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Une pomme sur la tête de Newton

Newton On la connaît tous, cette histoire, et son illustration par Gotlib, de Isaac Newton et la pomme : boum, sur la tête, et youpi, l'idée géniale de la loi de la gravitation universelle est née.

Certains dirigeants d'entreprise aimeraient bien que la pomme de l'idée géniale leur tombe aussi sur la tête, pour trouver celle qui permettra de rendre l'entreprise super performante.

Alors, ils cumulent les études, les analyses, des processus, de l'organisation,...

Des projets, des recommandations sont ainsi formalisés : les idées viennent des dirigeants, de chefs de projets, de consultants, parfois un mélange de tout ça.

Et puis, aprés l'analyse, il n'y a plus qu'à mettre en oeuvre, et là, pour tout praticien de l'entreprise, que de mauvais souvenirs : rappelons-nous tous ces rapports et propositions qui n'ont jamais été suivis d'effets. C'est souvent une des plus grandes frustrations du management, ou de leurs conseillers, de voir ainsi leur bonnes idées rester dans les armoires, ou échouer lors des tentatives de mise en application (pour se consoler, on appelle ça "la résistance au changement"; oui, tous ces collaborateurs, quels veaux !!) .

Et pourtant , cette spirale de la non mise en oeuvre, des plans d'actions sans actions, on la voit continuer souvent. C'est ce fameux problème de l'Exécution...Et finalement ce ne sont peut être pas ces veaux de collaborateurs qui sont coupables, mais la façon avec laquelle on s'y prend...

Et si l'erreur, c'était de croire que pour tout problème il suffit de conduire, de manière planifiée et centralisée , sans trop dialoguer avec les collaborateurs qui sont opérationnellement sur les postes (ou alors juste pour les interroger sur leur travail, mais sans leur demander leur avis) une démarche linéaire bien huilée, trés scolaire et rationnelle : Diagnostic, état des lieux, analyse, solutions (celles qui émergent de l'analyse scientifique, comme une belle démonstration), mise en oeuvre....Oui, tous ces fantasmes sont le véritable poison de l'arrogance qui empêche de libérer les véritables énergies de l'excellence et de l'amélioration des performances. Rien ne vient comme ça comme un automatisme (Edgar Morin nous a prévenu pourtant).

Une des pistes pour s'en sortir, c'est de casser cette illusion que seuls les chefs et les consultants peuvent avoir de bonnes idées, et de mettre en place les dispositifs pour faire emerger et mettre en oeuvre des idées dans l'ensemble de l'entreprise, idées venant de TOUS les collaborateurs, et en premier lieu des managers et opérateurs de premier niveau, ceux qui sont en face du client ou sur l'outil de production toute la journée. Ces petites idées qui apportent de grands progrès quand elles se cumulent.

Ce sont ces systèmes, appelés SMI (Systèmes de Management des Idées) qu'analysent de manière trés convaincante deux universitaires, Isaac Getz et Alan G. Robinson, dans leur ouvrage "Vos idées changent tout !"

Le point de départ de ces approches : les idées les meilleures viennent du terrain, il suffit de les encourager et de les aider à se mettre en place. Les petites idées en grand nombre valent mieux que la super idée qui ne vient jamais.

Bien sûr cela suppose de nous décontaminer de quelques certitudes :

- NON, la solution n'est pas la "boîte à idées", où chaque idée est collectée et analysée par un comité de "gens qui savent mieux que tout le monde", se perd dans des procédures interminables, décourage d'en émettre d'autres...

- NON, il n'est pas nécessaire que deux ou trois niveaux de managers autorisent et contrôlent les idés; il faut surtout privilégier la rapidité de la mise en oeuvre (quelques semaines); les entreprises où le plus d'idées pour améliorer la performance sont mises en place avec efficacité sont celles où le niveau de contrôle est le plus réduit possible, voire inexistant : oui, mais en contrepartie, les collaborateurs connaissent et s'approprient la stratégie et les objectifs de l'entreprise, ce qui facilite le ciblage des idées qu'ils proposent. C'est donc sur la bonne formulation de cette stratégie et de ces objectifs que les managers doivent exercer leurs talents...

