Le retour de la "valeur travail" en plein mois d'août !
02 septembre 2006
En plein mois d' août, elle est venue nous le crier dans les oreilles, elle veut "reconstruire la valeur travail", en clair, "Au boulot !"
Elle, c'est Ségolène Royal à la fête de la Rose de Frangy.
"Si je suis en situation, je peux vous dire que la valeur travail sera reconstruite"
Heureusement, on a un peu de temps, car pour être "en situation" elle a encore un peu de chemin à faire, mais quand même, on doit peut être se préparer, non, et nous lever de nos transats....ça tombe bien, c'est la rentrée.
Cette histoire de valeur travail, c'est pour nous dire que l'argent facile gagné sans rien faire, c'est pas bien, ce qu'il faut c'est reconnaître mieux le travail.
Dans l'esprit de Ségolène Royal, redonner de la valeur au travail, c'est "des salariés bien payés et bien formés", car c'est "ce qui crée la compétitivité et la croissance".
Et elle ajoute "Les français ne sont pas du tout fâchés avec la valeur du travail, mais ils sont insatisfaits de leurs conditions de travail".
Son truc, c'est que "le pacte social soit tenu". Pas de contrats précaires, pas de filles moins payées que les garçons.
Pour les solutions concrètes à ce problème, il va falloir attendre un peu, mais elle nous promet que ça va être super, et qu' "avec vous, j'ai confiance".
Sympa , non ?
D'ailleurs, ce week-end, Nicolas Sarkozy, bronzage insolent en couverture du Figaro Magazine, à peine rentré d'Arcachon, nous le dit lui aussi, "La France doit rompre avec la culture du non travail. La France doit récompenser le travail". Lui, c'est plutôt sur les droits de succession qu'il veut agir (car, pour récompenser le travail, rien de tel que de penser que nos héritiers pourront s'en partager le fruit sans payer d'impôts, c'est chic non ? ).
Décidément, on pourra pas dire qu'on n'a pas été prévenu !
Mais les solutions des politiques, on a l'impression qu'elles ne répondent pas complètement au sujet.
En fait le sujet est bien posé, et plusieurs études récentes viennent nous donner des éclairages supplémentaires, plus en phase avec la vraie vie des entreprises.
Les Echos du 25 août (oui, encore en août, ils se sont donnés le mot avec Ségolène), rend compte d'une étude du Gallileo Business Consulting, auprés de 567 étudiants des grandes écoles de gestion et d'ingénieurs.
Evidemment, quand on parle conditions de travail difficiles, on ne pense pas forcément à cette population, mais justement,observons les réactions des jeunes qui vont entrer comme cadres juniors dans nos entreprises cette année :
80% pensent que les 35 heures sont un frein pour l'économie du pays.
Une majorité se sent prête à travailler au moins 48 heures par semaine.
Ils veulent aussi travailler plus longtemps : 60% veulent travailler au-delà de 65 ans.
Un des dirigeants de Gallileo commente: "Ces étudiants savent qu'ils vivent dans un monde ouvert, où la compétitivité est le maître mot. Ils ont conscience qu'ils devront , de toute façon, travailler beaucoup et sans doute plus que leurs aînés. On assiste à un retour en force de la valeur travail, qui avait perdu de son attrait ces dernières années, au profit de la recherche de l'équilibre personnel".
Donc, c'est clair, les jeunes des grandes écoles, eux, ils y croient à la valeur travail.Ils ont envie de bosser dur.
Mais ce qui bloque, c'est qu'ils pensent aussi que la France est mal armée, et sont pessimistes sur sa compétitivité. Alors ils iraient bien travailler ailleurs...
Complétons avec une autre étude citée dans Le Monde du 31 août (c'était le dernier jour, on revenait tout juste de la piscine...), et analysée par Thomas Philippon, économiste et professeur assistant à New York University.
Il cite une enquête de la World Value Survey (WVS) , conduite sur les valeurs et attitudes des citoyens dans 80 pays.
Deux questions portent justement sur cette "valeur travail" :
- Quelle est l'importance du travail dans votre vie ?
- Est-il important d'apprendre à vos enfants à travailler dur ?
La France est 30ème sur 80 pour l'importance du travail, en tête des pays riches, devant les Etats Unis et loin devant le Danemark et l'Angleterre.
Pour l'importance d'enseigner aux enfants à travailler dur, la France est 47ème.
Alors si tout le monde a envie de bosser, c'est quoi le problème de la valeur travail ?
L'étude témoigne exactement du point évoqué par Ségolène Royal :
"La France est le pays développé où la part des gens satisfaits de leur travail est la plus faible. Selon une autre enquête auprés de managers (Global Competitiveness Report 2004), lorsqu'on pose la question : "Les relations entre employés et employeurs sont elles conflictuelles ou coopératives ?", la France arrive 99ème sur 102 pays pour le caractère conflictuel. Seuls le Venezuela, le Nigeria et Trinidad font pire. "
Dans l'étude du World Value Survey, on enfonce le clou : Parmi les pays d'Europe, la France se classe dernière pour "la liberté de prendre des décisions dans son travail", et avant-dernière pour la "satisfaction dans son travail".
