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La loi de la performance

Assemblee_nationale_1 On est parfois surpris de la façon qu'ont les politiques d'aborder les questions de gestion et de management, avec des méthodes dont l'innefficacité a été plus que démontrée dans des contextes d'entreprises.

Voir par exemple cette obsession des chiffres à la place de la vision. Et aussi cette nouvelle découverte de "payer les fonctionnaires au mérite".

La lecture du catalogue des propositions de l'UMP , que Nicolas Sarkozy nous a fièrement présenté récemment, permet de nouvelles découvertes, et notamment cette étrange proposition N° 11 dans le chapitre visant à améliorer la gestion publique :

" Créer une quatrième loi du service public, en plus de la continuité, de l'égalité et de l'adaptabilité : la loi de la performance".

On ose à peine y croire !

On ne sait pas encore trés bien à quoi pensent les rédacteurs d'une telle proposition, mais le fait de croire qu'une loi, votée et discutée au Parlement par les députés, va améliorer la performance des organisations et de la gestion publique, c'est quand même incroyable.

Imaginons un chef d'entreprise s'y prenant ainsi ! Et que mettrait il dans une telle "loi" ??

Il y a longtemps que nos entreprises savent que l'on ne décrète pas la performance, et que ce ne sont pas les instructions, et encore moins les lois, qui la rendent réelle.

Mais alors c'est quoi l'astuce pour faire de la performance ? me dira ce rédacteur de la loi de la performance, toujours avide de se montrer bon élève.

Et bien , demandons le aux entreprises performantes.

Tenez, j'étais cette semaine en face d'un des dirigeants d'une entreprise de plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires, qui chaque année fait une croissance à deux chiffres du chiffre d'affaires et de son résultat, avec un taux plus fort pour le résultat que pour le chiffre d'affaires.

C'est quoi le miracle ?

Les produits, la qualité, la publicité, les tableaux de bord, le chef, une "loi de la performance" ?

Non, me répond-t-il, notre secret c'est "la politique des Ressources Humaines, qui encourage la mobilité, l'envie de bouger, de changer de poste, de métier, de façon de travailler, en permanence".

Cette entreprise fait passer ses collaborateurs d'un emploi fonctionnel à un poste opérationnel, du siège à une filiale, d'une marque à l'autre, d'un magasin à un autre.Cette politique, elle n'est pas écrite dans une note de procédure, elle est relayée à tous les niveaux. Chacun des collaborateurs en est l'ambassadeur.

Cette capacité à bouger, à changer, elle rend entreprenant, donne envie de se remettre en cause, de faire autrement tout le temps, de rechercher toujours l'excellence.

Cette capacité, elle a été acquise depuis de longues années, elle imprègne d'abord la culture, c'est un critère pour les évaluations, et pour les embauches : "Nous considérons que nous embauchons l'élite, et que notre devoir est de la garder et de la faire progresser le plus haut possible".

Bon, c'est sûr, il vend bien sa boîte, et il a l'air d'y être trés heureux; mais n'est-ce-pas là aussi une des composantes du succés de celle ci ? Avoir un dirigeant aussi enthousiaste, de nombreuses entreprises aimeraient bien avoir le même, non ?

Je sens notre rédacteur de la proposition numéro 11 un peu dubitatif.

Il va sûrement réfléchir à une proposition numéro 11 bis : "la loi de l'envie de bouger" dans le service public. Et puis aussi une "loi qui rend heureux", ça serait super non ?

Bon courage !!!!


La vraie couleur du caméléon

Cameleon2 La saga Mittal, qui a mangé Arcelor il y a quatre mois, ne s'arrête jamais.

Aprés les prévisions de Thierry Breton, les exercices d'illusionniste de Guy Dollé, la nomination puis le départ du Directeur Général à la cravate trop courte, on est maintenant dans la phase "Lakshmi et Aditya sont dans le même bateau", bel ensemble du père et du fils.

Le Monde daté de vendredi 17 novembre, sous la plume, de Dominique Buffier et Virginie Malingre, revient sur "la chevauchée de Lakshmi Mittal".

Ils donnent la parole à des cadres, souvent français, qui sont complètement déboussolés par les méthodes de ce nouveau patron, qui a pris tous les pouvoirs, au point d'en apparaître parfois un peu débiles.

