Docteur Renard et Mister Hérisson
12 novembre 2006
Si l'on en croit Isaiah Berlin, dans son essai "Le Hérisson et le Renard", le renard a des choses à nous apprendre dans ses histoires avec les hérissons. Jim Collins commente longuement cette parabole dans son best seller "Good to Great", traduit aussi en français, visant à identifier ce qui distingue les entreprises performantes des entreprises excellentes.
De quoi s'agit-il ?
Le renard, c'est celui qui fait de nombreuses choses, qui connaît de nombreux tours, et qui chaque jour attaque le hérisson et n'y parvient jamais.
Le Hérisson, c'est celui qui connaît une seule chose, mais qu'il maîtrise parfaitement, celle de se rouler en boule, de dresser ses épines, et de mettre hors d'état de nuire le renard.
Le hérisson gagne toujours.
Alors, chacun de ces auteurs poursuit dans la métaphore.
L'individu d'abord :
L'humanité se divise en renards et en hérissons.
Le mauvais rôle, c'est le renard, bien sûr. Il poursuit plusieurs buts en même temps, il perçoit toute la complexité du monde. Il est trés réactif ou proactif, et insiste sur la necéssité d'apporter des réponses multiples aux problèmes. C'est celui qui se plante tout le temps ou, au mieux, s'en sort tout juste. Là, par exemple, j'ai visualisé Jacques Chirac (celui qui veut de l'action).
Et puis la star, c'est, of course, le hérisson : c'est celui qui simplifie un monde complexe en une vision unificatrice. Il se forge une idée d'organisation, un principe ou un concept de base qui unifie et guide tout ce qu'il va faire. Là, je me suis rappelé le discours de Jean-Paul Bailly.
Il est clair que, en prenant connaissance de ces deux concepts, on a tendance, comme dans "Docteur Jeckill and Mister Hyde", à se sentir souvent tiraillé entre les deux, selon les moments et les occasions. D'ailleurs l'analyse de Isaiah Berlin est plus nuancée que celle de Jim Collins (mais l'un parle des écrivains et philosophes, l'autres du monde des affaires, qui ne croise pas toujours les premiers).
Parfois, on a l'impression de se disperser, de vouloir faire des choses trop disparates, de ne pas bien savoir ce que l'on veut, là on est le renard.Et on trouve toujours un hérisson à aller embêter, et contre qui l'on se frotte et l'on se pique.Pensons à ce "commercial" prêt à vendre n'importe quoi à n'importe qui.
Et puis, parfois, on se sent comme appelé par une vision, un but de vie, qui explique tout, qui nous guide dans tous nos choix, là on se sent fort comme un hérisson. Et puis l'on doute, on se demande si ce but est vraiment le bon, et le renard reprend possession de nous.
Pour Jim Collins, cette métaphore se transpose pour l'organisation toute entière.
Celle qui va s'en sortir mieux que les autres, c'est celle qui sera hérisson, qui aura une vision sûre et affirmée de ses choix et valeurs.
Quand on fréquente quotidiennement des dirigeants d'entreprises, on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a probablement plus de renards que de hérissons dans ces organisations. Cette tendance générale à multiplier les projets de toute nature, parfois en concurrence entre eux, semble une caractéristique forte en ce moment, parfois pour la plus grande satisfaction des consultants eux-mêmes un peu renards, qui viennent trouver à manger et à boire dans ce vaste buffet mal agencé.Je ne parle pas seulement des projets de diversification ou d'innovation, mais de toutes les initiatives de changement et d'action. Il est toujours intéressant de se poser la question : "mais dans quel but faites vous toutes ces choses ?".
Alors, pour mettre un peu de hérisson dans tout ça, comment s'y prendre ?
Jim Collins nous donne un outil trés utile. Il s'agit de trois petites questions qui ont l'air toutes simples et faciles, mais qui, si l'on commence à les prendre au sérieux, peuvent nous obséder pendant longtemps.
Prêts ?
Il représente ce questions dans trois cercles. C'est l'intersection de ces trois cercles qui est notre "concept du hérisson".
1. En quoi pouvez-vous être le meilleur au monde ? (et en quoi ne le pouvez vous pas)
On ne parle pas ici d'une stratégie, ou d'objectifs, encore moins de budget.
Non, c'est plus subtilement la compréhension, le sentiment, d'un domaine où nous sentons que nous pouvons vraiment être le meilleur. Quel est ce potentiel en nous, dans l'entreprise, qui, en se révélant, fera de nous et de l'entreprise les meilleurs ? Ce n'est pas parce que nous sommes bons aujourd'hui dans quelque chose, que cela nous permet de croître, de faire des profits, que nous avons trouvé ce trésor qui fera de nous quelqu'un d'excellent, encore meilleur. Ce travail de recherche de potentiel est sans fin.
2. Quel est votre moteur économique ?
Jim Collins nous propose ici de trouver le dénominateur de notre succés, de notre moteur.
