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Le retour de la "valeur travail" en plein mois d'août !

Testons notre Vision

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Quand il s’agit de parler du futur dans l’entreprise, de quoi parle-t-on ?

Essayons autour de nous.

La plupart du temps, on s’embarque dans les plans, ou LE plan stratégique, et les budgets.

Le budget, c’est la déclinaison financière du Plan ; le plan, c’est ce qui va définir, étape par étape, comment nous allons mettre en œuvre notre stratégie. La stratégie, elle, d’où vient-elle ? D’une analyse objective des marchés, de la concurrence, des forces, faiblesses, opportunités, contraintes (SWOT) ? Mais alors, pour chaque entreprise, il existerait une stratégie, unique, qu’il suffirait de trouver en appliquant la bonne méthodologie ? Il n’y a probablement plus grand monde pour croire à ça, quoique…

Non, la stratégie a aussi sa part subjective, qui est nourrie par une vision.

Cette vision, c’est, en fait, la face irrationnelle du management.

Même si elle n’existe pas formellement, elle est la part inconsciente des dirigeants et des décideurs. La stratégie est le déploiement de cette vision implicite ou explicite, sa concrétisation dans les processus de décision, dans les choix, dans les actions opérationnelles.

Certains appellent ça la culture de l’entreprise, sans la formaliser non plus : cette culture, c’est ce qui fait qu’on aime prendre des risques, ou au contraire qu’on avance toujours prudemment.

C’est aussi cette culture qui fait la confiance entre les collaborateurs, ou au contraire qui répand la terreur et les systèmes de contrôle.

Mais la vision, c'est plus que ces aspects de culture ou de comportement, c’est une description de notre entreprise de demain qui emporte l’adhésion de ceux qui vont être chargés de la mettre en œuvre. C’est une image d’un état futur, qui contient aussi des valeurs, des principes. Elle contient aussi l’expression de la « mission » de l’entreprise, qui ne peut pas se réduire à « créer de la valeur pour l’actionnaire », comme certains l’ont crû dans les années 90. La vision est aussi l’expression des objectifs, des ambitions, des rêves de l’entreprise et de sa communauté de collaborateurs et, plus largement, de ses « stakeholders ».

Et pourtant, que d’embarras quand on parle de cette vision. Souvent cet exercice est assimilé à une succession de phrases creuses et de bonnes intentions, que peu de collaborateurs prennent au sérieux. On pense aussi à tous ces « credo » et « vision statements » qui décorent les halls des entreprises, notamment américaines. C’est un exercice un peu lyrique, permettant au Président de dérouler des discours de vainqueur.

Alors, on peut avoir tendance à accorder peu d’importance à cet exercice, pour se concentrer sur l’ACTION. FAIRE des choses, ça rassure.

Pourtant, on sent en ce moment dans les entreprises et organisations, un besoin plus fort de mieux souder les collaborateurs autour d’une même compréhension du sens et des valeurs.

Ceci conduit au développement et à la formalisation de valeurs, qui décrivent aussi ce que cette entreprise veut ÊTRE dans le Monde.

Ce système de valeurs est le meilleur moyen de structurer le système de gouvernance, qui ne se confond pas avec l’exercice du management.

Ce besoin est d’autant plus ressenti que les conflits deviennent plus forts entre différentes parties prenantes de l’entreprise. Ces conflits, on les connaît bien, entre l’expression des actionnaires, celle des salariés, celle des clients, celles des institutions…

Au niveau individuel, notamment pour les managers, des conflits tout aussi importants sont ressentis, par exemple entre ce besoin d’innovation et de risque et celui de la productivité et des résultats court terme. Conflit aussi entre la qualité et le meilleur coût de revient. Conflit encore entre la confiance dans les relations professionnelles, et cette tendance à instaurer des systèmes de contrôle et de reporting toujours plus sophistiqués. Conflit encore dans les situations de corruption active ou passive pour obtenir des contrats.

Mais quel est le meilleur process pour développer cette vision dans l’entreprise ?

Certaines entreprises ont un manager ou une équipe, souvent proche des responsables de la stratégie, en charge de formaliser la mission, un ensemble de valeurs, et une ambition. Certaines basent l’expression de cette mission sur leur intuition personnelle ou leur connaissance de l’environnement de l’entreprise. D’autres conduisent des analyses plus détaillées sur les forces et faiblesses internes, la concurrence, l’environnement économique et social. Une fois cette vision exprimée, elle est partagée avec d’autres collaborateurs, pouvant être alors revue, corrigée, avant d’être validée.

Dans certaines entreprises, c’est le comité de Direction qui élabore la vision, dans d’autres un plus grand nombre de collaborateurs sont impliqués.

Puis, sur la base de cette vision, on enclenche le plan stratégique. Généralement, cette Vision est là pour durer, et elle n’est pas revue aussi fréquemment que le plan stratégique. Toutefois, elle peut faire l’objet de mises à jour partielles.