Florilège de ces réactions de cadres du Groupe, accrochez-vous :

"Arcelor-Mittal n'attend pas, comme on le faisait chez Arcelor, d'avoir 100% des détails pour décider. Avec 80%, on considère que cela suffit et cela permet d'aller beaucoup plus vite".

"Nous sommes passés d'un management de la vieille école, avec des corps intermédiaires, à un seul homme qui décide de tout".

"Je ne sers plus à rien", atteste un Directeur d'usine.

"Les collaborateurs ont le sentiment de travailler exclusivement pour enrichir Lakshmi Mittal".

A une réunion des cadres européens, Lakshmi Mittal a évoqué le caractère "bureaucratique" d'Arcelor. Et cité Carlos Ghosn, le patron de Renault, pour regretter que les européens ne respectent pas leurs engagements, contrairement aux japonais, prêts à se faire "hara kiri" pour tenir leurs promesses.

M. Mittal veut toujours challenger tout le monde. A un mexicain, il dira que les Sud-Africains sont meilleurs. A ce dernier, il dira que les Russes travaillent mieux.

Plus qu'avant, on est jugé sur la performance économique.

Oui, il en prend plein la tête, cet indien chevauchant. Et en même temps , on sent un mélange de bonnes intentions, de bonnes choses, et de pratiques complètement "has been". Déplorer ainsi en public que les cadres français ne se font pas assez "hara kiri", ça a quel impact ? Quelle est la cause de ces attitudes ? On n'en parle pas.

L'article nous révèle aussi que " M.Mittal fait un recours trés intensif aux "reporting" dans les sites, où les cadres doivent remplir des questionnaires sur tous les sujets, et le plus souvent en anglais". (cette précision courroucée , "et le plus souvent en anglais", quelle ringardisation de nos cadres français !! je me demande si les journalistes du Monde n'en font pas un peu trop...).

Cet usage du reporting, des tableaux de bord en tous genre, c'est vrai que c'est une maladie trés répandue dans les grands groupes; M. Mittal n'a rien inventé. Il donne à coup sûr cette impression de contrôler la situation et de challenger l'organisation comme un vrai chef.

Ma pratique professionnelle m'a amené à analyser et à participer à la mise en place de nombreux systèmes de ce genre. Leur degré d'efficacité est en fait trés variable.

Cette pratique est souvent considérée comme une évidence, à tel point que les patrons se plaignent souvent, quand quelque chose ne va pas bien dans le fonctionnement du Groupe, quand les performances ne sont pas celles attendues, que tout cela est dû à l'absence de cohérence dans les indicateurs, au manque de visibilité sur les vrais KPI (oui, ces fameux Key Performance Indicators). On cherche alors de nouveaux indicateurs, de nouveaux tableaux de bord, à simplifier quand il y en a trop, à sophistiquer quand on a loupé quelque chose. Ca ne s'arrête jamais. C'est un peu comme de chercher à connaître la vraie couleur du caméléon, à fixer les choses alors que l'entreprise est en perpétuel mouvement, à se doter des indicateurs stables qui expliquent la totalité de la complexité du business : quelle illusion !

L'expérience montre que cette recherche de la couleur du caméléon ne débouche sur rien.

Il est bien préférable de rechercher l'optimisation,  à chaque niveau de l'entreprise, et surtout près du terrain, des indicateurs adaptés aux objectifs à piloter, ces indicateurs pouvant d'ailleurs évoluer en fonction des stratégies et plans d'actions opérationnels. Savoir ce que l'on veut, pour favoriser quels comportements, voilà des questions importantes préalables à toute action. (peut être que les questionnaires de Mittal vont dans ce sens d'ailleurs).

Et savoir ne pas en faire trop.

Je connais un Groupe où les dirigeants ont constaté qu'ils avaient tellement bardés les collaborateurs d'indicateurs en tous genre et de reporting, qu'ils ont l'impression que les gens s'y sont accoutumés et sont devenus insensibles : qu' un indicateur passe au vert ou au rouge, ils en trouvent toujours un autre qui passe à la couleur inverse, conclusion, ça ne leur fait plus rien, et ils ne réagissent plus. Un peu comme immunisés...