Si le moteur est le profit ou le chiffre d'affaires, ou l'EBITDA, trouver son dénominateur, c'est se demander si notre know how est, par exemple :
- dans le dénominateur par employé : c'esr celui des organisations qui maîtrisent les coûts, la productivité,
- dans le dénominateur par région géographique : c'est celui des organisations qui maîtrisent l'expansion géographique, la couverture des territoires,
- dans le dénominateur par client : c'est celui des organisations qui maîtrisent le pouvoir économique des achats répétés, de la fidélisation des clients (j'étais cette semaine avec un dirigeant d'un groupe de Distribution qui m'avouait que leur enseigne était forte pour que chaque achat client soit le meilleur possible, mais qu'ils ne connaissaient pas leurs clients fidèles, ni combien ils achetaient en cumulé; et ils en ont déduit de lancer bientôt une carte clients; un bon exemple de changement de dénominateur..),
dans le dénominateur par visite client : c'est celui des organisations ayant un flux important de visites, et qui savent capturer les ventes dans ce contexte,
-etc...
Peut-on avoir plusieurs dénominateurs ? Oui, pourquoi pas, mais imaginons combien la capacité à en priviligier un en particulier donnera force et cohérence à notre concept de hérisson.
3. Qu'est ce qui vous passionne le plus profondément ?
Ne faire que ce qui nous passionne ? Quelle folie, dirons nous; car le business c'est ne pas faire toujours ce que l'on voudrait, c'est avoir ce sens du devoir qui caractérise ces personnes si tristes et résignées, qui ont perdu le goût de la vie, pour qui le bonheur est une denrée réservée aux autres (leurs enfants, leurs petits enfants, leurs collaborateurs,l'actionnaire, ou un Commandeur virtuel,peu importe, toujours l'autre..) mais pas à eux.. Eux, ils se sont forgé un personnage qui souffre pour la bonne cause (laquelle ?). Quelle tristesse.
Et bien Jim Collins nous rappelle cette évidence que seule la passion nous fait faire de grandes choses, et nous les fait faire bien.
Vincent Bolloré, sur ce thème, ne se cache pas pour dire que, s'il a décidé de se lancer dans le secteur des médias, c'est parce que c'est un secteur qui passionnait ses enfants : de quoi rendre dingues tous les experts en stratégie!
Alors, en répondant à ces questions, hop, vous voilà hérisson, et l'excellence est à votre portée. Il suffit d'identifier les points communs entre les trois questions.
Malheureusement il n'est pas sûr qu'on arrivera à trouver toutes les réponses en emmenant quelques paper board et des crayons de couleurs dans un lieu de séminaire, avec des collaborateurs désignés, habillés "smart casual", et un dîner de gala le soir.
Le process est plus long qu'il n'y paraît.
Cela ne dispense pas de commencer.
Alors les renards, prêts pour le trip hérisson ?
Ah c'est fourbe comme le renard ce concept de hérisson...
J'aime bien ces 'recettes' en 3 questions qui, si elles peuvent paraître parfois psychologie de comptoir, font en fait référence à des concepts plus profonds qu'il n'y parait, et nous permettent de retrouver l'important dans l'entropie des projets. Elles ont le mérite de se retenir facilement et donc d'être réutilisables souvent.
J'ai en mémoire d'autres 'recettes' toutes simples de management exposées dans ton blog que j'utilise de temps à autre! Je pense notamment au 'management by objective' dont tu avais parlé il y plusieurs mois.
Continue bien ton hérisson de blog, Gilles!
Rédigé par : Gabriel | 13 novembre 2006 à 04:58
bonjour voila je suis dans l'enseignement et mes eleves cherchent a savoir comment le renard mange l'herisson , est-ce avec la peau ou non .merci si vous m orientez
Rédigé par : amima mans | 04 février 2008 à 13:59
La ce sont quelques adresses de page expliquant une ruse du renard pour attraper le hérisson, en urinant sur lui pour le forcer à se détendre ...
http://www.petitschenes.com/documentaire/mammifere/Terrestres/renard.php
http://michele-gabriel.chez-alice.fr/pge70-18.html
D'autres prétendent que c'est une ineptie ... En raison de la thèse qu'il défend, c'est le devoir de cet article que de trancher et d'établir la vérité ...
Rédigé par : Chris | 23 avril 2008 à 16:43
Je crois que pour parvenir à manger un herisson, le renard trouve une stratégie pour le "noyer", càd qu'il doit rechercher une quelconque source d'eau proche, vers laquelle il mène le herisson en boule en le poussant avec son museau, et dans laquelle le herisson est finalement forcé à se dérouler, ce qui permet alors au renard d'atteindre la partie corporelle du herisson démunie de "pics"... ensuite, je ne pense pas que le renard mange tout le herisson entier, mais seulement cette partie, qu'il doit sûrement croquer (ou autre).
Voilà, j'espère vous avoir apporté un peu d'aide "amima mans" !...à vous et à votre classe!
Rédigé par : Suzette La Crêpe | 17 septembre 2008 à 02:46
Je trouve ce concept très intéressant, simple à appréhender certainement difficile à mettre en œuvre et qui s'applique à tous les niveaux : individuel, petite entreprise, grand groupe...
voir notre article http://www.creer-entreprise.org/autre/98-concept-du-herisson.html
Rédigé par : creer entreprise | 17 janvier 2010 à 11:55