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Une pomme sur la tête de Newton

Newton On la connaît tous, cette histoire, et son illustration par Gotlib, de Isaac Newton et la pomme : boum, sur la tête, et youpi, l'idée géniale de la loi de la gravitation universelle est née.

Certains dirigeants d'entreprise aimeraient bien que la pomme de l'idée géniale leur tombe aussi sur la tête, pour trouver celle qui permettra de rendre l'entreprise super performante.

Alors, ils cumulent les études, les analyses, des processus, de l'organisation,...

Des projets, des recommandations sont ainsi formalisés : les idées viennent des dirigeants, de chefs de projets, de consultants, parfois un mélange de tout ça.

Et puis, aprés l'analyse, il n'y a plus qu'à mettre en oeuvre, et là, pour tout praticien de l'entreprise, que de mauvais souvenirs : rappelons-nous tous ces rapports et propositions qui n'ont jamais été suivis d'effets. C'est souvent une des plus grandes frustrations du management, ou de leurs conseillers, de voir ainsi leur bonnes idées rester dans les armoires, ou échouer lors des tentatives de mise en application (pour se consoler, on appelle ça "la résistance au changement"; oui, tous ces collaborateurs, quels veaux !!) .

Et pourtant , cette spirale de la non mise en oeuvre, des plans d'actions sans actions, on la voit continuer souvent. C'est ce fameux problème de l'Exécution...Et finalement ce ne sont peut être pas ces veaux de collaborateurs qui sont coupables, mais la façon avec laquelle on s'y prend...

Et si l'erreur, c'était de croire que pour tout problème il suffit de conduire, de manière planifiée et centralisée , sans trop dialoguer avec les collaborateurs qui sont opérationnellement sur les postes (ou alors juste pour les interroger sur leur travail, mais sans leur demander leur avis) une démarche linéaire bien huilée, trés scolaire et rationnelle : Diagnostic, état des lieux, analyse, solutions (celles qui émergent de l'analyse scientifique, comme une belle démonstration), mise en oeuvre....Oui, tous ces fantasmes sont le véritable poison de l'arrogance qui empêche de libérer les véritables énergies de l'excellence et de l'amélioration des performances. Rien ne vient comme ça comme un automatisme (Edgar Morin nous a prévenu pourtant).

Une des pistes pour s'en sortir, c'est de casser cette illusion que seuls les chefs et les consultants peuvent avoir de bonnes idées, et de mettre en place les dispositifs pour faire emerger et mettre en oeuvre des idées dans l'ensemble de l'entreprise, idées venant de TOUS les collaborateurs, et en premier lieu des managers et opérateurs de premier niveau, ceux qui sont en face du client ou sur l'outil de production toute la journée. Ces petites idées qui apportent de grands progrès quand elles se cumulent.

Ce sont ces systèmes, appelés SMI (Systèmes de Management des Idées) qu'analysent de manière trés convaincante deux universitaires, Isaac Getz et Alan G. Robinson, dans leur ouvrage "Vos idées changent tout !"

Le point de départ de ces approches : les idées les meilleures viennent du terrain, il suffit de les encourager et de les aider à se mettre en place. Les petites idées en grand nombre valent mieux que la super idée qui ne vient jamais.

Bien sûr cela suppose de nous décontaminer de quelques certitudes :

- NON, la solution n'est pas la "boîte à idées", où chaque idée est collectée et analysée par un comité de "gens qui savent mieux que tout le monde", se perd dans des procédures interminables, décourage d'en émettre d'autres...

- NON, il n'est pas nécessaire que deux ou trois niveaux de managers autorisent et contrôlent les idés; il faut surtout privilégier la rapidité de la mise en oeuvre (quelques semaines); les entreprises où le plus d'idées pour améliorer la performance sont mises en place avec efficacité sont celles où le niveau de contrôle est le plus réduit possible, voire inexistant : oui, mais en contrepartie, les collaborateurs connaissent et s'approprient la stratégie et les objectifs de l'entreprise, ce qui facilite le ciblage des idées qu'ils proposent. C'est donc sur la bonne formulation de cette stratégie et de ces objectifs que les managers doivent exercer leurs talents...

- NON, il ne faut pas rémunérer les idées : cela donnerait le sentiment que le travail normal consiste à ne rien proposer, et que les progrés, l'innovation, la créativité, si on le veut, il faut payer en plus !! Exactement ce qu'il faut pour déclencher des attitudes perverses où, par exemple, le collaborateur va être complice, et ne dira rien, des process mal foutus qui se mettent en place sous la direction du chef, afin de pouvoir, ensuite (c'est à dire trop tard) proposer une idée dont ils négocieront la rétribution...