- NON, il ne faut pas rémunérer les idées : cela donnerait le sentiment que le travail normal consiste à ne rien proposer, et que les progrés, l'innovation, la créativité, si on le veut, il faut payer en plus !! Exactement ce qu'il faut pour déclencher des attitudes perverses où, par exemple, le collaborateur va être complice, et ne dira rien, des process mal foutus qui se mettent en place sous la direction du chef, afin de pouvoir, ensuite (c'est à dire trop tard) proposer une idée dont ils négocieront la rétribution...

- NON, le phénomène de "progrés permanent" n'est pas un processus naturel où, chaque fois qu'une chose doit être améliorée, il y aura toujours spontanément quelqu'un pour le proposer..C'est quelque chose qui nécessite un environnement adapté et un comportement managérial correct.

Il y a un autre fantasme qu'on entend parfois : c'est dans les moments difficiles, quand les profits disparaissent, quand les commandes baissent, que l'on a besoin de mettre en place des plans pour de nouvelles idées. Le reste du temps : Pourquoi casser quelque chose qui marche ? Et pourquoi s'embarasser de tels systèmes.

Il y a longtemps, les auteurs nous le démontrent, que les plus grandes entreprises industrielles, les plus performantes, ne croient plus à de telles bêtises (les entreprises citées en exemple sont Hewlett Packard, Delphi, Air France Industrie, Milliken, General Electric), mais on constate plus de retard dans les entreprises de service et les entreprises moyennes et petites. La France a l'air encore plus en retard que d'autres pays comme le Japon ou les Etats Unis, selon l'enquête des auteurs.

En fait, pour donner envie d'être performant, même et surtout quand "ça marche", il nous faut développer cette "attitude entreprenariale" indispensable à la croissance et à l'excellence. Et oui, on revient finalement toujours aux mêmes évidences, que nombreux ignorent.

Cela passe forcément par l'acceptation qu'il n'y a pas que les chefs qui ont toujours raison.

Getz et Robinson considèrent que :

"l'amélioration et l'innovation initiés et planifiés par le management (par exemple , rengineering, Six Sigma), laissent de côté  environ 80% d'idées spontanées. Ce n'est pas seulement du gaspillage, mais, en plus, les études ont démontré que les idées spontanées sont beaucoup plus créatives, vont plus loin, que les idées issues de démarches planifiées."

Un encouragement à ne pas trop passer de temps à trainer tout seul sous les pommiers...et à lire Getz et Robinson pour se donner l'envie et le courage de le faire.


L'élégance de la simplicité

Medium_simplet J'ai déjà fait référence à cet ouvrage de Chip et Dan Heath, "Made to stick", sur les six principes pour faire "sticker" les idées.

Un lecteur assidu a repris celle-ci, et fournit un commentaire sur son blog, Agora.

Parmi ces principes le premier est : Simplicité.

Et là, mon lecteur, qui n'a pas lu le livre, est intrigué par cette règle. Il mélange dans son commentaire simplicité et idée simple, point que mettent justement en évidence nos deux auteurs ...

En effet, pour tous ceux qui pensent bien, la bonne pensée, c'est la pensée compliquée - eux, ils diront complexe, c'est plus chic- celle qui n'est pas accessible à l'idiot moyen, mais réservée à une élite, qui comprend. Alors que la simplicité, on le sait bien, c'est l'affaire des imbéciles, ceux à qui il faut cacher les choses importantes, à qui il faut parler comme à un débile mental. Oui, la simplicité, c'est Simplet, ce nain de Blanche Neige tellement gentil mais tellement nunuche...

Alors, forcément, dire que la première règle pour faire "sticker" les idées, c'est la simplicité, ça fait peur, et mon lecteur nous le dit :

Est-on condamné à ne véhiculer que des idées simples et/ou simplifiées ?

Peut-on toujours réduire le complexe à des idées simples ?