Autre élément au dossier, l'incapacité de la France à engendrer des entreprises où l'on aime travailler :"Dans le classement des entreprises où il fait bon travailler en France, on trouve des entreprises américaines aux quatre premières places, et il n'y a que trois entreprises françaises parmi les dix premières."
N'en jetez plus !
Thomas Philippon commente ces résultats en évoquant les hiérarchies rigides et le management autoritaire caractéristique des entreprises françaises.
Eternelle question où les managers se plaignent du manque de motivation des employés, et où les employés ne se sentent pas reconnus et suffisamment autonomes.
C'est vrai que le management au travers du contrôle, non seulement est traditionnel,mais en plus il est plus facile. Il est tellement ancré dans l'esprit de certains managers que pour eux, il n'existe pas d'alternative.
Thomas Philippon nous le dit bien : "Organiser le travail de façon humaine et intelligente est aussi difficile et aussi important que de découvrir un nouveau produit, et personne ne peut innover à la place des entreprises."
Oui, ce ne sont pas les politiques et les promesses de Ségolène Royal ou de Nicolas Sarkozy qui résoudront ce problème. La réponse est entre nos mains, à nous les managers déjà en place dans les entreprises, dans la façon dont nous accueillons les jeunes pleins d'ardeur qui , revenus de vacances, veulent bosser, mais pas se faire maltraiter par des méthodes de management qui ont peut être été encaissées par leurs aînés, mais dont ils ne veulent plus.
Ghislain Lafont, professeur à l'Executive MBA d'HEC, est venu apporter son témoignage dans Les Echos du 30 août :
"Les futurs managers ont besoin de nous !".
Il insiste sur l'exigence de parler vrai, de parler fort, et de parler au coeur des jeunes.
"Les jeunes professionnels, comme tous les jeunes, cherchent de l'exigence et attendent d'être tirés vers le haut".
Alors, si l'on cherche sincérement à donner envie de se sentir bien aux collaborateurs de notre entreprise, on fait comment ?
Rob Lebow et Randy Spitzer, dans leur excellent ouvrage, "Accountability, Freedom and Responsability without control" nous donnent quelques clés, et bouleversent toutes nos idées reçues.
Ils font la liste des 10 pratiques qui détruisent la confiance et la performance des collaborateurs.
Prêt pour la découvrir, et faire passer le test à votre entreprise....?
Alors cliquez sur la suite...
Les dix pratiques et idées qui empêchent de construire une entreprise basée sur la confiance et la satisfaction au travail, sont :
1. Incentive programs & Pay For Performance plans,
2. Internal competition,
3. Performance Review,
4. Forced Ranking systems,
5. Personnal Improvement plans,
6. Managing people,
7. Restrictive policies and procedures,
8. Employee recognition programs,
9. Mission, Visions and Value Statement,
10. Traditional job description.
Cela vous semble provocateur, complètement irrationnel, farfelu, oui, allez-y, lâchez-vous....
Tout cela est normal, car, comme le soulignent les auteurs, il faut un peu de temps pour s'en convaincre, et expérimenter cette nouvelle (nouvelle ?) approche du management.
C'est dur, en effet de croire que la confiance et le respect sont plus efficaces que le contrôle et les procédures rigides. Et pourtant, on a envie d'y croire...
Et les résultats sont probants.
Mais la démarche est complexe; par exemple, elle nous amène à préciser les responsabilités de chacun (oui, car ce n'est pas le chef qui est responsable de tout :ah bon ?)
Et puis ces managers qui abandonnent la mauvaise habitude de toujours contrôler et demander des comptes, jusqu'à y investir, allez, disons 60 ou 70% de leur temps, que vont ils faire dans une telle démarche ? Ils vont devoir justifier leur existence en démontrant des talents de mentor, de coachs, d'encouragement; ils ne seront plus ceux qui vont demander à contrôler, mais ceux à qui on s'adresse spontanément pour demander de l'aide, pour progresser plus vite. Ils vont tenir ces nouveaux jobs jusqu'à 70% ou plus de leur temps. (ça a l'air un peu compliqué...).
Oui, toutes ces pratiques restent à perfectionner et généraliser pour faire progresser les entreprises françaises dans toutes ces études citées plus haut.
Alors, si l'on veut que les jeunes, et les moins jeunes, tout justes rentrés de la plage, la peau et les nerfs reposés, soient encore plus efficaces en étant plus heureux, pourquoi ne pas commencer tout de suite ? En commençant par nos collaborateurs les plus proches.
Comme ça, on aura un peu commencé le boulot quand Ségolène Royal ou un autre, de quelque parti qu'il vienne, sera "en situation".
On est sympas, non ?
Bonne rentrée !
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