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Faut-il déterrer les graines tous les jours pour vérifier qu’elles poussent bien ?

Seed

Puisque c’est la période des jeux de l’été, en voici un très simple.

Prenez un dirigeant, d’une entreprise, d’une équipe, d’une business unit, cela peut être vous-même, et posez la question :

«  Avez-vous autant de pouvoir, de contrôle, d’influence, sur l’organisation que  vous dirigez que vous pensez nécessaire d’en avoir ? ».

Allez, soyez sincère, quelle réponse obtenons nous le plus souvent : NON !

Ce qui suit est souvent passionnant : c’est le dirigeant qui a l’impression que son seul job consiste à faire des discours et serrer des mains ; C’est cet autre qui se sent entouré de subordonnés qui ne comprennent pas ce qu’il veut, et agissent trop lentement ; et cet autre encore qui est convaincu que sans lui, ses collaborateurs n'ont pas assez d'idées .

Certains cas sont plus subtils, comme ce dirigeant qui considère que seuls certains sujets, c’est à dire les plus stratégiques et les plus innovants, méritent qu’il s’y implique complètement, mais qu’il est normal de déléguer un peu plus pour les autres.

Et puis, il en reste qui répondent OUI, convaincus qu’ils exercent un contrôle salutaire et indispensable sur tout ce qui est important. C’est même à ça qu’on reconnaît leur vrai talent de dirigeant, non ? Mais même ceux là répondent plus souvent non, car ils restent avec le sentiment de ne jamais en contrôler assez.

En fait, la question intéressante n’est pas de savoir si les dirigeants manquent ou non de contrôle sur leur entreprise, mais plutôt de savoir s’il est souhaitable que les dirigeants contrôlent leur entreprise.

Que répondez-vous ?

Je vous entend déjà, surtout si vous êtes vous-même le dirigeant, répondre, comme une évidence : OUI, bien sûr. La question elle-même paraît complètement saugrenue à la plupart.

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Sylvie Vartan et le cadeau du fabricant de haches

Sylvie Dans le chapitre "Symphony" de son ouvrage "A whole new mind", Dan Pink nous recommande de développer notre capacité à assembler des sujets variés, et à connecter des personnes trés différentes, comme un chef d'orchestre dirige une symphonie.

Pour développer cette compétence, il conseille d'être un "metaphor maker", capable de comparer des thèmes et sujets variés. A titre d'exercice il conseille de tenir un "metephor log", c'est à dire de noter toutes les métaphores que l'on entend ou que l'on lit, afin de développer cette agilité.

Tout de suite, mon esprit chantant me fait penser à cette métaphore d'une chanson de sylvie Vartan, "L'amour, c'est comme une cigarette..." :

"Lamour, c'est comme une cigarette,

Ca brûle et ça monte à la tête,

Quand on ne peut plus s'en passer,

Tout ça s'envole en fumée...."

C'est vrai que les métaphores n'ont pas bonne réputation dans le monde de la pensée et du management; Comparaison n'est pas raison, et une métaphore c'est pas du tout scientifique, ça ne prouve rien, c'est fait pour les dilettantes chantants, pas pour les managers.

Alors, c'est vrai que ce conseil de Dan Pink est un peu inhabituel.

Et son conseil de développer notre "MQ", c'est à dire notre "Metaphor Quotient" est bien en ligne avec cet équilibre entre cerveau gauche et cerveau droit.

Alord, forcément je ne pouvais pas rater cette superbe métaphore citée dans l'ouvrage de Mihaly Csikszentmihalyi, "La créativité", en référence au livre de Burke et Ornstein, "The Axemaker's gift" (Le cadeau du fabricant de haches).

De quoi s'agit il ?

Ornstein compare en fait les inventions humaines, et tout ce qui apporte innovation et changement, comme des "cadeaux du fabricant de haches".