Dire que pour faire "sticker" les idées, ce qui veut aussi dire, concrètement,, pousser à l'action, il faut de la simplicité, cela pourrait effectivement évoquer cette recherche du plus petit commun dénominateur qui fera qu'on sera compris de tout le monde, et que l'on serait condamné, pour se faire comprendre, à parler comme un abruti et à n'avoir que des idées toutes bêtes.

D'où la tendance de certains dirigeants et managers à adopter ce type de communication : je t'explique, mais n'en demande pas trop, et je ne te dis pas tout, tu ne comprendrais pas (laisses moi être ce magicien d'Oz avec ses mystères..).

Tout faux !

En fait, quand on parle de simplicité, et c'est le sens de la thèse des frères Heath, il ne s'agit pas de la simplicité de l'idée, mais du message de l'idée, même, justement, de la plus complexe.

Cette impression qu'il faut choisir entre être pertinent et ne pas être compris, ou être compris mais être obligé de dire des âneries, est une impression un peu trop.....simple.

A quoi sert-il d'avoir une super idée pertinente si elle ne produit aucun impact sur personne, si elle ne parle pas ?

En fait, peut importe la valeur ou la qualité de l'idée, le sujet, c'est : Comment la faire passer ?

Et là c'est justement cette capacité à faire passer de manière simple et impactante les idées les plus complexes qui devient une qualité, et ce n'est pas si simple.

Exemple d'une compagnie aérienne citée par les auteurs, qui présente sa stratégie par quatre mots : "LA compagnie aérienne low-fare".

Bien sûr, ce n'est qu'un résumé, car cette vocation aux bas coûts elle pourrait l'exercer en ne faisant pas la maintenance des avions, ou en ne changeant pas les serviettes des repas. Non, elle ne fait pas ça, signe que la sécurité et la satisfaction des clients jouent aussi, mais en donnant ce message elle communique sur ce qui est le coeur de sa stratégie.

Et cela est utile. Le directeur du marketing envisage-t-il de proposer des repas plus variés sur les vols ? Ces quelques mots synthétisant la stratégie, "LA compagnie aérienne low fare" suffira à lui dire : NON, ce n'est pas conforme à notre stratégie.

C'est ça la règle de Simplicité : rechercher le coeur, la synthèse de l'idée (ici, la stratégie). Il faut donc peler son idée comme un oignon pour y trouver ce coeur, ce noyau, qui dira tout en en disant le minimum, comme un concentré. Cela suppose de bien savoir quelle est vraiment notre idée, et ce n'est pas le plus facile.Et ensuite de communiquer sur ce coeur que l'on a identifié, en laissant tout le reste.

Souvent, nous avons tellement envie de tout dire de notre..stratégie, notre...plan d'action, notre...opinion, que nous noyons l'autre et nous même dans trop de mots inutiles (rappelons nous le Père Noël..).

Être simple, c'est savoir être vif et percutant; "Baby talk" disent les américains. Mais dans ce "baby talk" il y a toute la maturité et toute la complexité de l'idée.

Simplicité, c'est aussi un message et un signe d'élégance : regardez la mode; ce qui est simple est toujours d'un chic, et communique beaucoup. Ce qui est compliqué, c'est la tenue vestimentaire du plouc, qui n'a pas su choisir son style, et qui empile les accessoires et marques, ressemblant à un clown mal fagotté.

La cuisine, c'est la même chose. La simplicité dans la cuisine est une valeur qui se vend et se paye cher

Alors, les idées, ce n'est pas différent.

Donc Simplicité : le coeur et l'élégance.

Rien de tel que les images, les métaphores, les analogies, les proverbes pour être simple et percutant. Et certains proverbes sont tellement forts qu'on s'en rappelle toute sa vie, alors que l'on est incapable de se rappeler la moindre idée du discours mal communiqué que l'on a entendu deux heures auparavant.

