L'élégance de la simplicité
21 janvier 2007
J'ai déjà fait référence à cet ouvrage de Chip et Dan Heath, "Made to stick", sur les six principes pour faire "sticker" les idées.
Un lecteur assidu a repris celle-ci, et fournit un commentaire sur son blog, Agora.
Parmi ces principes le premier est : Simplicité.
Et là, mon lecteur, qui n'a pas lu le livre, est intrigué par cette règle. Il mélange dans son commentaire simplicité et idée simple, point que mettent justement en évidence nos deux auteurs ...
En effet, pour tous ceux qui pensent bien, la bonne pensée, c'est la pensée compliquée - eux, ils diront complexe, c'est plus chic- celle qui n'est pas accessible à l'idiot moyen, mais réservée à une élite, qui comprend. Alors que la simplicité, on le sait bien, c'est l'affaire des imbéciles, ceux à qui il faut cacher les choses importantes, à qui il faut parler comme à un débile mental. Oui, la simplicité, c'est Simplet, ce nain de Blanche Neige tellement gentil mais tellement nunuche...
Alors, forcément, dire que la première règle pour faire "sticker" les idées, c'est la simplicité, ça fait peur, et mon lecteur nous le dit :
Est-on condamné à ne véhiculer que des idées simples et/ou simplifiées ?
Peut-on toujours réduire le complexe à des idées simples ?
Dire que pour faire "sticker" les idées, ce qui veut aussi dire, concrètement,, pousser à l'action, il faut de la simplicité, cela pourrait effectivement évoquer cette recherche du plus petit commun dénominateur qui fera qu'on sera compris de tout le monde, et que l'on serait condamné, pour se faire comprendre, à parler comme un abruti et à n'avoir que des idées toutes bêtes.
D'où la tendance de certains dirigeants et managers à adopter ce type de communication : je t'explique, mais n'en demande pas trop, et je ne te dis pas tout, tu ne comprendrais pas (laisses moi être ce magicien d'Oz avec ses mystères..).
Tout faux !
En fait, quand on parle de simplicité, et c'est le sens de la thèse des frères Heath, il ne s'agit pas de la simplicité de l'idée, mais du message de l'idée, même, justement, de la plus complexe.
Cette impression qu'il faut choisir entre être pertinent et ne pas être compris, ou être compris mais être obligé de dire des âneries, est une impression un peu trop.....simple.
A quoi sert-il d'avoir une super idée pertinente si elle ne produit aucun impact sur personne, si elle ne parle pas ?
En fait, peut importe la valeur ou la qualité de l'idée, le sujet, c'est : Comment la faire passer ?
Et là c'est justement cette capacité à faire passer de manière simple et impactante les idées les plus complexes qui devient une qualité, et ce n'est pas si simple.
Exemple d'une compagnie aérienne citée par les auteurs, qui présente sa stratégie par quatre mots : "LA compagnie aérienne low-fare".
Bien sûr, ce n'est qu'un résumé, car cette vocation aux bas coûts elle pourrait l'exercer en ne faisant pas la maintenance des avions, ou en ne changeant pas les serviettes des repas. Non, elle ne fait pas ça, signe que la sécurité et la satisfaction des clients jouent aussi, mais en donnant ce message elle communique sur ce qui est le coeur de sa stratégie.
Et cela est utile. Le directeur du marketing envisage-t-il de proposer des repas plus variés sur les vols ? Ces quelques mots synthétisant la stratégie, "LA compagnie aérienne low fare" suffira à lui dire : NON, ce n'est pas conforme à notre stratégie.
C'est ça la règle de Simplicité : rechercher le coeur, la synthèse de l'idée (ici, la stratégie). Il faut donc peler son idée comme un oignon pour y trouver ce coeur, ce noyau, qui dira tout en en disant le minimum, comme un concentré. Cela suppose de bien savoir quelle est vraiment notre idée, et ce n'est pas le plus facile.Et ensuite de communiquer sur ce coeur que l'on a identifié, en laissant tout le reste.
Souvent, nous avons tellement envie de tout dire de notre..stratégie, notre...plan d'action, notre...opinion, que nous noyons l'autre et nous même dans trop de mots inutiles (rappelons nous le Père Noël..).
Être simple, c'est savoir être vif et percutant; "Baby talk" disent les américains. Mais dans ce "baby talk" il y a toute la maturité et toute la complexité de l'idée.
Simplicité, c'est aussi un message et un signe d'élégance : regardez la mode; ce qui est simple est toujours d'un chic, et communique beaucoup. Ce qui est compliqué, c'est la tenue vestimentaire du plouc, qui n'a pas su choisir son style, et qui empile les accessoires et marques, ressemblant à un clown mal fagotté.
La cuisine, c'est la même chose. La simplicité dans la cuisine est une valeur qui se vend et se paye cher
Alors, les idées, ce n'est pas différent.
Donc Simplicité : le coeur et l'élégance.
Rien de tel que les images, les métaphores, les analogies, les proverbes pour être simple et percutant. Et certains proverbes sont tellement forts qu'on s'en rappelle toute sa vie, alors que l'on est incapable de se rappeler la moindre idée du discours mal communiqué que l'on a entendu deux heures auparavant.
Les auteurs citent un exercice avec des étudiants de Stanford à qui ils ont demandés de faire des exposés et de se noter sur leur qualité : résultat, les meilleurs orateurs sont les mieux notés. Par contre, quand, deux heures aprés ils demandent de citer une idée qu'ils ont retenue dans ces exposés, la plupart ne se souviennent de rien. Les seuls dont on se souvient sont ceux qui ont été exprimés avec un message simple, et qui ont aussi appliqué les cinq autres principes de "Made to stick", qui permettent justement, une fois l'idée clairement formulée dans un message simple, de le transmettre dans les meilleures conditions de succés: Unexpectedness, Concreteness, Credibility, Emotional, Stories.
Oui, pour véhiculer des idées, et surtout les plus complexes, il faut un véhicule simple et élégant, mais qui nous emmènera trés loin....et votre idée sera comme une reine....ça fait envie non ?
God save your queens....
En toute élégance et simplicité, j'ai prolongé ton article, qui m'a aidé à formuler autrement ma vision des choses.
Par contre, dans cet échange, je joue avec un double handicap ; celui de ne pas avoir encore lu le livre et avant tout de ne pas pouvoir mettre "simplement" la main dessus.
En tous cas, il est vrai que mon premier article exprimait mal ma vision, "ma peur" et donnait trop l'impression qu'une idée simple reflétait un penser simple. J'ai donc abordé le sujet autrement en partant de la distinction entre complexe et compliqué :
http://www.managementagora.com/article-5349072-6.html
A bientôt
Rédigé par : La Chouette | 22 janvier 2007 à 01:02
Marcel Dassault disait : Ce qui est simple est efficace.
J'adore - Bien à vous,
Lionel
Rédigé par : Lionel | 23 janvier 2007 à 18:25