En effet, "lorsqu'une hache en métal est introduite pour la première fois dans une tribu qui ignore les métaux, tuer devient plus facile et les relations sociales, les valeurs culturelles du groupe se détériorent.En un sens, toute innovation est un cadeau du fabricant de haches."

On pense bien sûr à tout ce qu'apporte l'industrie du tabac, de l'alcool, la recherche nucléaire, etc...

Mais en fait, tout objet, tout changement a nécessairement sa part d'ombre qui peut se révéler parfois trop tard, et tout progrès contient sa part de danger.Il est en effet difficile de prévoir toutes les conséquences du changement. Tenez, Mittal-Arcelor, c'est fait; Et que va-t-il se passer maintenant ? Le fabricant de haches a fait son travail; Observons cette nouvelle tribu Arcelormittalisée.....

C'est pourquoi il est tout aussi absurde de refuser tout changement, que d'y croire béatement. Plus on modifie l'environnement d'une entreprise, d'un territoire, d'une organisation, plus on a de risques de produire des effets indésirables en même temps que les effets recherchés.

C'est pourquoi tous ceux qui nous font croire que les individus créatifs, qui veulent tout le temps tout changer, ne peuvent nous faire aucun tort nous mentent et se trompent.

La créativité et le changement sont comme des médicaments, ils ont leur part d'effets secondaires, et doivent être prescrits par de bons médecins (tiens, encore une métaphore..).

Il est tout aussi erronné de croire que le progrès est toujours souhaitable que de le refuser systématiquement.

Mais il est de bon conseil de nous donner à réfléchir sur ces "cadeaux de fabricant de haches"...

Ce qui n'empêche pas d'aimer Sylvie Vartan non plus......


"Mon second organe favori" porte-t-il à gauche ou à droite ?

Brain_1  "Mon second organe favori", c'est ainsi, paraît-il ,que Woody Allen désigne son cerveau.

La littérature managèriale et les recherches en Ressources Humaines sont perpétuellement agitées par une question profonde à son sujet : Est on Cerveau Droit ou Cerveau Gauche ?

Oui, vous connaissez forcément cette histoire, dont même Madame Figaro vous a révélé les secrets.

De quoi s'agit-il ?

Les neurologistes ont depuis longtemps mis en évidence que le cerveau était divisé en deux régions.

La partie gauche est considérée comme exprimant le rationnel, l'analytique, la logique (tout ce qu'on attend d'un brillant cerveau), et la droite le non-linéaire, l'instinct, l'émotion (un vestige qui subsiste des temps préhistoriques).

Les scientifiques, depuis le XIX éme Siècle,  ont toujours considéré que la partie gauche est ce qui caractérise la partie essentielle de l'être humain.

Et puis, à la faveur de recherches ultérieures, la partie Droite a retrouvé grâce à leurs yeux : elle n'est plus considérée comme inférieure mais comme différente. Le cerveau droit est devenu la nouvelle star : c'est lui qui nous rend réel, humain, c'est le signe que l'on est un vrai.

Et deux conceptions complètement débiles envahissent la littérature et les théories des coachs et penseurs du "développement personnel" en tous genres.

La première conception, c'est celle du "le cerveau droit, notre sauveur" .

Ses adeptes considèrent que le cerveau droit est dépositaire de tout ce qui est positif dans l'homme, tout ce qui est bon et noble. Pour ceux là, vous dire "vous ne seriez pas Cerveau Gauche ?", c'est vous dire "vous ne seriez pas un gros crétin buté et brutal" ?; et "Vous êtes Cerveau Droit", ça veut dire "Quel homme de goût vous êtes !".

Alors, sont apparues des nouvelles notions de "cuisine Cerveau Droit", d'"Education des enfants Cerveau Droit", de "Jeux Cerveau Droit", et pourquoi pas des "coachs Cerveau Droit", des "Consultants Cerveau Droit", etc.... Les rayons des librairies en sont plein ! La vague New Age, les formations en tout genre vaguement connotées Zen et boudhisme.

