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Moeurs outrancières ?

Ambitious Un lecteur attentif des posts de ce blog rapporte dans un commentaire, à propos de la confiance, avoir "du mal à percevoir le rôle des objectifs agressifs sur la confiance". Une bonne occasion d'y revenir.

Il peut sembler en effet un peu tordu de considérer que, pour créer la confiance entre les collaborateurs et vis à vis de l'entreprise, il faille se donner des objectifs agressifs à atteindre.

Pourtant, observons ces entreprises où la recherche de progrés, la culture du résultat à atteindre, a disparu ou n'existe pas, ou le développement de l'entreprise se fait sans trop de pression, de façon, disons, modérée : que s'y passe-t-il ?

Une morne somnolence où les collaborateurs vivent leur journée de travail comme un mauvais moment à passer, avant la vraie vie, les passions privées.Il est clair que dans un tel environnement, chacun s'occupe de ses petites histoires, et que la "confiance" entre les uns et les autres a du mal à s'instaurer.

Alors, oui, se mettre d'accord, ensemble, sur une ambition et des résultats à atteindre, cela facilite certainement l'émulation, et la volonté de réussir ensemble.

Il suffit de constater comment, dans les situations de crise grave : les personnes oublient leurs soucis individuels et se donnent ensemble, en confiance, à l'atteinte du but . Pensons au cas extrême du comportement des passagers du vol du 11 septembre, et tous ces films où la solidarité face à la catastrophe devient trés forte.

Alors, on peut se dire que, si un tel élan de confiance est possible dans des cas de crise ou de catastrophe, il serait encore plus utile de pouvoir le faire naître dans des situations plus positives de détermination d'une ambition pour l'entreprise, c'est à dire avant d' y être contraint par la crise.

Les Echos du 20 février citaient sur ce thème l'exemple de Lafarge, qui "imprègne ses salariés de la culture du résultat".

De quoi s'agit-t-il ?

Un directeur d'usine explique comment il ressent ce "passage d'une culture de l'effort à une culture du résultat". Cela se traduit "par un accroissement de la pression sur l'ensemble des salariés, mais c'est stimulant".

Et puis, cette façon de manager, elle correspond aussi à une forte délégation : une fois l'ambition et le rêve partagé, les moyens, le comment, n'ont pas besoin d'être préparés en détails : chacun a la liberté des modalités, et là encore, cela faicilite la confiance.

Citons encore le témoignage des cadres de Lafarge dans cet article :

" Une fois les objectifs mondiaux fixés par la direction à Paris, chaque business unit (il y en a 150 dans le monde), chaque direction et chaque usine doit non seulement se les approprier, mais les mettre en application en fonction des meilleurs critères locaux. On nous montre la voie, mais chacun est responsable des objectifs à atteindre. C'est une société où rapidement on vous responsabilise et on vous fait confiance"

La confiance, c'est en effet aussi "faire confiance".

Ce week-end, Le Figaro magazine rend compte d'une enquête effectuée auprés de 85 chefs d'entreprises de plus de 2000 salariés, sur cette confiance.

Une question est: "Dans votre entreprise, avez-vous particulièrement confiance dans....

- les membres du Comité de Direction : OUI à 97%

- les cadres, le management intermédiaire : OUI, à 60%

- les non-cadres (employés, ouvriers) : OUI, à 73%

Et le journal de rapporter les témoignages de patrons tout souriants et contents d'avoir aussi bien répondu...

Derrière ce discours convenu, on ne peut qu'être interpellé par le fait que la population pour laquelle cette confiance est la moins déclarée, c'est précisément celle des cadres et du management intermédiaire,

Et les commentaires indiquent bien combien l'ambition et la créativité impulsées par le haut ont d'impact.

Et puis, que seraient une entreprise, et ses collaborateurs, où les objectifs resteraient non ambitieux, c'est à dire ...modérés ? Et vaut-il mieux faire confiance à des collaborateurs ambitieux ou à des collaborateurs modérés ?

Cela me rappelle une définition de Tony Duvert, dans son "abécédaire malveillant" (1989) :

"Qu'est-ce-qu'un homme modérémént intelligent ? Un idiot. Modérément honnête ? Un escroc. Modérément beau, il est vilain. Modérément savant, il est ignare. Modérément poli, c'est un goujat. Modérément sobre, c'est un ivrogne. S'il vous aime modérément, il vous hait. S'il travaille modérément, il ne fait rien. Les modérés ont des moeurs outrancières".