Les auteurs citent un exercice avec des étudiants de Stanford à qui ils ont demandés de faire des exposés et de se noter sur leur qualité : résultat, les meilleurs orateurs sont les mieux notés. Par contre, quand, deux heures aprés ils demandent de citer une idée qu'ils ont retenue dans ces exposés, la plupart ne se souviennent de rien. Les seuls dont on se souvient sont ceux qui ont été exprimés avec un message simple, et qui ont aussi appliqué les cinq autres principes de "Made to stick", qui permettent justement, une fois l'idée clairement formulée dans un message simple, de le transmettre dans les meilleures conditions de succés: Unexpectedness, Concreteness, Credibility, Emotional, Stories.

Oui, pour véhiculer des idées, et surtout les plus complexes, il faut un véhicule simple et élégant, mais qui nous emmènera trés loin....et votre idée sera comme une reine....ça fait envie non ?Queen_in_car

God save your queens....


Des mots faciles, des mots fragiles

Paroles

Dans l’entreprise, il y a bien sûr des écrits : les contrats, les conditions générales de vente, les bons de commande, et tout ce qui remplit les parapheurs des gens importants…

Mais dans le management, il y a aussi beaucoup de paroles et de mots échangés. C’est ce qui permet d’échanger des idées, mais aussi de convaincre et de séduire.

Alors, forcément, on a envie que nos idées, nos paroles, marquent les esprits et les cœurs, c’est ça le charisme, la force de conviction, le leadership.

Oui, que l’on s’adresse à une personne, à un groupe, une équipe, ou 80 000 personnes, on a envie d’être entendu et compris.

Et pourtant, on connaît la chanson, oui, celle de Dalida, « Paroles, Paroles » :

«   Des mots faciles, des mots fragiles,

C’était trop beau »

« Caramels, bonbons et chocolats,

Merci pas pour moi,

Mais tu peux bien les offrir à une autre.. »

« Moi, les mots tendres enrobés de douceur,

Se posent sur ma bouche mais jamais sur mon cœur »

Oui, Paroles, Paroles….

Alors, on a tous envie de connaître les secrets pour poser « les mots sur les cœurs »…

Deux frères (fierté de leur maman !) Chip et Dan Heath, viennent de sortir ce qui est déjà annoncé comme un best seller aux Etats-Unis : « Made to Stick : Why some ideas survive and others die » Madetostick , avec une superbe couverture trés "stickie". Et bien sûr, il y a un blog dans le package marketing.

Robert Sutton en a parlé dans son blog ici , ici,et ici.

Leurs constats et conseils tiennent en six mots qui forment le mot SUCCESS ou presque…ouah, trop fort…

-          Simplicity,

-          Unexpectedness,

-          Concreteness,

-          Credibility,

-          Emotional,

-          Stories.

A l’aide d’exemples et d’anecdotes de toutes sortes, ils nous apprennent à maîtriser ces six règles magiques : il n’y a plus qu’à.

Il y a une des règles qui marche fort, c’est l’émotion. C’est vrai, on le sent bien, que le raisonnement froid, la démonstration analytique, ça passe pas toujours. Alors, tous les pros de la communication nous le disent, l’émotion, y a que ça de vrai.

Il y en a un qui a bien essayé sur ce registre dimanche dernier, c’est Nicolas Sarkozy, devant les 80 000 militants UMP.

«  Je pensais que la politique n’avait rien à voir avec mes émotions personnelles. J’imaginais qu’un homme fort se devait de dissimuler ses émotions. J’ai depuis compris qu’est fort celui qui apparaît dans sa vérité. J’ai compris que l’humanité est une force, pas une faiblesse.. » ; oui, il leur a dit : « J’ai changé ».

Tout le début de son discours est chargé sur ce registre ; il ne dit pas trop , finalement ce qui a changé en lui, mais il explique « J’ai changé, parce que… », parce que j’ai vu des malheureux, le pouvoir m’a changé, etc…

Les fans, ils ont apparemment marché à fond, à voir ces larmes dans les yeux et les témoignages des blogueurs , notamment l’excellent compte rendu de Laurent Gloaguen sur « Embruns », qui nous raconte cette ambiance quasi liturgique et nous livre quelques photos de militants en pleurs.