Cette approche est fortement contestée par les tenants d’une conception plus introspective de la vision.De quoi s’agit-il ?

Cette théorie suggère que la Vision n’est pas un exercice à construire, mais au contraire qu’elle préexiste dans les gènes de l’entreprise, dans la personnalité du dirigeant et des collaborateurs. Oui, tous ces collaborateurs ont quelque chose en eux qui fait qu’ils sont là ensemble dans cette entreprise. C’est cette cause secrète, sacrée, qu’il s’agit de révéler pour faire émerger la vraie Vision.

Ne pas faire cette introspection, c’est prendre le risque de dégager une vision trop rationnelle, bureaucratique, qui serait en contradiction avec les désirs profonds de la communauté humaine qui compose l’entreprise, y compris ses clients, ses fournisseurs, et qui aboutirait à ce que, inconsciemment, la communauté humaine agirait contre cette vision non conforme, et ferait échouer les stratégies déployées à partir de celle-ci.

Cette théorie est notamment celle d’un auteur comme Harison Owen.

Ce process est donc fondamentalement différent de l’exercice de Vision observé dans de nombreuses entreprises. Il s’éloigne d’un exercice actif et directif, et va plutôt privilégier une approche ouverte, non directive, qui vise à faire émerger des éléments inconscients, des histoires, des valeurs personnelles, des émotions, des pulsions qui parlent au corps et au cœur plus qu’à la tête. C’est un process qui commence dans la solitude et l’intimité de chacun, et notamment du dirigeant, et qui va changer fondamentalement la façon dont se perçoivent les individus entre eux. Il va faire réfléchir sur qui nous sommes, dans l’entreprise et dans le monde. Il va être l’occasion aussi de poser la question sur ce que l’individu , ce que l’entreprise, apporte dans le monde, pourquoi est-il là aujourd’hui et demain, que va-t-il apporter pour changer le monde ?

Ce type de questionnement est dérivé de théories psychologiques comme la Gestalt, et privilégie l’écoute des histoires personnelles, du passé, de ces croyances et convictions que nous avons intériorisées et dont nous avons oublié les origines. Une partie de ces histoires nous dépasse même individuellement et correspondent à cet « inconscient collectif », ce patrimoine culturel qui nous rassemble, et qui a été bien étudié par Jung.

Dans ce process, le but est de faire émerger quelque chose qui dépasse chaque individu, qui va donner du sens à l’ «  être ensemble » de la communauté qui compose l’entreprise.

Un des matériaux importants de la démarche est le partage des histoires de chacun, et la maîtrise de cet art de raconter des histoires qui marquent ceux qui les écoutent. Stephen Denning s’est fait le spécialiste de cette discipline, et ses ouvrages (notamment « The Leader’s guide to Storytelling ») sont un excellent guide pour l’apprendre.

Cette conception de la Vision est bien sûr extrêmement exigeante, et demande une bonne dose de courage pour les dirigeants qui s’y lancent, et une grande confiance entre les collaborateurs. Partant de cette conviction que la vision commence par l’intérieur de chacun, un questionnement sur sa vie, ses valeurs, il est certain qu’une telle démarche est plus facile à initier dans une entreprise de taille modeste, ou en création, que dans un Groupe de plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Il y a néanmoins des moments privilégiés dans la vie de toute entreprise où ce besoin de retrouver du sens est tel que la démarche s’impose. En fait, elle se déroule de toute façon, que l’entreprise, c'est-à-dire ses dirigeants, le veuillent ou non.

Prenons par exemple ces Groupes qui sont en ce moment percutés par ces histoires de corruptions d’acheteurs dans l’industrie automobile. Ce sentiment que des dirigeants ont été malhonnêtes, et se sont fait prendre, il a sûrement déjà commencé à instiller son poison : certains collaborateurs, certains clients, dans leur intimité, en dialogue avec leurs valeurs, se posent les questions correspondant à cette démarche de Vision, et sur leur place dans ces entreprises. Ils sont plus nombreux qu’on ne croit. Alors, même si l’entreprise ne s’engage pas dans l’exercice, elle ne peut empêcher les collaborateurs et partenaires de s’en soucier. Ne pas les écouter, ni en tenir compte, c’est conduire son entreprise avec la mauvaise vision, c'est-à-dire….aveuglément.

NOTA : j'avais déjà ici parlé de Jean Monnet et de sa conception de la vision, qu'il forgeait au cours de marches silencieuses. A relire au regard de cette note.

Commentaires

Jean-Pierre

Pas banal !
Nous essayons humblement de trouver une convergence au sein de l'entreprise entre les valeurs, le management des hommes et le développement de la relation avec les clients. A ce titre, nous évoquons davantage la "promesse client" que la "vision" mais ces deux points d'entrée sont là pour rappeler que l'entreprise se construit dans le temps et sur des valeurs partagées.
Nul doute que nous viendrons souvent sur votre blog pour enrichir nos réflexions ; aussi nous avons listé votre blog.

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