Alors, pour développer la confiance, impulsons les grandes ambitions qui nous préserveront de ces moeurs outrancières dans nos entreprises.


Où sont les graines d'entrepreneurs ?

Course_1 J'ai déjà parlé de cet esprit d'entreprise, dont certains pensent qu'il est d'origine génétique.

C'est pour témoigner et faire entrer cet esprit d'entreprise dans les collèges et lycées que mon ami Philippe Hayat a créé l'association "100.000 entrepreneurs".

J'étais un ambassadeur de cette association cette semaine dans un collège de Sarcelles, face à une classe de 3ème de ZEP.

L'accueil par le principal est plutôt chaleureux. Elle voit d'un bon oeil cette entrée du monde de l'entreprise dans le collège.

Elle me présente le collège, dont elle attend la destruction - reconstruction depuis plusieurs années, le financement par le Conseil Général se faisant un peu attendre. Elle évoque "le bâtiment datant de 1968, vétuste. Isolation thermique et phonique déplorable; on entend les cours d'à côté à travers les cloisons. Peut être croit elle que je vais faire un don ? Je demande combien coûte cette opération de reconstruction; "des milliards" me dit-elle...Elle y va sûrement un peu fort; ...ou peut être cinq Millions...en fait elle n'en sait rien.

Elle me parle aussi des soucis qu'elle a avec les "adultes", les différents statuts, ceux payés par le Conseil Général, ceux de l'Education Nationale, les jalousies, les conflits,les petites exigences égoïstes de chacun ...ça n'a pas l'air facile d'être principal de collège.

Finalement, les plus faciles, ce sont les élèves. Elle m'explique les filières, les options, avec plein de sigles, je n'y comprends rien...Comment font les élèves pour s'y retrouver ?

Je vais rencontrer une classe spéciale, avec option "Découverte Professionnelle", elle a d'abord dit quelque chose comme DP3, il a fallu que je fasse traduire dans ma langue...

Dans cette classe, sont orientés les élèves en difficulté, faibles dans les matières générales, et que l'on aide dans un projet professionnel. Ils sont faibles dans les matières générales mais, me dit-elle, "trés créatifs et trés motivés". J'ai hâte d'y être.

Elle me présente le professeur qui va m'accompagner, une jeune fille qui a l'air toute douce.

Entrée dans la "salle de réunion", ainsi appelée par le principal, où les élèves entrent peu aprés; ils sont quinze.

" Asseyez-vous ! Enlevez vos manteaux ! Mademoiselle, enlevez cette écharpe ! Sortez un crayon, vous en aurez besoin pour écrire ! etc...". Oui, apparemment, pour parler à ces élèves, il faut de l'autorité. Je me prend à essayer d'imaginer à quels résultats j'arriverai si je m'adressais aux collaborateurs de mon entreprise avec un ton pareil...

Dans cette classe de quinze, il y a pratiquement autant de filles que de garçons (ils ont dû le faire exprés ?), une moitié de noirs, une moitié majoritairement d'origine maghrébine. Le tout est trés souriant, trés dynamique.

Présentation du principal et du professeur, et c'est parti !

"Qui parmi vous sait ce qu'est une entreprise et voudrait un jour être entrepreneur ?" . Six doigts se lèvent. Les questions fusent, les échanges sont trés nourris.

"Monsieur, est ce que vous êtes riche ?", "Monsieur, est ce qu'il faut mentir pour trouver des clients et être entrepreneur ?", "Monsieur, pour gagner plus, il vaut mieux pas déclarer les employés, n'est-ce-pas ?" (ils ont entendu ça quelque part, sans trop savoir de quoi il s'agit), ...

Est-ce que les filles peuvent réussir aussi bien que les garçons ? Non, disent les garçons; mais si, disent les filles, qui sont les plus acharnées et volontaires dans ces échanges.

Le jeu des questions et des réponses, mon propre témoignage sur mon histoire, permettent de vivre les étapes de la création d'une entreprise, de comprendre ce que c'est que d'être entrepreneur.