Alors, évidemment, pour ceux qui ne sont pas des militants pur jus, et ceux qui n’y étaient pas, on se demande ce que tout cela veut dire…

En fait, cette façon d’agiter l’émotion comme pour faire pleurer margot comme avec un film bien sentimental, nos deux frères Heath nous disent qu’elle n’est pas tellement efficace pour faire « sticker » les idées et les messages (mais ce n’était peut être pas l’intention de l’orateur ?). Elle est d’autant plus dangereuse si elle se met en contradiction avec une autre règle, la Crédibilité.

C’est un peu l’effet du méchant loup déguisé en grand-mère qui essaye d’amadouer le petit chaperon rouge ; il ne se laisse pas faire comme ça ce chaperon rouge.Balivallrian_1

Le risque est fort quand on s’engage sur un tel terrain. Dans le discours très volontariste du candidat, une phrase comme « Je veux le dire avec pudeur » (il parle des épreuves de la vie qui l’ont changé), est chargée de paradoxe, cette association de « pudeur » et de « Je veux » …d’ailleurs au fur et à mesure du discours, la « pudeur » va disparaître, alors que les « Je veux » vont se démultiplier…

Utiliser les émotions dans sa communication est un exercice délicat.

Nos auteurs nous donnent quelques pistes utiles, qui seraient peut être aussi utiles pour notre orateur lacrymal.

Rendre ses messages « émotionnels », ce n’est pas déballer un assemblage de sentiments, de "caramels, de bonbons et de chocolats", c’est plutôt aller chercher l’émotion des autres dans le message :

-          en étant spécifique : dans mon message, je ne parle pas des « gens » mais de situations particulières. Mère Theresa disait, paraît-il, que « Si je regarde la masse, je ne fais jamais rien, alors que si je regarde un seul je veux agir »,

-          en s’adressant à l’intérêt personnel de mon ou mes interlocuteurs : qu’ils puissent répondre à la question « qu’y a-t-il là dedans pour MOI ? », et c’est un exercice certes plus difficile devant 80 000 personnes…

-          en s’adressant à l’identité, aux valeurs universelles : en s’adressant, non seulement à la personne qu’il est aujourd’hui (intérêt personnel), mais aussi à celle qu’il voudrait être, à ces aspirations qui font partie d’un inconscient collectif du moment ;

Et puis, pour être le plus pratique possible, les deux auteurs nous donnent aussi une petite astuce bien connue, pour justement aller chercher ces aspirations : c’est de se poser la question du POURQUOI de mes idées, mes propositions, de TROIS à CINQ fois; ainsi cela permet d'aller chercher le fond de la sincérité que je veux communiquer :

Exemple sur une association qui défend la pratique et le développement des concerts à deux pianos.

Pourquoi cette association ? Pour protéger, préserver, promouvoir, la musique à deux pianos ;

Pourquoi protéger cette musique ? Pourquoi est-ce important ? Pourquoi la planète serait elle moins vivable sans la musique à deux pianos ?

Et, au bout de cette série de pourquoi : La musique à deux pianos, c’est le son d’un orchestre, avec l’intimité de la musique de chambre…

Bon, l’exemple est peut être pas absolument parlant, mais au moins illustratif.

Bon, on essaye, avec un autre exemple :

Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il changé ?

Humm…humm…. On s’en doute un peu, pas besoin de se le demander trois ou cinq fois, finalement.


La leçon du Père Noël

Perenoel Dans l'entreprise, pour survivre, il faut des ventes et des clients, on le sait bien. Alors, on est toujours en train de vendre ou d'essayer de vendre, de faire des "propositions", d'obtenir des rendez-vous.

Un interlocuteur, dirigeant d'une entreprise de services professionnels, m'en parle au cours d'un dejeuner, il a mis deux mois à obtenir un rendez-vous avec un "grand dirigeant d'une grande entreprise"...Il me raconte ce qu'il lui a dit.

Alors, imaginons,que lui dit-on lors de ce rendez-vous, qui est probablement l'unique chance que l'on a de lui parler, de lui montrer tout ce que l'on sait faire, toutes nos compétences, références, tous nos produits... Et puis tout ce que l'on fait de nouveau, et encore et encore...

