabriquer des leaders" dans les délais les plus courts possibles. Au cours des derniers mois, GE a acheté plusieurs entreprises, correspondant à l'intégration de 30.000 personnes; Selon la politique du Groupe, les dirigeants, surtout les Directeurs Financiers et les Directeurs des Ressources Humaines, ont été nommés parmi des cadres GE. Jeff Immelt, le président,  les a nommés instantanément, certains parmi eux n'étant pourtant que depuis un an à peine dans leur poste. Ils ont donc quitté leur poste, et souvent changé de pays, en quelques jours.

Un des "outils de base" du secret de cette pratique : les "succession plans".

Pratiquement tous les cadres ont un successeur identifié, prêt à prendre la relève au pied levé, en toutes occasions.

Fortune, dans son numéro du 19 mars, consacré aux "entreprises les plus admirées au monde", et qui classe pour la septième année consécutive General Electric numéro 1, revient sur cette histoire de "succession plan", présenté comme un signe fort d'excellence pour les entreprises. C'est le moyen, commente Fortune, de développer un "talent-management pipeline".

Sans plans de succession, l'entreprise risque de mal supporter les crises, ou de se trouver freinée dans sa croissance. C'est pourquoi disposer d'usines à fabriquer des leaders, et de la culture de la mobilité qui va avec, est un "must". Chez General Electric, on considère que 20 à 25% de l'encadrement change de job chaque année.

Un autre exemple, se voulant parfaitement démonstratif, est apporté par Fortune, à propos de Mac Donald :

" En 2003, quand Jim Cantalupo a eu une attaque cardiaque, le conseil d'administration de Mac Donald a pû désigner son successeur en quelques heures. Sept mois aprés, quand ce nouveau président , à 44 ans seulement, a été diagnostiqué comme ayant un cancer, Mac Donald a pû répondre rapidement, en nommant Jim Skinner comme remplaçant".

Fortune ne dit pas quand ce Jim Skinner aura son attaque cardiaque ou son cancer, mais on ne peut pas s''empêcher d'y songer....

Ces plans de succession sont ils si géniaux que ça ?

Car, alors que l'on peut trouver un peu fort de "venir d'arriver" aprés dix-huit mois à un poste, on peut quand même s'interroger sur le management qui est pratiqué par ces dirigeants qui changent de postes tous les ans...et qui sont remplçables à tout moment (quelle pression, non ?).

En fait, ces nouvelles pratiques ne laissent pratiquement pas de temps pour la prise de connaissances du nouvel environnement du manager : trés vite, il va devoir agir, lancer les actions, dans son nouveau poste, pour y montrer son empreinte avant son départ. Il est important qu'il ait démontré des résultats, car ces pratiques de "succession plans" sont associées à des systèmes assez sophistiqués d'évaluation de la performance individuelle et collective, qui suit le cadre dirigeant, en toute transparence, comme un carnet de santé.

Cela encourage probablement la diffusion de "bonnes pratiques", prêtes à l'emploi, qui permettent de réagir et de prendre des décisions trés rapidement, en toutes occasions. Cela rend l'exercice du management extrêmement exigeant.

On comprend bien combien cette accélération peut être exhaltante pour les éléments les plus brillants de ces groupes (et que ce soient les entreprises les plus admirées par les analystes et cadres est aussi un signe important) , mais aussi qu'elle risque de donner mal au coeur à ceux qui sont secoués trop fort.

Si ces pratiques sont un avant goût de ce qui va se généraliser dans les entreprises, il est évident que nombreux sont ceux qui n'y sont pas parfaitement préparés. Et puis, quelle place, dans un tel monde, pour ceux qui ont envie de vivre doucement, de prendre leur temps, de ne pas se stresser au boulot ?

Est ce que nos entreprises et leurs managers ne seraient pas comme notre réseau ferroviaire : les lignes TGV, pour les accros de vitesse, ceux qui vont vite, les champions de la mondialisation, et puis les lignes TER, pour ceux qui aiment plus de tourisme et prendre leur temps, les compétiteurs plutôt de niveau régional.

Mais combien de temps dureront les managers TER ?