La deuxième conception est venue en réaction : c'est celle qui va dire que, oui, ces histoires de cerveau droit, c'est gentil, mais n'est ce pas le signe d'un ramolissement général de l'espèce humaine ? Car ce qui nous distingue de l'animal, c'est quand même notre capacité à analyser et développer la connaissance scientifique, non ? Alors les adeptes du cerveau droit ne sont ils pas les saboteurs du progrés social et économique ? Oui, ces drôles d'adorateurs du cerveau droit, êtres sensibles et sans nerfs, que cherchent ils ? etc... Bref, pour ces scientifiques "couillus", le cerveau droit, c'est important, mais quand même quelque chose d'inférieur.

Cette opposition factice entre les deux cerveaux, comme une guerre de religion, je l'ai trouvée parfaitement décrite dans l'ouvrage de Daniel H. Pink, paru l'année dernière, "A whole New Mind".

Il nous rappelle que, effectivement, il y a deux catégories de personnes dans le Monde : celles qui croit qu'il existe deux catégories de personnes dans le Monde, et les autres.

Son ouvrage est en fait un plaidoyer pour ce qu'il appelle le "Conceptual Age", qui succède à l'"informational age",où , pour s'y adapter, il va nous falloir à la fois un cerveau gauche et un cerveau droit, "A whole New Mind". Il réconcilie cerveau gauche et cerveau droit pour nous proposer de nouveaux comportements.

Ce n'est plus de plaisir ou de science dont nous avons besoin, mais d'un nouveau sens.

A l'ère de l' "information age", le cerveau gauche avait tout avantage; mais trois phénomènes sont venus tout remettre en cause : l'Abondance, l'Asie et l'Automatisation.

L'Abondance, c'est la caractéristique de notre temps : pour celui qui a la chance de vivre dans un pays développé, tout est disponible, et les coûts de plus en plus bas. Ce qui fait la différence entre les produits, ce n'est plus leur fonction de base, toutes sont déjà comblées, mais le petit plus émotionnel, l'expérience...Eh oui, c'est à dire tout ce que voit notre cerveau droit... et il faut donc un peu de cerveau droit dans le marketing et les services : du design, de l'humour, de la mise en scène,...

L'Asie, c'est pour faire référence à tout ce que l'on peut fabriquer à des coûts main d'oeuvre moins chers en Asie qu'en Europe ou aux Etats-Unis, alors ce qu'il faut dans nos produits pour résister, c'est de l'innovation, des relations humaines, la capacité à faire durer une relation client, oui, encore, du cerveau droit...

L'Automatisation, c'est tout ce que peuvent faire les ordinateurs, calculer vite, étudier toutes les possiblités, même les juristes et les comptables sont menacés par ces programmes qui étudient les cas et recherchent les solutions. Alors, il reste quoi ? L'intuition, la vue d'ensemble, c'est à dire, encore, l'usage du cerveau droit, associé au cerveau gauche.

Alors dans un monde où tenter de faire plus, moins cher et plus vite ne permet plus de faire la différence, que faut il faire ?

Dan Pink nous donne la liste des six nouveaux sens qu'il nous faut maîtriser pour être adapté à ce "Conceptual Age" :

- Design : il ne faut pas seulement créer un produit ou un service, mais créer quelque chose de beau, une expérience (même idée chez Gilmore, dont j'ai déjà parlé);

- Raconter des histoires: il ne s'agit plus d'argumenter pour convaincre, il faut séduire, raconter de belles histoires  (Deteuf l'avait déjà dit au début du XX ème siècle),

- Ne pas être seulement spécialisé, focus, mais aussi voir large, être capable d'intégrer, de faire fonctionner en cohérence, comme une symphonie (tiens, c'est comme ma barbie dilettante..),

- Ne pas être seulement logique, mais empathique : tous les outils d'analyse existent, mais qui fera la différence grâce à son sens des relations et des situations ?