Bien sûr, on sait bien que pour bien vendre, il faudra bien écouter, et on cherchera à se concentrer sur les objectifs et enjeux de notre interlocuteur.On a appris tout ça.

Mais, quand même, on a la tête pleine de tout ce qu'on aimerait bien lui montrer, et ça va pas être simple, parce que sa secrétaire nous a dit qu'"il n'a qu'une demi heure à vous consacrer". Mon interlocuteur me dit tout content que finalement il a eu une heure ; Victoire !!

Alors, on prépare la totale pour l'impressionner : les brochures, les références, les échantillons, les revues de presse qui ont parlé de nous, les CV, on révise les bons discours, la totale quoi... on est prêt à tout balancer, la hotte est pleine.

Oui, on se prend pour le Père Noël, on pourra mettre tout sur la table : "sers toi mon petit, prend ce qui te ferait plaisir; et si tu as une question sur un produit, demandes moi". En fait on parle beaucoup, on répond à quelques questions, et on en remontre encore...

Oui, on se prend pour le Père Noël !!

Cette approche est souvent complètement inefficace, pour deux raisons :

Première raison : Avec trop de produits, trop de propositions, le prospect est largué, il ne comprend plus ce que vous faîtes. Il va finir par avoir l'impression que tout ce qui vous intéresse, c'est de "vendre quelque chose" et non de l'écouter. Et puis, si vous mettez tout sur la table dès le premier rendez-vous, pourquoi aurait il envie de vous revoir ? qu'aurez vous à raconter la prochaine fois ?

Deuxième raison : C'est justement pas du tout comme ça que s'y prend le Père Noël !!

Oui, ce Père Noël, peut-être que nous ne l'observons pas assez. Pourtant, il est efficace; pour la plupart, ses prospects et clients sont saisfaits, et heureux de leurs cadeaux (il y a bien quelques ratés, si l'on s'en réfère à tous ceux qui revendent leurs cadeaux sur e-bay, mais bon c'est pas la majorité des cas quand même).

Alors, comment s'y prend il ce brave Père Noël ?

En l'observant faire pendant Noël, on peut noter trois éléments importants de sa stratégie :

1. Trouver la lettre au Père Noël, et bien la lire

Il cherche à comprendre ce que veulent ses prospects; il se sert de son réseau, la famille, les amis, les enfants. Il observe aussi : tiens, toi tu n'as pas l'appareil photo qui te permettrait d'en faire de trés belles, et je sais que tu adores la photo. Tiens, toi, tu aimerais bien un nouveau manteau pour l'hiver.

Il pose des questions, pas des questions trop faciles (genre : "tu veux que le Père Noël t'apportes quoi cette année ?"); non, il pose des questions rusées, il cherche à comprendre les vrais besoins; et puis il pose plein de questions, pour cerner LE VRAI BESOIN de cadeau. Oui, c'est tout un travail de poser les questions comme un Père Noël...

Et puis, il se concentre, le Père Noël, car il sait qu'il n'est pas question d'amener plein de cadeaux, mais LE cadeau; alors il priorise, il cherche le coeur du besoin, ce qui est vraiment pour maintenant, tout de suite : oui, il cherche les choses urgentes, dont on veut TOUT DE SUITE...

Oui, le Père Noël, il fait trés attention à bien recueillir les vraies lettres, celles qui sont comme des commandes.

2. Relire la lettre deux fois

Une fois le besoin repéré, le cadeau identifié, le bon Père Noël va vérifier, et pour ça il va encore poser des questions.

Avec nos prospects, on peut avoir tendance, dès qu'un problème est sorti, à tout de suite se précipiter pour sortir la bonne sucette qui correspond. Non, lui le Père Noël malin, il continue à poser des questions, pour mieux comprendre : oui, je comprend que tu veux une sucette, mais je vais chercher à connaître la couleur que tu aimes, le parfum, tout un tas de choses dont on n'a pas parlé encore. Oui, pas toujours facile d'être patient et malin comme un Père Noël.Oui, cette lettre au Père Noël, un Père Noël professionnel va la lire et la relire jusqu'à la denière limite du 24 décembre.