"Monsieur, ça sert à quoi ce qu'on apprend à l'école pour être entrepreneur ?". Et on parcout les matières. Les maths, ça se voit tout de suite, ils n'aiment pas trop; Alors on parle de tous les calculs qu'il faut faire quand on est entrepreneur : "monsieur, c'est la calculatrice qui fera ça"; il faut expliquer, échanger. Et le français ? l'orthographe ? "Monsieur, ça sera la secrétaire qui fera ça, moi je serai le patron !"; oui , mais qui fait le courrier, la secrétaire ou le patron ? etc... En fait ils se projettent facilement dans un rôle de patron qui commande, qui embauche, qui négocie avec ses clients, qui gagne plus que les autres, qui prend les décisions,...ils s'y voient déjà. Avec beaucoup de clichés.

Progressivement, les concepts deviennent plus clairs.

Est-ce qu'il faut prendre des risques pour être entrepreneur ? OUI; Et ça vaut la peine ? OUI, car on peut gagner plus...L'argent revient souvent dans les remarques et questions. On redécouvre le sens de l'effort : pour être entrepreneur, il va falloir, ils pensent, travailler plus, mais ils en ont envie.

Au bout d'une heure à peine, le professeur, la jeune fille toute douce , quitte la salle...Un autre vient la remplacer (surveilllant ? professeur ? il ne se présente pas;il se met dans un coin aussi) . Il a l'air de s'intéresser aux échanges; il pose quelques questions; il viendra à la fin me parler d'un projet "à l'étranger" qu'il aimerait me présenter...Encore un entrepreneur..

Les échanges reprennent.

Parfois, certains élèves s'agitent un peu plus, ou n'écoutent plus, et puis une question, une remarque, leur fait de nouveau dresser l'oreille, et ils reviennent dans le cercle. Progressivement, chacun va trouver quelque chose qui parle de lui dans ces histoires d'entrepreneurs en herbe.

A la fin, on refait le test :

Combien d'entre vous aimeraient un jour être entrepreneur ? 12 doigts se lèvent sur les 15 !

Des projets, ils en ont : entreprendre dans la coiffure, la cuisine, la restauration, faire travailler des plombiers,des comptables, une concession automobile, carosserie, peinture, électricité,...

Et ils en parlent avec conviction et assurance, les yeux pétillants, l'envie de réussir, de s'en sortir.

J'aimerais conseiller cette expérience à tous ceux qui nous parlent de "désespoir des jeunes", qu'il faut "assister".

De retour à Paris, j'ai rendez-vous avec un jeune en préparation HEC qui est venu me voir dans mon entreprise afin que je lui présente ce que c'est que l'entreprise, en général.  Il se pose des questions : "toutes ces études qu'il fait, c'est dur, et il ne sait pas trop où ça va le mener.."; il est inquiet, un peu perdu "Est-ce que HEC c'est mieux que l'ESSEC ?"; Il aimerait faire un stage cet été, mais il ne sait pas trop où chercher, ni comment. Est-ce qu'il aimerait travailler dans une entreprise ? Il ne sait pas non plus. Et il voudrait faire quoi ? Il ne sait pas plus...qu'est ce qui l'intéresse ? Il dit "Tout", et j'entend "Rien".

Je lui présente quelques collaborateurs de mon entreprise; il écoute en silence..Non, il n'a pas de questions. Il n'est pas sûr que tout ça l'intéresse...

Qu'est ce que tu aimes dans ce que tu fais ? Il aime la philo..et les maths (il a un grand sourire quand il en parle)..

Et tu aimerais faire quoi dans une entreprise demain ? Bof, il ne sait pas.."être créatif", me dit il..."mais c'est pas assez concret, on m'a dit"...

Je lui parle d'entrepreneur; il me regarde un peu étonné...Je viens d'utiliser un mot dont il ignore la signification...

Finalement, les plus faciles à sensibiliser à l'esprit d'entreprise ne sont pas toujours ceux que l'on croit.


Les Iznogoud de l'Entreprise

Iznogoudcalife Ce personnage Iznogoud, on le connaît tous . Il veut être calife à la place du calife.

Dans l'entreprise, ils ne sont pas tous aussi fourbes et méchants, mais on en connaît aussi pas mal, non ?

Pourtant, derrière ces comportements et ces manoeuvres, que de drames et de problèmes dans le fonctionnement des organisations.

Prenons l'exemple des Directions Financières : la conjoncture est apparemment préoccupante.

De quoi sont composées la plupart des Directions financières de Groupes moyens ou grands ? :

De collaborateurs qui ont généralement fait une école de commerce, puis quelques années dans un cabinet d'audit, ou bien des experts comptables. Et puis, d'année en année, ils espèrent passer d'un poste de contrôleur de gestion, à responsable de quelque chose dans une Direction financière, et puis aprés il y a la place du vrai calife : Directeur Financier. En faisant jouer le jeu de lacompétition interne, ou en changeant d'entreprise, tous les Iznogoud sont en action...