Pierre Bilger, ancien dirigeant d'Alstom, aujourd'hui reconverti en bloggueur retraité, se fait le chantre de ces pratiques de reporting financier dans son ouvrage "4 Millions d'euros, le prix de ma liberté", cqui aborde par ailleurs la justification de ce geste d'abandon de ses primes de départ. Il est tout fier d'avoir mis en place un tel système de contrôle, et évoque :

"la difficulté que peut représenter le fait d'imposer un système de comptabilité générale et analytique unique associé à une discipline de comptes rendus mensuels obligatoires et à un contrôle centralisé des offres commerciales les plus importantes, à des unités appartenant de plusieurs nationalités en Europe et hors Europe, et qui considèrent toutes, notamment lorsqu'elles sont issues de fusions ou d'acquisitions récentes que leurs comptes statutaires ou sociaux doivent suffire à l'information de l'échelon central de l'entreprise. Cette démarche est cependant indispensable au succès. Sans cet instrument d'analyse et de mesure homogène, il n'est pas question de gestion transnationale possible".

Oui, ce plaidoyer pour le contrôle et les indicateurs homogènes, il est bien ancré, Bilger - Mittal, même combat. Il faut beaucoup de courage pour combattre ce genre d'idées reçues.

A propos de cette expression "instrument d'analyse et de mesure homogène", un dirigeant m'a répliqué un jour :

- "Vous savez quel goût ça a le lait homogénéisé ?

- AUCUN ! "

Est-ce que les caméléons boivent du lait ???


Docteur Renard et Mister Hérisson

Fox Si l'on en croit Isaiah Berlin, dans son essai "Le Hérisson et le Renard", le renard a des choses à nous apprendre dans ses histoires avec les hérissons. Jim Collins commente longuement cette parabole dans son best seller "Good to Great", traduit aussi en français, visant à identifier ce qui distingue les entreprises performantes des entreprises excellentes.

De quoi s'agit-il ?

Le renard, c'est celui qui fait de nombreuses choses, qui connaît de nombreux tours, et qui chaque jour attaque le hérisson et n'y parvient jamais.

Le Hérisson, c'est celui qui connaît une seule chose, mais qu'il maîtrise parfaitement, celle de se rouler en boule, de dresser ses épines, et de mettre hors d'état de nuire le renard.Herisson

Le hérisson gagne toujours.

Alors, chacun de ces auteurs poursuit dans la métaphore.

L'individu d'abord :

L'humanité se divise en renards et en hérissons.

Le mauvais rôle, c'est le renard, bien sûr. Il poursuit plusieurs buts en même temps, il perçoit toute la complexité du monde. Il est trés réactif ou proactif, et insiste sur la necéssité d'apporter des réponses multiples aux problèmes. C'est celui qui se plante tout le temps ou, au mieux, s'en sort tout juste. Là, par exemple, j'ai visualisé Jacques Chirac (celui qui veut de l'action).

Et puis la star, c'est, of course, le hérisson : c'est celui qui simplifie un monde complexe en une vision unificatrice. Il se forge une idée d'organisation, un principe ou un concept de base qui unifie et guide tout ce qu'il va faire. Là, je me suis rappelé le discours de Jean-Paul Bailly.

Il est clair que, en prenant connaissance de ces deux concepts, on a tendance, comme dans "Docteur Jeckill and Mister Hyde", à se sentir souvent tiraillé entre les deux, selon les moments et les occasions. D'ailleurs l'analyse de Isaiah Berlin est plus nuancée que celle de Jim Collins (mais l'un parle des écrivains et philosophes, l'autres du monde des affaires, qui ne croise pas toujours les premiers).

Parfois, on a l'impression de se disperser, de vouloir faire des choses trop disparates, de ne pas bien savoir ce que l'on veut, là on est le renard.Et on trouve toujours un hérisson à aller embêter, et contre qui l'on se frotte et l'on se pique.Pensons à ce "commercial" prêt à vendre n'importe quoi à n'importe qui.

Et puis, parfois, on se sent comme appelé par une vision, un but de vie, qui explique tout, qui nous guide dans tous nos choix, là on se sent fort comme un hérisson. Et puis l'on doute, on se demande si ce but est vraiment le bon, et le renard reprend possession de nous.

Pour Jim Collins, cette métaphore se transpose pour l'organisation toute entière.

Celle qui va s'en sortir mieux que les autres, c'est celle qui sera hérisson, qui aura une vision sûre et affirmée de ses choix et valeurs.

