Où sont les graines d'entrepreneurs ?
17 février 2007
J'ai déjà parlé de cet esprit d'entreprise, dont certains pensent qu'il est d'origine génétique.
C'est pour témoigner et faire entrer cet esprit d'entreprise dans les collèges et lycées que mon ami Philippe Hayat a créé l'association "100.000 entrepreneurs".
J'étais un ambassadeur de cette association cette semaine dans un collège de Sarcelles, face à une classe de 3ème de ZEP.
L'accueil par le principal est plutôt chaleureux. Elle voit d'un bon oeil cette entrée du monde de l'entreprise dans le collège.
Elle me présente le collège, dont elle attend la destruction - reconstruction depuis plusieurs années, le financement par le Conseil Général se faisant un peu attendre. Elle évoque "le bâtiment datant de 1968, vétuste. Isolation thermique et phonique déplorable; on entend les cours d'à côté à travers les cloisons. Peut être croit elle que je vais faire un don ? Je demande combien coûte cette opération de reconstruction; "des milliards" me dit-elle...Elle y va sûrement un peu fort; ...ou peut être cinq Millions...en fait elle n'en sait rien.
Elle me parle aussi des soucis qu'elle a avec les "adultes", les différents statuts, ceux payés par le Conseil Général, ceux de l'Education Nationale, les jalousies, les conflits,les petites exigences égoïstes de chacun ...ça n'a pas l'air facile d'être principal de collège.
Finalement, les plus faciles, ce sont les élèves. Elle m'explique les filières, les options, avec plein de sigles, je n'y comprends rien...Comment font les élèves pour s'y retrouver ?
Je vais rencontrer une classe spéciale, avec option "Découverte Professionnelle", elle a d'abord dit quelque chose comme DP3, il a fallu que je fasse traduire dans ma langue...
Dans cette classe, sont orientés les élèves en difficulté, faibles dans les matières générales, et que l'on aide dans un projet professionnel. Ils sont faibles dans les matières générales mais, me dit-elle, "trés créatifs et trés motivés". J'ai hâte d'y être.
Elle me présente le professeur qui va m'accompagner, une jeune fille qui a l'air toute douce.
Entrée dans la "salle de réunion", ainsi appelée par le principal, où les élèves entrent peu aprés; ils sont quinze.
" Asseyez-vous ! Enlevez vos manteaux ! Mademoiselle, enlevez cette écharpe ! Sortez un crayon, vous en aurez besoin pour écrire ! etc...". Oui, apparemment, pour parler à ces élèves, il faut de l'autorité. Je me prend à essayer d'imaginer à quels résultats j'arriverai si je m'adressais aux collaborateurs de mon entreprise avec un ton pareil...
Dans cette classe de quinze, il y a pratiquement autant de filles que de garçons (ils ont dû le faire exprés ?), une moitié de noirs, une moitié majoritairement d'origine maghrébine. Le tout est trés souriant, trés dynamique.
Présentation du principal et du professeur, et c'est parti !
"Qui parmi vous sait ce qu'est une entreprise et voudrait un jour être entrepreneur ?" . Six doigts se lèvent. Les questions fusent, les échanges sont trés nourris.
"Monsieur, est ce que vous êtes riche ?", "Monsieur, est ce qu'il faut mentir pour trouver des clients et être entrepreneur ?", "Monsieur, pour gagner plus, il vaut mieux pas déclarer les employés, n'est-ce-pas ?" (ils ont entendu ça quelque part, sans trop savoir de quoi il s'agit), ...
Est-ce que les filles peuvent réussir aussi bien que les garçons ? Non, disent les garçons; mais si, disent les filles, qui sont les plus acharnées et volontaires dans ces échanges.
Le jeu des questions et des réponses, mon propre témoignage sur mon histoire, permettent de vivre les étapes de la création d'une entreprise, de comprendre ce que c'est que d'être entrepreneur.
"Monsieur, ça sert à quoi ce qu'on apprend à l'école pour être entrepreneur ?". Et on parcout les matières. Les maths, ça se voit tout de suite, ils n'aiment pas trop; Alors on parle de tous les calculs qu'il faut faire quand on est entrepreneur : "monsieur, c'est la calculatrice qui fera ça"; il faut expliquer, échanger. Et le français ? l'orthographe ? "Monsieur, ça sera la secrétaire qui fera ça, moi je serai le patron !"; oui , mais qui fait le courrier, la secrétaire ou le patron ? etc... En fait ils se projettent facilement dans un rôle de patron qui commande, qui embauche, qui négocie avec ses clients, qui gagne plus que les autres, qui prend les décisions,...ils s'y voient déjà. Avec beaucoup de clichés.
