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Les trois process de l'éxécution

300pxchaplin_modern_times_1 Décider, voilà une activité que les chefs aiment bien. D'aileurs, c'est la décision qui fait qu'on est un chef.

Quel frisson de plaisir n'éprouve-t-on pas quand on prononce ces mots magiques : "J'ai décidé..."; et ensuite on peut dire n'importe quoi.

Nos responsables politiques nous démontrent chaque jour la jouissance de l'exercice; rappelons nous, un certain 14 juillet : "Je décide, il éxécute"; et Dominique de Villepin : "j'ai décidé...le CPE, la fusion Suez-Gaz de France,...".Et aprés ?

Ensuite, ce qui se passe, c'est plus pour les chefs, c'est moins marrant, c'est ce qu'on appelle l'éxécution, et pour ça, il y a ...les exécutants, oui, vous savez, ces "non chefs" qui ne savent pas décider, qui aiment se salir pour appliquer les décisions de leurs chefs, et qu'on récompensera à coups de variables et de bonus, si ça marche, et qu'on remplacera si ils n'y arrivent pas; la file d'attente des candidats n'est jamais tarie.

Caricature ?

Et pourtant...

Ce sujet de l'éxécution, il embarrasse de nombreux dirigeants, qui sentent bien que c'est pas si simple, qu'ils ont peut être intérêt à s'y impliquer, mais reste à savoir comment.

Cette histoire de variables qui vont permettre d'obtenir tous les résultats attendus, comme une recette miracle, quelle fable !

D'autres croient que le secret, c'est de faire des budgets ambitieux, et de les faire signer par les managers de proximité : là encore, que de déceptions, que de comportements passifs-agressifs divers et variés, qui viennent ruiner tous les espoirs.

Non, pour que l'éxécution soit une réalité, pour que les choses se fassent, que les objectifs se traduisent en résultats, il est évident que l'implication des leaders et dirigeants n'est pas facultative, mais obligatoire. Seuls les incompétents et les fainéants osent encore croire le contraire. Heureusement, ils ne sont pas trop nombreux à la tête de nos entreprises.

Reste ceux qui, bien que ni incompétents, ni fainéants, ont encore du mal sur la méthode.

Larry Bossidy, ancien dirigeant d'Allied Signal, s'est interrogé, au regard de son expérience, sur le sujet, et a publié un ouvrage qui fait encore référence , au titre simple : "Execution". (2002), traduit en français.

Il nous rappelle notamment que l'éxécution est liée à la maîtrise de trois process dont la cohérence est indispensable :

- People process

- Strategy process

- Operations process.

Trivial ?

Tout est dans les détails, et ces conseils sont pleins de bon sens.

People ?

Oui, la façon dont on anime et motive les collaborateurs est déterminante, on le sait bien, et il est clair que les hommes jouent un grand rôle dans la manière dont les décisions sont appliquées. La manière dont sont évalués les collaborateurs, dont on gère leur mobilité, entre les fonctions, et au sein de l'entreprise, tout a une importance. Autre choix important : quel degré de centralisation ou de décentralisation a-t-on introduit dans le fonctionnement de l'organisation ? D'autres questions sont à aborder : Comment va-t-on faire émerger les leaders ? Que va-t-on faire de ceux qui ne seront pas performants ?

Ce process est majeur quand on aborde un plan un plan de transformation qui se veut en rupture, et pourtant de nombreux dirigeants l'oublient, faignant de croire qu'il suffirait de décréter des gains de productivité exceptionnels, des ratios EBITDA / Revenus jamais atteints, d'enrober tout ça dans un discours, et hop, c'est parti... Parti pour se planter, c'est quasiment sûr...

Pourquoi les collaborateurs seraient ils poussés soudainement par cette envie de performance exceptionnelle, alors qu'ils n'ont rien fait de tel dans les années passées, et n'ont aucune expérience particulière de ce type de transformation ? Le pire, c'est quand les dirigeants eux-mêmes n'ont pas non plus cette expérience : le cas extrême où tout le monde ment à tout le monde...

Strategy ?

Tout le monde sait faire : la stratégie, grâce à Powerpoint, est devenu un exercice de diaporama coloré, avec des courbes qui montent, des chiffres de plus en plus gros, des plannings,...que de bonnes choses.

Ce qui manque pour l'éxécution ? le "COMMENT on va faire".

Et sur ce COMMENT, on se raconte plein d'histoires et de mensonges.

Et puis, pour assurer la cohérence avec le process précédent, une autre question qu'on n'ose pas se poser : Avons nous les personnes pour faire cette stratégie ?

Les jalons, et notamment les étapes à trés court terme (les trois prochains mois, les six suivants,...) sont également un point d'attention indispensable.

Et puis, bien sûr, il ne faut pas se tromper entre les objectifs plutôt Corporate, et ceux qui doivent être appropriés et déclinés sur le terrain, à tous les niveaux de l'entreprise. Sans cette déclinaison trés opérationnelle, le Plan restera comme une succession de voeux pieux, qui se traduira difficilement en résultats concrets.

Et puis, dans ce process, il ne faut pas oublier une question majeure : Comment allons nous assurer le suivi ? A quelle fréquence ? L'expérience enseigne que plus le suivi est rapproché, plus l'éxécution est tenue et maîtrisée. Tout ce qui ressemble à des revues annuelles, où l'on trouve toujours des choses positives à dire, et des résultats à célébrer, et où l'on cache les écarts et contre-performances, est porteur d'échecs.

Operations ?

On parle ici de la qualité des plans d'actions qui sont destinés à traduire les objectifs et la stratégie.

Leur réalisme est un facteur clé. Et pourtant, que de défaillances constate-t-on sur ce terrain...

Les plannings et délais sont soit imposés sans véritable analyse de leur faisabilité, soit, pire encore, négociés avec chacun des responsables, nivelant vers le bas toute tentative ambitieuse : pourquoi vouloir aller plus vite que mon collègue, qui a réussi à faire avaler un délai plus long à son supérieur hiérarchique ?

Le process stratégique indique où l'on veut aller, mais le process opérationnel va nous donner le détail du parcours, et les moyens. Il tient aussi compte des hommes en place dont dispose l'entreprise, faisant ainsi le lien avec le premier process.

Cette attention aux trois process People, Strategy, Operations, c'est un bon test pour évaluer si l'éxécution d'un programme de transformation ou de développement est bien ou mal partie.

Et surtout, c'est le bon test pour se rappeler que l'éxécution, c'est précisément le job du dirigeant. Celui qui croit qu'il peut rester dans une posture de "moi, je délègue" est inefficace ou nuisible. S'impliquer dans l'éxécution, ça ne consiste pas à faire "du micro management", mais à vivre le changement, à s'imerger dans la bonne conduite des trois process "People, Strategy, Operations".

Autant une question de culture et de de comportements que de méthode.

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