Et c'est là que ça se gâte :

Antoine Reverchon, dans un article paru dans Le Monde daté du 6 février 2007, révèle le pot aux roses, en faisant remarquer :

" la forte probabilité d'être "coiffé au poteau" par un cadre supérieur issu des filières de reproduction habituelles de l'élite dirigeante française : un polytechnicien ou un énarque passé par un grand corps d'Etat et, de préférence, un cabinet ministériel venu pantoufler au sommet d'une grande entreprise".

Voilà, c'est dit, et c'est vrai que cette situation est fréquente.

Elle est d'autant plus compliquée que la tendance, dans pas mal d'entreprises, c'est pas d'augmenter les postes d'encadrement intermédiaires de cette fonction financière : de nombreux DRH que je rencontre anticipent plutôt des baisses de 20 à 30% dans les années à venir. Les opérations de fusions, de créations de centres de services partagés (qui permettent d'exporter les comptabilités en Inde ou en Indonésie), et même d'outsourcing dans des entreprises spécialisées , tout ça, c'est moyennement bon pour les Iznogouds....

Alors, évidemment, si le malheur des autres est pour certains une consolation à leur propre malheur, la fonction financière est le parfait endroit, car celui qui a obtenu la place de Directeur Financier découvre assez vite qu'il est encore un Iznogoud; le vrai calife, c'est ...LE DIRECTEUR GENERAL.

On pourrait penser qu'il a plus de chances, car on nous répète partout que la fonction financière est devenue clé dans le management des entreprises, que les opérations de fusion, justement, l'importance de la communication financière avec les actionnaires, etc... Tout ça c'est bon pour que le Directeur Financier prenne la place d'un calife, non ?

La situation existe, forcément, et une enquête récente de Mac Kinsey et Whitehead Mann indique que 20% des Directeurs Généraux en Angleterre et aux Etats Unis ont été auparavant Directeurs Financiers. Badaboum, en France la proportion n'est que de ...5%. Aïe, Aïe, Aïe, pauvre Iznogoud...

Peut être la situation est-elle en train de changer, et on voit quand même des cas où un Directeur Financier devient DG ( par exemple, la semaine dernière le DAF de PSA, Yann Delabrière, qui passe CEO de Faurecia, filiale Equipementier du même Groupe), mais l'article du Monde, avec le témoignage d'un chasseur de têtes "bon connaisseur du CAC 40", met le doigt sur un phénomène encore plus pervers :

" Depuis que les DAF sont devenus des tremplins pour arriver à la tête des grands groupes, les présidents en place se méfient des ambitieux qui souhaitent venir occuper cette fonction : ils peuvent préférer y nommer un technicien dont les ambitions, plus modestes, seront comblées par un tel poste! ".

Et voilà peut être de quoi rassurer les Iznogouds d'en bas....Et décourager ceux d'en haut...

Devant une telle impasse, les enquêteurs de Mac Kinsey et Whitehead Mann sont allés interviewer un  calife, le PDG de Carrefour, José Luis Duran, pour lui demander les conseils pour permettre aux Directeurs Financiers de se préparer et d'augmenter leurs chances de devenir DG.

En gros, il conseille au Directeur Financier de s'intéresser au business, à autre chose qu'aux chiffres, d'apprendre à déléguer.

Et puis, il termine par un conseil aux dirigeants, aux califes des Iznogoud actuellement Directeurs Financiers. Je laisse la réponse en anglais :

" My advice to any CEO who has a purely technical CFO would be, first, to give your CFO the opportunity to be much more active in the business - to understand inventory control and the supply chain, from supplier to shop floor - in order to better understand the business. If it doesn't work, then change CFOs as quickly as possible " .

On sent bien que la culture est moins franco-française dans cette entreprise.

Et que les temps sont durs pour les Iznogouds des Directions Financières, où qu'ils soient, mondialisation oblige..

Il est sûrement devenu crucial pour eux de prendre un peu de temps pour regarder devant soi, et de considérer de manière stratégique l'avenir de la Direction Financière où ils travaillent, où qu'ils dirigent, l'avenir de leurs collaborateurs, et leur avenir personnel. Quels sont les "clients", les "partenaires" de la Direction Financière, et que faut il faire pour les satisfaire ?Les talents qui auront de la valeur dans ces fonctions, quels sont ils ? et comment les développer ou les acquérir ? Quel est le vrai capital immatériel d'une Direction Financière ?