Progressivement, les concepts deviennent plus clairs.
Est-ce qu'il faut prendre des risques pour être entrepreneur ? OUI; Et ça vaut la peine ? OUI, car on peut gagner plus...L'argent revient souvent dans les remarques et questions. On redécouvre le sens de l'effort : pour être entrepreneur, il va falloir, ils pensent, travailler plus, mais ils en ont envie.
Au bout d'une heure à peine, le professeur, la jeune fille toute douce , quitte la salle...Un autre vient la remplacer (surveilllant ? professeur ? il ne se présente pas;il se met dans un coin aussi) . Il a l'air de s'intéresser aux échanges; il pose quelques questions; il viendra à la fin me parler d'un projet "à l'étranger" qu'il aimerait me présenter...Encore un entrepreneur..
Les échanges reprennent.
Parfois, certains élèves s'agitent un peu plus, ou n'écoutent plus, et puis une question, une remarque, leur fait de nouveau dresser l'oreille, et ils reviennent dans le cercle. Progressivement, chacun va trouver quelque chose qui parle de lui dans ces histoires d'entrepreneurs en herbe.
A la fin, on refait le test :
Combien d'entre vous aimeraient un jour être entrepreneur ? 12 doigts se lèvent sur les 15 !
Des projets, ils en ont : entreprendre dans la coiffure, la cuisine, la restauration, faire travailler des plombiers,des comptables, une concession automobile, carosserie, peinture, électricité,...
Et ils en parlent avec conviction et assurance, les yeux pétillants, l'envie de réussir, de s'en sortir.
J'aimerais conseiller cette expérience à tous ceux qui nous parlent de "désespoir des jeunes", qu'il faut "assister".
De retour à Paris, j'ai rendez-vous avec un jeune en préparation HEC qui est venu me voir dans mon entreprise afin que je lui présente ce que c'est que l'entreprise, en général. Il se pose des questions : "toutes ces études qu'il fait, c'est dur, et il ne sait pas trop où ça va le mener.."; il est inquiet, un peu perdu "Est-ce que HEC c'est mieux que l'ESSEC ?"; Il aimerait faire un stage cet été, mais il ne sait pas trop où chercher, ni comment. Est-ce qu'il aimerait travailler dans une entreprise ? Il ne sait pas non plus. Et il voudrait faire quoi ? Il ne sait pas plus...qu'est ce qui l'intéresse ? Il dit "Tout", et j'entend "Rien".
Je lui présente quelques collaborateurs de mon entreprise; il écoute en silence..Non, il n'a pas de questions. Il n'est pas sûr que tout ça l'intéresse...
Qu'est ce que tu aimes dans ce que tu fais ? Il aime la philo..et les maths (il a un grand sourire quand il en parle)..
Et tu aimerais faire quoi dans une entreprise demain ? Bof, il ne sait pas.."être créatif", me dit il..."mais c'est pas assez concret, on m'a dit"...
Je lui parle d'entrepreneur; il me regarde un peu étonné...Je viens d'utiliser un mot dont il ignore la signification...
Finalement, les plus faciles à sensibiliser à l'esprit d'entreprise ne sont pas toujours ceux que l'on croit.
Très jolie chronique. Félicitations aux entrepreneurs-ambassadeurs, aux profs qui (enfin !) leur font bon accueil. Et bravo aux élèves, qui incarnent la vie :-)
Rédigé par : Lionel | 19 février 2007 à 11:17
Bonjour à vous,
Juste pour vous dire que j'ai lu un article recemment sur salondesentrepreneurs.com traitant du meme sujet, voila c'était juste pour renseigner les eventuels interessés.
Rédigé par : rom1 | 21 mars 2007 à 18:29
Bonjour,
Travaillant pour un nouveau projet télévisé, je souhaite savoir si vous connaissez les jumeaux dont vous avez mis la photo sur votre blog ?
je vous remercie par avance,
Priska.
Rédigé par : Priska | 03 avril 2007 à 17:10