3. Offrir ce qu'ils ont demandé

Oui, le bon Père Noël, il apporte exactement ce qu'on lui a demandé, même si on ne lui a pas demandé explicitement, mais il a compris ce qu'on voulait.

Les enfants, les clients du Père Noël, ils ne s'intéressent pas au contenu de toute la hotte. Ils veulent UNE chose. La seule chose importante pour le Père Noël, c'est qu'on le laisse entrer dans la cheminée, et qu'on ait confiance en lui.

Pour nos clients, c'est la même chose : à partir du moment où ils nous ont accueilli dans leur bureau, et où ils veulent UNE chose, c'est ça qu'il faut leur proposer. C'est parce que sur un besoin, un service, précis, on aura répondu comme il faut, au bon moment, avec la bonne qualité, que l'on aura créé la confiance, qu'on pourra proposer autre chose, revenir (le Père Noël fait ça depuis des centaines d'années!).

Alors, pour ce rendez vous tant attendu, suivons les conseils du Père Noël; ne vidons pas toute notre hotte sur la table; écoutons la leçon du Père Noël.

Encore faut il croire un peu au Père Noël, c'est ça le plus difficile peut être...


Ecologie de l'action

Glaneuses_1 2007 a commencé.

Pour certains , dans nos entreprises, ça ressemble terriblement à 2006 : même poste, même chef qui m'énerve, mêmes problèmes, mêmes collaborateurs qui ne comprennent rien, la liste est sans fin ... Ceux là, on les repère tout de suite, ils n'aiment pas le changement, alors à part le numéro de l'année, tout le reste est à l'identique, et pourvu que ça dure encore un an comme ça. Espérons que ceux là ne sont pas trop nombreux...mais il y en a encore pas mal...

Et puis, à l'inverse, il ya ceux qui bougent tout le temps, qui ont toujours des projets, qui aiment l'action (oui, comme celui-ci), et pour qui chaque jour est comme une nouvelle année... Les dirigeants aimeraient bien en avoir plein comme ceux-là, c'est ce qu'ils appellent leur "capital humain" ou "capital immatériel", constitué à partir d'une alchimie mêlant sélection à l'embauche et motivation des collaborateurs.Ils en sont fiers, et ils semettent dans le lot, parfois.

Oui, mais l'action, elle peut aussi être toxique pour ceux qui imaginent que l'action découle directement d'une bonne intention de changement et qu'elle est la matérialisation de ce résultat, de ce progrès toujours recherché, s'inspirant des "best practices" piochées on ne sait où. Quelles déconvenues pour ceux qui y croient tellement fort qu'ils sont perdus dès que les résultats tant attendus n'arrivent pas, que quelque chose cloche. Pour ceux là, la solution est toute trouvée : il faut redoubler d'effort.

Des exemples ?

Refonte des process industriels; pas de résultats; refonte encore; pas de résultats; sanctions et on continue...

Refonte de la logistique; pas de résultat; refonte encore, etc...

Refonte, action, sur le système de pilotage et tableaux de bord; ça donne pas de résultats assez rapides; on affine, on complique; on recommence; etc...

C'est la méthode, si bien décrite par Watzlawik et l'école de Palo Alto, du "toujours plus de la même chose", qui conduit parfaitement à "réussir à échouer" ou à "faire soi-même son propre malheur"...

Et, en fait, cette façon de se jeter dans l'action, de façon agressive, forcée, mécanique, aboutit aux mêmes résultats, c'est à dire souvent à rien de pérenne, que l'attitude de ceux qui ne changent jamais rien.

Cette résistance naturelle de l'action, ce non automatisme entre action et résultats, Edgar Morin la décrit bien, notamment dans son dernier volume de "La Méthode", "6. L'Ethique", c'est ce qu'il appelle "L'écologie de l'action".

De quoi s'agit-il ?

De deux principes simples, faciles à retenir, et qui nous permettent de mieux comprendre ce qui se passe.