Combien le font ?

Probablement pas assez, compte tenu des prévisions météo que nous font les "experts"...

Pas facile d'être Iznogoud, ni Calife d'ailleurs !


Aie confiance !

Kaamowgli La chronique de Jean-Marc Le Gall dans Le Monde daté du 30 janvier dernier avait pour thème un sujet dont on parle beaucoup dans les discours d'entreprise : la confiance.

En effet, quel manager ou dirigeant ne rêve pas de cette valeur inestimable de "confiance collective" parmi ses collaborateurs, cette solidarité qui donne envie de faire ensemble des grandes choses, de toujours s'entraider, le bonheur quoi..

" Nouveau vocabulaire de la mobilisation, la confiance a l'avantage de paraître humaniser l'entreprise, en instrumentalisant une vertu qui relève habituellement de l'appréciation personnelle et du libre arbitre de chacun. Pourtant, "la confiance, ça ne s'explique pas", entend-on fréquemment, manière de souligner qu'elle ne peut se décréter, étant considérée comme la résultante d'une relation vécue au jour le jour, à travers les décisions et les comportements observés."

La confiance, on l'a compris, notre chroniqueur...ne lui fait pas trop confiance.Ce qu'il met en doute, c'est cette croyance qu'elle est une affaire de comportement.

"Faire reposer la confiance sur le seul comportement des dirigeants ne suffit pas, car s'ils changent, tout peut être remis en question".

La chronique s'arrête là, et n'évoque pas de solutions concrètes.

Mais il est facile de la prolonger, tant ce sujet est d'actualité dans les entreprises et organisations, sans parler de la situation politique actuelle, où tous les candidats se transforment en KAA pour nous dire, comme à Mowgli, "Aie Confiance !"...

En fait l'entreprise où la confiance a disparue, voire même n'a jamais existée, on sait bien comment elle est organisée, ses pratiques sont facilement reconnaissables :

- il y a toujours un manager qui veut contrôler tout ce que vous faites,

- il y a toujours un manuel de procédures volumineux qui explique ce qu'il faut faire dans toutes (toutes ?) les situations,

- on peut virer les personnes, ou les sanctionner, notamment les managers, sans avertissement,

- on y tient de nombreuses réunions où la plupart ne sont pas conviés; seuls quelques "happy few" sont dans le secret,

Oui, ces manières de faire, elles cassent toute possibilité de confiance, et les discours sur les valeurs et la confiance des chefs ne serviront à rien, sauf à rendre encore plus méfiants les salariés.

En fait, baser le fonctionnement de l'entreprise sur la confiance n'est pas une affaire de discours, mais une véritable révolution du management, que nombreux n'ont jamais commencée.

Les comportements, les style de leadership, la culture, ont un rôle important.

Mais l'architecture de l'organisation est aussi un facteur-clé. Robert Bruce Shaw, dans son ouvrage "Trust in the balance", a bien synthétisé ce point, et est une référence utile pour ceux qui se trouvent confrontés à ce problème de manque de confiance dans leur entreprise, ou dans leurs équipes.

Cette liste est aussi un bon test de la vérité sur la capacité de l'organisation à stimuler la confiance.

Elle comprend six points :

1. Fixer des objectifs opérationnels trés aggressifs : Le meilleur moyen de fondre les individualités dans un but commun et partagé est de fixer un but, un rêve, une vision (on y revient), qu les collaborateurs veulent atteindre collectivement. Attention cependant de ne pas fixer des buts qu'on ne sentirait pas capable d'atteindre, qui ne soit pas assez crédible; cela risquerait alors de créer la suspicion. En fait, cette étape de fixation des objectifs est sûrement la plus délicate.