Quand on fréquente quotidiennement des dirigeants d'entreprises, on ne peut s'empêcher de penser qu'il y a probablement plus de renards que de hérissons dans ces organisations. Cette tendance générale à multiplier les projets de toute nature, parfois en concurrence entre eux, semble une caractéristique forte en ce moment, parfois pour la plus grande satisfaction des consultants eux-mêmes un peu renards, qui viennent trouver à manger et à boire dans ce vaste buffet mal agencé.Je ne parle pas seulement des projets de diversification ou d'innovation, mais de toutes les initiatives de changement et d'action. Il est toujours intéressant de se poser la question : "mais dans quel but faites vous toutes ces choses ?".

Alors, pour mettre un peu de hérisson dans tout ça, comment s'y prendre ?

Jim Collins nous donne un outil trés utile. Il s'agit de trois petites questions qui ont l'air toutes simples et faciles, mais qui, si l'on commence à les prendre au sérieux, peuvent nous obséder pendant longtemps.

Prêts ?

Lire la suite "Docteur Renard et Mister Hérisson" »


Les anciens ont-ils autre chose à apprendre aux jeunes que des vieilles choses qui ne servent plus à rien ?

Jeuneetvieux

Le Monde du 7 novembre, dans l’éditorial du supplément « Campus », signé par Marie-Béatrice Baudet et Antoine Reverchon,revient sur « les illusions du jeunisme ».

Ce jeunisme, il est dénoncé de façon récurrente, même Sarkozy nous l’a fait.

Ce jeunisme suspecté, c’est celui qui suppose que les jeunes seraient détenteurs de « compétences d’avenir » que les anciens seraient incapables de maîtriser, et qu’ils doivent donc au plus vite prendre le pouvoir, faire entendre leur voix, dans tout ce qui décide d’important pour la société.

Ceux qui font ces procès au jeunisme tombent dans un autre travers : les séniors détiennent le savoir, l’expérience, et donc il faut qu’ils les transmettent aux juniors pour leur donner les atouts de la réussite. En gros, ils considèrent que la meilleure façon de faire progresser les jeunes, c’est de leur donner des habitudes de vieux. Le discours des banques est assez marqué par cette tendance.

Or, cette croyance qui, comme le dit l’édito du Monde, « qu’il existerait des compétences spécifiques à chaque classe d’âge qui pourraient être transposées par blocs dans les cerveaux inexpérimentés des jeunes recrues », est toute aussi débile.

Et l’article, de façon pragmatique, de rappeler que « Les sociologues montrent que l’innovation, ou tout simplement la résolution des problèmes, provient de la synergie entre différents types de compétences, issues de la technique comme des règles de l’art, dont chacun peut partager l’usage tout en conservant la propriété, et dont il attend avant tout la reconnaissance ».

Suit un dossier très intéressant sur cette histoire de cohabitation « à risques » entre les juniors et les séniors.

En fait, toutes les attitudes de pro-jeunisme ou d’anti-jeunisme se caractérisent par une bonne dose d’arrogance de part et d’autre qui ne peut que rendre compliqué le dialogue.

En outre, nombreux sont ceux qui ne se donnent jamais des occasions de dialoguer avec des personnes plus âgées ou plus jeunes, selon leur situation, et qui ont de fait une vision assez théorique du sujet. Je parle d’écart d’âge d’au moins une génération. Bien sûr, ces dialogues existent (mais pas toujours avec le bon niveau de qualité) dans les familles, entre les parents et les enfants, ou bien dans l’entreprise entre le chef et ses troupes (mais là encore le lien de subordination change un peu la donne).

Non, le dialogue dont je parle, c’est celui de l’échange entre les générations, celui de l’écoute, de l’entraide.

Des jeunes eux-mêmes, loin de toutes les polémiques stériles, essayent de favoriser ce dialogue, et de rechercher des solutions, comme l'association Actenses.Leur but dépasse l'entreprise, et adresse aussi la représentation des jeunes dans le monde politique et syndical.

Mao disait dans son traité « de la guerre révolutionnaire » que ce type de guerre ne s’apprenait pas dans les traités militaires, ni en reproduisant les guerres antérieures, mais directement sur le terrain, dans le combat (« combattre, c’est apprendre »), et c’est pour ça que tout citoyen peut réussir. Sun Tsu aussi nous enseigne que « dans le monde, il n’y a rien de difficile, il faut seulement des gens désireux de bien faire ».