" L'écologie de l'action nous indique que toute action échappe de plus en plus à la volonté de son auteur à mesure qu'elle entre dans le jeu des inter-rétro-actions du milieu où elle intervient. Ainsi l'action risque non seulement l'échec, mais aussi le détournement ou la perversion de son sens.".

D'où le premier principe :

"Les effets de l'action dépendent non seulement des intentions de l'acteur, mais aussi des conditions propres au milieu où elle se déroule".

Ce rôle du milieu, il vient comme un boomerang mettre le désordre dans les idées de tous ceux qui pensent que le benchmark, la mise en oeuvre des recettes qui ont, apparemment, réussi ailleurs, conduiront à la réussite avec certitude...Aucune solution toute faite n'existe pour résoudre n'importe quel problème, même s'il n'est pas interdit de connaître ce que font les autres.

Mais il y a un deuxième principe, encore pire pour l'être rationnel épris d'action :

"Le deuxième principe est celui de l'imprédictibilité à long terme. On peut envisager ou supputer les effets à court terme d'une action, mais ses effets à long terme sont imprédictibles. Encore aujourd'hui, on ne sait pas mesurer les conséquences futures de la Révolution française ou de la Révolution soviétique".

"L'action, même bonne, peut porter un avenir funeste : même pacifique, elle peut porter un avenir dangereux."

"Nulle action n'est donc assurée d'oeuvrer dans le sens de son intention".

Alors, on fait quoi ? Finie l'action, qui ne garantit aucune chance de réussir et d'arriver au but de nos intentions ?

Au contraire, ce que nous enseigne cette "écologie de l'action", c'est que l'action est comme la Nature, elle n'est pas contrôlable, et donc elle constitue un pari, un choix, et cette incertitude acceptée est d'ordre éthique.

Alors, plutôt que de s'acharner sur l'action comme sur un marteau, Edgar Morin nous apprend à la regarder avec la bienveillance de celui qui regarde la Nature se développer : tout ce qui va en sortir va nous apprendre quelque chose...

Et pour ne pas se bloquer dans les incetitudes de l'action, il nous conseille des attitudes simples,...et écologiques :

- examiner le contexte où doit s'effectuer l'action,

- connaître l'écologie de l'action,

- reconnaître les incertitudes et les illusions éthiques,

- pratiquer l'auto examen,

réfléchir aux décisions, reconnaître ses risques, élaborer une stratégie.

Oui, pour ne pas s'abrutir dans les actions, et s'y frustrer en permanence, il nous encourage à voir plus loin, à garder devant soi la ligne de la stratégie, on pourrait dire une vision, qui fixe le cap, donnera toujours de l'énergie pour adapter, corriger, changer de chemin.

C'est une manière de "bien penser", une "éthique de pensée" qu'il tente ainsi de théoriser.

Et oui, on y revient, encore une fois, ce qui compte, ce ne sont pas tant l'accumulation de plans d'actions sans fin, que la stratégie, les intentions, le guide, tout ce qui manque aux agités...

Pas facile de considérer la stratégie comme ça.

Lisons Edgar Morin :

"L'élaboration d'une stratégie comporte la vigilance permanente de l'acteur au cours de l'action, tient compte des aléas possibles, effectue la modification de la stratégie en cours d'action et éventuellement le torpillage de l'action qui aurait pris un cours nocif. La stratégie demeure navigation au gouvernail dans une mer incertaine, et elle suppose évidemment une pensée pertinente. Elle comporte un complexe de méfiance et de confiance, qui nécessite de se méfier non seulement de la confiance, mais aussi de la méfiance. La stratégie est un art. Tout grand art comporte une part d'imagination, de subtilité, d'invention, ce dont font preuve les grands stratèges de l'Histoire".

Alors, peut être que ce début d'année, parfois consacré à la mise à jour des "to do lists", des projets, des actions, peut il laisser un peu de place à cette "écologie de l'action", à l'imagination, à la subtilité, à l'invention, à la stratégie, et à de bonnes lectures, avant de repartir bille en tête dans les "ya ka faut kon" qui ne convainquent plus grand monde.