- NON, le phénomène de "progrés permanent" n'est pas un processus naturel où, chaque fois qu'une chose doit être améliorée, il y aura toujours spontanément quelqu'un pour le proposer..C'est quelque chose qui nécessite un environnement adapté et un comportement managérial correct.

Il y a un autre fantasme qu'on entend parfois : c'est dans les moments difficiles, quand les profits disparaissent, quand les commandes baissent, que l'on a besoin de mettre en place des plans pour de nouvelles idées. Le reste du temps : Pourquoi casser quelque chose qui marche ? Et pourquoi s'embarasser de tels systèmes.

Il y a longtemps, les auteurs nous le démontrent, que les plus grandes entreprises industrielles, les plus performantes, ne croient plus à de telles bêtises (les entreprises citées en exemple sont Hewlett Packard, Delphi, Air France Industrie, Milliken, General Electric), mais on constate plus de retard dans les entreprises de service et les entreprises moyennes et petites. La France a l'air encore plus en retard que d'autres pays comme le Japon ou les Etats Unis, selon l'enquête des auteurs.

En fait, pour donner envie d'être performant, même et surtout quand "ça marche", il nous faut développer cette "attitude entreprenariale" indispensable à la croissance et à l'excellence. Et oui, on revient finalement toujours aux mêmes évidences, que nombreux ignorent.

Cela passe forcément par l'acceptation qu'il n'y a pas que les chefs qui ont toujours raison.

Getz et Robinson considèrent que :

"l'amélioration et l'innovation initiés et planifiés par le management (par exemple , rengineering, Six Sigma), laissent de côté  environ 80% d'idées spontanées. Ce n'est pas seulement du gaspillage, mais, en plus, les études ont démontré que les idées spontanées sont beaucoup plus créatives, vont plus loin, que les idées issues de démarches planifiées."

Un encouragement à ne pas trop passer de temps à trainer tout seul sous les pommiers...et à lire Getz et Robinson pour se donner l'envie et le courage de le faire.

Commentaires

Lionel


Intéressant. C'est tout un challenge pour les pragmatiques et/ou les managers de haut vol de permettre aux idées de leurs collaborateurs de germer. (Mmh, déjà d'exister.) Et c'est tout un challenge pour les collaborateurs d'amener des idées fraiches et d'accepter de les voir exprimées au grand jour, puis changées, opérationnalisées, bref différentes.

Il faut une bonne concorde, un bon respect des personnes. Et il faut que chacun se sente en sécurité pour pouvoir émettre une idée et pour pouvoir questionner cette même idée, seul(e) ou à plusieurs.

De plus, qu'en est-il de la p-maternité d'une idée ? L'émetteur-trice sera-t-il cité, récompensé, en maîtrise du nouveau processus (amélioration) s'il concerne son environnement de travail ?

Enfin, il faut que la boîte ait envie d'avancer avec de nouvelles idées. Et ça, c'est un gros, gros, gros, gros, gros challenge. Il faut qu'elle ait le moral et les pulsions de vie bien actives.

Zone Franche

Merci Lionel de ce commentaire qui me permet de compléter mon propos.

Qui a la m/paternité des idées et comment les récompenser ?

D'abord la récompense en argent, en prime : les auteurs le déconseillent formellement, y voyant le risque de tarir les idées, car cela génère des comportements pervers qui cherchent la récompense plutôt que le progrès de leur entreprise. Cela rejoint d'ailleurs la théorie de l'engagement dont j'ai déjà parlé : http://gillesmartin.blogs.com/zone_franche/2005/10/lengagement_nes.html
Par contre, la vraie récompense c'est celle de voir son idée prise en compte et mise en place.
Les entreprises les plus performantes ont aussi des dispositifs de remise de prix, de cérémonies, etc.. qui mettent en avant les collaborateurs, et les équipes, qui contribuent au progrès continu.
Concernant le gros challenge de donner envie d'avancer avec de nouvelles idées, on rejoint ce besoin d"esprit entreprenarial" qui, effectivement, ne s'achète pas sur étagère.
Mais ne soyons pas trop durs avec nos entreprises, j'en connais plein, et leurs dirigeants, qui ont cet esprit et cette envie .
Encore un sujet pour un prochain post....

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