En fait seule l’expérimentation par chacun, comme dans la guerre révolutionnaire, permettra de débloquer ces situations d’incompréhension. Le tout est de s'y mettre.

Pourquoi ces réflexions ?

C’est parce que, grâce aux contacts intergénérationnels que permet le réseau des bloggueurs, j’ai expérimenté encore hier ce type de dialogue avec un fana du buzz marketing, et un expert en blog, en échange d’un peu d’aide dans ses recherches de contacts. Lequel de nous deux, grâce à cet échange sympathique, a-t-il le plus appris ?

Quelle drôle de question.....


Pourquoi ressemblent-ils tous à leur chien ?

Threedogs Vu dans le blog de Seth Godin, le guru du marketing, et auteur de "la vache pourpre" dont Yoann avait parlé dans le sien.

Ces images trop drôles, tirées d'un concours , nous rappellent combien les clients et les produits qu'ils achètent, c'est comme une histoire d'amour.

Ce que nous achetons, ce que nous consommons, valide ce que nous sommes ou croyons être.

Une entreprise achètera à un fournisseur qui correspond à son idée de la confiance, du sérieux, de la sécurité, si ces caractéristiques sont des valeurs fortes pour elle.

En fait tout ce que nous consommons, achetons, parle de nous, de nos valeurs, de nos préjugés.

On peut même aller plus loin : l'entreprise où nous travaillons, notre patron, nos collaborateurs, tout ça correspond à un choix inconscient, à une part de nous même.

A ce jeu, il suffit de regarder autour de soi pour mieux se connaître; tout nous parle de nous.Et pourquoi pas notre chien ou notre chat ?

D'ailleurs certains ressemblent parfois autant à leur patron que les personnages de ces photos à leur chien... Vous en connaissez sûrement comme moi quelques-uns.

Cette réflexion est intéressante quand on s'entend dire soi-même "mon xxxxx est pas assez ceci, trop cela"; et si ce xxxxx (mettez le nom de votre tête de turc du moment), c'était soi-même ?

Oui, ça fait un peu psychologie de comptoir; mais l'exercice est amusant; et puis ce genre de plaintes, on en entend tous les jours, dans les entreprises. Alors pourquoi ne pas jouer un peu avec ?

Et quand on en surprend un se plaindre, par exemple de ses commerciaux pas assez efficaces, on peut aussi essayer d'imaginer comment est son chien...Chien5_1 et si il le trouve efficace.

Oui, l'entreprise, le monde sérieux des affaires, est une source inépuisable de petits jeux amusants qui ne peuvent que nous aider à garder l'esprit optimiste en toutes occasions.

Chien6 Tout est question de philosophie de vie.

Ce n'est pas parce que l'on ressemble à son chien que l'on doit avoir une vie de chien, non ?


Action et proactivité : faut-t-il s'en méfier ?

Chirac_1 C'était dans Le Figaro, en gros, à la Une, mardi dernier 31/10) :

"Ce que je veux, c'est l'action avant tout"

C'est Jacques Chirac qui parle comme ça; il est dans son costume de Président, de chef.

L'interview déroule toutes les réformes dont il est content (en fait, il est content de toutes), et toutes celles dont il veut nous faire cadeau avant de partir.

Dans cette posture, on sent tout le volontarisme dont se revendique Jacques Chirac; il le dit d'ailleurs : "Nous mettons tout en oeuvre pour que la France passe sous la barre des 8% en 2007. C'est volontariste, et c'est possible". (Il parle du chômage, pas du saut à la perche).

Et ces réformes auxquelles il tient, il nous en prévient : "Rien ne me détournera de ces objectifs".

Oui, dans cette interview du Président, on a beaucoup parlé de tout et de rien.

Cette obsession de l'action, voilà bien une caractéristique de ces discours de chefs, un peu guerriers.

Qu'est ce que ça nous dit ?

J'ai gardé en tête une citation de Georges Pompidou qui, dans un livre de mémoires qui est resté assez confidentiel, "Pour rétablir une vérité",disait :

"L'action demande plus au caractère qu'à l'intelligence, mais il faut admettre qu'à bien des égards elle appauvrit".

Oui, ce désir d'action, cette concentration sur "ce qu'il faut faire", il cache parfois de drôles de choses, et pas forcément beaucoup d'intelligence.