- Ne pas prendre tout au sérieux, mais savoir s'amuser : dans le "Conceptual Age", "We need to play",

- Ne pas accumuler des connaissances, elles deviennent toutes vite obsolètes, et on trouve tout dans Google ou Wikipedia, mais plutôt trouver le "Meaning", donner du sens, à sa vie, à son travail...

Bref, un bon livre, qui reprend de nombreux concepts que j'ai déjà abordés ici, présentés agréablement, avec des petits exercices et des résumés qui permettent d'en faire un  manuel portatif pour s'adapter dans le "conceptual age" mieux que les autres et surtout avant les autres ...

Facile à retenir en six mots clés : Design, Story, Symphony, Empathy, Play, Meaning.

Ces six sens sont un kit de survie indispensable.

On est bien loin des caricatures évoquées au début de cette note : ce livre nous apprend aussi à nous en méfier.


Le syndrome du Magicien d'Oz

Magicienoz Les américains ont cette étrange expression pour désigner une forme particulièrement pernicieuse de managers.

Nous connaissons ce conte, immortalisé par le film avec Judy Garland, "The Wizard of Oz / Le Magicien d'Oz", avec cette chanson inoubliable "Over the rainbow ".

Le Magicien d'Oz est cet être caché derrière un rideau qui fait du bruit et des tours pour impressionner son auditoire et la toute gentille Dorothy (Judy herself), alors que derrière cette mise en scène se cache un être faible et sans talents.

Alors les managers atteints du syndrome du Magicien d'Oz, qu'ont ils de particulier ?

Cela fait référence à ce sentiment qu'il faut, pour bien manager, laisser les employés dans l'ombre et l'ignorance, permettant ainsi de garder le contrôle sur l'organisation.

Les managers qui souscrivent à une telle croyance sont ceux qui sont convaincus que leurs collaborateurs ne doivent pas savoir trop de choses sur ce qui se passe dans l'entreprise, ni d'ailleurs dans le secteur économique ( Ben oui, sinon ils risquent de partir à la concurrence ces insolents !!!).Il faut leur faire croire que le chef, c'est celui qui sait, qui connaît des tours et astuces fantastiques, et surtout n'en dévoile jamais les secrets.

Ce sont ces managers qui instaurent un climat de contrôle et de surveillance sur l'ensemble de l'organisation. Cela leur permet aussi d'embaucher et d'encadrer des collaborateurs qui font leur travail en baissant la tête et en courbant l'échine, sans jamais se plaindre, sans rien contester, oui, quel bonheur d'avoir de tels collaborateurs pour ces managers Magiciens d'Oz, qui peuvent ainsi présenter un portrait d'eux-même de vrai chef, autoritaire, respecté, c'est à dire un portrait beaucoup plus grand et beaucoup plus beau que la réalité.

Ce management de faibles, il coûte cher aujourd'hui, car il est probablement à l'origine de ce désengagement que toutes les enquêtes constatent parmi les collaborateurs des entreprises, surtout les plus jeunes et, surtout, les plus brillants.

Là encore, c'est avec plus de courage, plus de prise de risques que l'entreprise et ses managers pourront faire naître parmi leurs collaborateurs la meilleure motivation.

Il faut apprendre à lutter contre cette image que "le travail, c'est souffrir", et qu'il faut faire souffrir pour obtenir la meilleure productivité.

Même si le management peut obliger à des tensions, à des décisions difficiles, à des sanctions, ceux qui s'en sortent le mieux restent ceux qui gardent une vision optimiste, sur la durée, des capacités et talents à révéler en chacun. Ce n'est certes pas toujours facile de garder une telle attitude, mais cela vaut mieux que de rester un pauvre magicien d'Oz qui est finalement bien malheureux.

Alors, soyons un peu plus Dorothy, et un peu moins Magicien....

...Somewhere, over the rainbow .....