2. Aligner les engagements de chacun par rapport au niveau de performance fixé :Les organisations où se développent des relations de confiance entre les collaborateurs sont celles où chacun connaît ses responsabilités et celles des autres; où les indicateurs qui mesureront les contributions sont clairs et suivis.Il ne s'agit pas de mettre en place des tableaux de bord sophistiqués, ni de définir à chaque niveau comment il faut faire pour atteindre les objectifs, mais au contraire de fixer les points de repère importants, qui laisseront ensuite la place à l'initiative individuelle et collective pour atteindre ces objectifs;

3.Créer des structures véritablement responsables : Les entreprises où se développe un sentiment général de méfiance sont celles où les unités opérationnelles, et notamment celles le plus proche du client ou de la production, sentent piégées entre des objectifs de performance qui leur tombent sur le dos sans discussion, et le manque de moyens ou d'autorité qui leur sont délégués.Cela ne peut que créer de nombreuses frustrations, et faire beaucoup de dégâts. En fait, la solution organisationnelle, et nombreux dirigeants l'ont compris, consiste à créer des unités le plus autonomes possibles, maîtres de leurs moyens et modes d'action, ce que l'on appelle les Business Units dans les grands groupes; mais ce principe s'applique aussi lorsqu'il s'agit de faire fonctionner des unités plus petites : pour les rendre efficaces, pourquoi ne pas les couper en deux ou trois groupes autonomes ? Celà est d'autant plus facile bien sûr que le point 1 sur le but commun est bien appliqué. Car il serait tout aussi dangereux de laisser une multitude d'entités autonomes fonctionner de manière complètement incohérente et sans éthique commune, comme on l'a vu lors la crise, par exemple, chez Altran.

4. Assurer les meilleurs talents :  c'est une évidence, mais on l'oublie parfois : pour faire fonctionner une telle organisation basée sur la confiance, avec les niveaux de décentralisation des responsabilités qui vont avec, il n'est pas possible d'avoir des collaborateurs médiocres. Les entreprises qui s'engagent dans cette voie sont donc trés soucieuses de mettre en place les processus qui permettent d'acquérir et de développer les meilleurs talents. Trois facteurs clés y contribuent :

- le process de recrutement, sélection, et aussi la politique de mobilité interne, qui permet de faire diffuser la culture, les comportements, les valeurs, les bonnes pratiques partout dans l'entreprise, de manière transversale;

- le process de développement, de formation, de gestion des carrières,

- le process qui permet de prendre les décisions dures envers ceux qui ne correspondent pas aux exigences de performance ou de comportement de l'entreprise : gérer trop durement, ou au contraire ne jamais oser prendre de décisions sur ce terrain, dans les deux cas c'est le signe que l'on est en train de tuer doucement la confiance des autres, ceux qui ont l'impression qu'on tolère trop de médiocrité dans leur environnement professionnel, ou que leurs managers sont des lâches, ou des salauds.

5. Mettre en place et maintenir des systèmes de partage d'information :  la dissimulation, le secret, voire pire, le mensonge, tout ça, on le sait, c'est pas très bon pour la confiance.Les organisations performantes sont plutôt celles où les informations, les données financières sur les résultats, circulent facilement, et notamment entre les niveaux hiérarchiques directs. On ne parle pas ici seulement des systèmes informatiques, ou "décisionnels", mais des pratiques de management, de dialogue, et aussi du développement de la culture économique, de la pédagogie sur les mécanismes financiers de l'entreprise.

6. Instituer les contrôles stratégiques rigoureux minimum : on ne parle pas ici de mettre en place des contrôles tâtillons sut tout et n'importe quoi, mais au contraire de sélectionner les règles minimales qui feront la bonne gouvernance de l'entreprise, qui garantiront l'excellence, l'éthique. Le rôle du conseil d'administration, des administrateurs indépendants, des comités d'audit ou des rémunérations , tous ces dispositifs contribuent aussi à cette organisation de confiance.

Ces six principes ont l'air simples, mais c'est justement quand l'un d'eux n'est pas respecté que la confiance disparaît.

Ils nous rappellent que la confiance commence par la définition de l'organisation elle-même : ces principes sont le moyen de libérer les réserves de confiance dans l'entreprise, celles qui lèveront toutes les résistances au changement ou à l'innovation qui empêchent d'atteindre les objectifs de performance.

Ils nous alertent aussi sur tous les faux remèdes basés sur les discours, les séminaires de toutes sortes, les armadas de coachs appelés à la rescousse. Tous ces moyens ne pourront être utiles qu'une fois les bases organisationnelles saines en place.

Ce travail d'architecte, il est de la responsabilité du dirigeant, du conseil d'administration, du comité de direction : l'oublier, et s'en remettre aux marchands de paroles pour faire venir la confiance, c'est comme de souffler sur la maison des trois petits cochons : elle s'écroule.....