Dans le monde des entreprises, l'action, la proactivité comme disent les savants du management, est aussi une valeur mise en avant. Prenez Stephen R. Covey, le célèbre gourou, avec son best seller "Les sept habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu'ils entreprennent", quelle est donc la première de ces habitudes dont il parle : Soyez proactifs !

Être proactif, c'est en fait ne pas se laisser perturber par ses émotions, ne pas réagir (Covey oppose d'ailleurs la réactivité, pas bien, à la proactivité, super), mais au contraire rester maître de soi-même, de ses choix. C'est le premier pas vers l'indépendance.

Ce conseil s'adresse d'abord à l'individu, et comporte, certes, de bonnes choses; cette maîtrise de soi, cette capacité à choisir, ça ne peux pas faire de mal, et c'est toujours mieux que de s'énerver tout le temps, ou de pleurer de désespoir dès que quelque chose ne va pas.

Mais, étendons cette attitude à l'entreprise dans son ensemble, et là, que voyons nous ?

L'entreprise proactive, c'est celle qui est apparemment un modèle, et se caractérise par de fantastiques outils de contrôle et de prévision : rationalité, plans stratégiques, risk management.

C'est l'organisation qui a rendu tout intelligible, qui met tout en équations, qui aime les organigrammes, les procédures, tout ce qui empêche le désordre, le chaos, le bordel.

Ce genre d'organisation, on a longtemps considéré que c'était l'élite des entreprises, celles où vont tous les diplômés des grandes écoles, qui ont justement appris à fonctionner dans ces systèmes biens huilés.

Malheureusement, ces organisations et ceux qui s'y complaisent sont vite atteints par de graves maladies qui sévissent encore aujourd'hui.

Ces graves maladies sont l'égoïsme, l'arrogance, l'aveuglement, le manque de vision; le manque d'écoute de l'environnement.

Cette conviction que l'entreprise se pilote, que dire "JE VEUX" permet de tout faire, que le volontarisme est une vertu pour réussir, sans que "rien ne détourne de l'objectif", que de dégâts elle fait.

Croire que l'entreprise, ou toute organisation, est un monde fermé et contrôlable, c'est se bercer d'illusions, et préparer ceux à qui on essaye de faire croire de telles bêtises à des réveils difficiles.

Cette vision du monde, il est plus que temps de s'en méfier.

L'organisation est ouverte; ce dont ont besoin les entreprises tient d'abord de la vision, et le modèle d'organisation de la "proactivité" doit vite faire la place à des modèles qui parlent plus d'interactivité, de spiritualité. Harrison Owen , dont j'ai déjà parlé, est un fervent défenseur de ce type d'organisation, qu'il appelle "inspirées".

Cela évoque une salle de concert où l'orchestre, les musiciens, les spectateurs, sont en fusion dans la musique de Bach ou Mozart, comme un moment magique. Et non un chef d'orchestre tout seul qui s'agite en criant "Je veux que vous aimiez ma musique !".

Pour nos organisations, être inspirées, cela correspond à l'acceptation du chaos comme un facteur obligatoire et nécessaire du développement et de la transformation des entreprises.

C'est aussi l'organisation où il n'y a pas un héros qui dit "Je Veux", mais un maillage de communautés de pratiques où finalement il n'y a pas de héros, pas plus dans l'entreprise qu'à l'extérieur.

C'est aussi l'organisation où l'on s'amuse et où l'on prend plaisir à travailler, justement grâce à cet "esprit" qui y circule, alors que l'organisation "proactive", c'est celle où l'on parle sans arrêt d'efforts, de difficultés, de peine, où l'on ne rêve jamais, et qui fatigue tout le monde.

L'organisation inspirée, c'est aussi celle où l'on ne dit pas sans cesse "Je sais", mais où l'on apprend sans cesse. Et pas apprendre au sens d'engranger des connaissances et des compétences, comme à l'école, mais apprendre des expériences de vie, vivre des transformations personnelles.

On ressent combien ces caractéristiques de l'organisation interactive, ou inspirée, facilitent l'innovation, la qualité de vie, la relation clients. Tout ce que l'organisation proactive sait de moins en moins bien faire face à la complexité du monde. Même s'il reste quelques Jacques Chirac pour s'en réclamer...

Alors ces discours proactifs, obsédés de contrôle et d'action, qui ne font rêver et n'inspirent personne, oui, méfions nous-en. Et engageons nous vers des principes de management plus ouverts, plus inspirés....plus efficaces.