Docteur Renard et Mister Hérisson
La loi de la performance

La vraie couleur du caméléon

Cameleon2 La saga Mittal, qui a mangé Arcelor il y a quatre mois, ne s'arrête jamais.

Aprés les prévisions de Thierry Breton, les exercices d'illusionniste de Guy Dollé, la nomination puis le départ du Directeur Général à la cravate trop courte, on est maintenant dans la phase "Lakshmi et Aditya sont dans le même bateau", bel ensemble du père et du fils.

Le Monde daté de vendredi 17 novembre, sous la plume, de Dominique Buffier et Virginie Malingre, revient sur "la chevauchée de Lakshmi Mittal".

Ils donnent la parole à des cadres, souvent français, qui sont complètement déboussolés par les méthodes de ce nouveau patron, qui a pris tous les pouvoirs, au point d'en apparaître parfois un peu débiles.

Florilège de ces réactions de cadres du Groupe, accrochez-vous :

"Arcelor-Mittal n'attend pas, comme on le faisait chez Arcelor, d'avoir 100% des détails pour décider. Avec 80%, on considère que cela suffit et cela permet d'aller beaucoup plus vite".

"Nous sommes passés d'un management de la vieille école, avec des corps intermédiaires, à un seul homme qui décide de tout".

"Je ne sers plus à rien", atteste un Directeur d'usine.

"Les collaborateurs ont le sentiment de travailler exclusivement pour enrichir Lakshmi Mittal".

A une réunion des cadres européens, Lakshmi Mittal a évoqué le caractère "bureaucratique" d'Arcelor. Et cité Carlos Ghosn, le patron de Renault, pour regretter que les européens ne respectent pas leurs engagements, contrairement aux japonais, prêts à se faire "hara kiri" pour tenir leurs promesses.

M. Mittal veut toujours challenger tout le monde. A un mexicain, il dira que les Sud-Africains sont meilleurs. A ce dernier, il dira que les Russes travaillent mieux.

Plus qu'avant, on est jugé sur la performance économique.

Oui, il en prend plein la tête, cet indien chevauchant. Et en même temps , on sent un mélange de bonnes intentions, de bonnes choses, et de pratiques complètement "has been". Déplorer ainsi en public que les cadres français ne se font pas assez "hara kiri", ça a quel impact ? Quelle est la cause de ces attitudes ? On n'en parle pas.

L'article nous révèle aussi que " M.Mittal fait un recours trés intensif aux "reporting" dans les sites, où les cadres doivent remplir des questionnaires sur tous les sujets, et le plus souvent en anglais". (cette précision courroucée , "et le plus souvent en anglais", quelle ringardisation de nos cadres français !! je me demande si les journalistes du Monde n'en font pas un peu trop...).

Cet usage du reporting, des tableaux de bord en tous genre, c'est vrai que c'est une maladie trés répandue dans les grands groupes; M. Mittal n'a rien inventé. Il donne à coup sûr cette impression de contrôler la situation et de challenger l'organisation comme un vrai chef.

Ma pratique professionnelle m'a amené à analyser et à participer à la mise en place de nombreux systèmes de ce genre. Leur degré d'efficacité est en fait trés variable.

Cette pratique est souvent considérée comme une évidence, à tel point que les patrons se plaignent souvent, quand quelque chose ne va pas bien dans le fonctionnement du Groupe, quand les performances ne sont pas celles attendues, que tout cela est dû à l'absence de cohérence dans les indicateurs, au manque de visibilité sur les vrais KPI (oui, ces fameux Key Performance Indicators). On cherche alors de nouveaux indicateurs, de nouveaux tableaux de bord, à simplifier quand il y en a trop, à sophistiquer quand on a loupé quelque chose. Ca ne s'arrête jamais. C'est un peu comme de chercher à connaître la vraie couleur du caméléon, à fixer les choses alors que l'entreprise est en perpétuel mouvement, à se doter des indicateurs stables qui expliquent la totalité de la complexité du business : quelle illusion !

L'expérience montre que cette recherche de la couleur du caméléon ne débouche sur rien.

Il est bien préférable de rechercher l'optimisation,  à chaque niveau de l'entreprise, et surtout près du terrain, des indicateurs adaptés aux objectifs à piloter, ces indicateurs pouvant d'ailleurs évoluer en fonction des stratégies et plans d'actions opérationnels. Savoir ce que l'on veut, pour favoriser quels comportements, voilà des questions importantes préalables à toute action. (peut être que les questionnaires de Mittal vont dans ce sens d'ailleurs).

Et savoir ne pas en faire trop.

Je connais un Groupe où les dirigeants ont constaté qu'ils avaient tellement bardés les collaborateurs d'indicateurs en tous genre et de reporting, qu'ils ont l'impression que les gens s'y sont accoutumés et sont devenus insensibles : qu' un indicateur passe au vert ou au rouge, ils en trouvent toujours un autre qui passe à la couleur inverse, conclusion, ça ne leur fait plus rien, et ils ne réagissent plus. Un peu comme immunisés...

Pierre Bilger, ancien dirigeant d'Alstom, aujourd'hui reconverti en bloggueur retraité, se fait le chantre de ces pratiques de reporting financier dans son ouvrage "4 Millions d'euros, le prix de ma liberté", cqui aborde par ailleurs la justification de ce geste d'abandon de ses primes de départ. Il est tout fier d'avoir mis en place un tel système de contrôle, et évoque :

"la difficulté que peut représenter le fait d'imposer un système de comptabilité générale et analytique unique associé à une discipline de comptes rendus mensuels obligatoires et à un contrôle centralisé des offres commerciales les plus importantes, à des unités appartenant de plusieurs nationalités en Europe et hors Europe, et qui considèrent toutes, notamment lorsqu'elles sont issues de fusions ou d'acquisitions récentes que leurs comptes statutaires ou sociaux doivent suffire à l'information de l'échelon central de l'entreprise. Cette démarche est cependant indispensable au succès. Sans cet instrument d'analyse et de mesure homogène, il n'est pas question de gestion transnationale possible".

Oui, ce plaidoyer pour le contrôle et les indicateurs homogènes, il est bien ancré, Bilger - Mittal, même combat. Il faut beaucoup de courage pour combattre ce genre d'idées reçues.

A propos de cette expression "instrument d'analyse et de mesure homogène", un dirigeant m'a répliqué un jour :

- "Vous savez quel goût ça a le lait homogénéisé ?

- AUCUN ! "

Est-ce que les caméléons boivent du lait ???

Commentaires

Vilyamlu

Hello! great idea of color of this siyte!

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