Previous month:
mai 2006
Next month:
juillet 2006

Pauvre petite fille riche

Petitefilleriche_1 D'habitude, elle est toujours occupée, chaque fois que je passe prés d'elle.

Là, je l'ai sentie seule, vide.

Elle voulait me dire quelque chose, alors je me suis approché.

Les personnes qui l'occupent en permanence, elle les connaît bien; Chacun a ses manières. Elle est la pauvre petite fille riche de l'entreprise.

Chaque lundi matin, de bonne heure, l'ambiance est sérieuse, ils aiment son odeur, ils terminent un peu leur nuit avec elle parfois,le café circule, elle est agréable.Ils parlent beaucoup, mais en fait ce n'est pas toujours vraiment intéressant et, parfois, elle aurait envie de leur dire qu'ils auraient mieux fait de rester couchés, plutôt que de venir la déranger ainsi. Elle reste discrète, car les échanges de regards en disent aussi beaucoup.

Elle est aussi toujours concernée par les "revues de performance", ça dure des heures, tous les sujets y passent : ça consiste à feuilleter des pages de chiffres sur des feuilles excel, avec des graphiques. Elle aime la nostalgie des ces moments, où l'on parle beaucoup du passé, mais malheureusement surtout des choses mauvaises, pas assez des bons moments. Mis comme elle est curieuse, elle trouve souvent qu'on ne parle pas assez du futur.

En fait, elle s'est bien rendue compte que tous les personnages qui la fréquentent perdent beaucoup de temps avant de conclure. Souvent ils ne prennent pas de décisions; parfois ils sont en conflit, et elle est bien utile pour apporter un terrain neutre.Mais l'ambiance n'est pas toujours trés bonne, et elle n'y peut pas grand chose. Elle a tout ce qui faut pour qu'ils se tiennent à bonne distance, mais ça ne suffit pas toujours.

Aujourd'hui, dans l'entreprise, avec ces organisations matricielles, chaque personnage a plusieurs facettes : il est directeur de la Business Unit TrucMarrant, mais aussi en charge d'une zone géographique, et aussi "Process Owner" du process " Order to cash"...Alors , évidemment, ce personnage, avec toutes ses responsabilités emmélées, elle n'arrête pas de la voir, il vient la voir plusieurs fois par jour, accompagné de personnes à chaque fois différentes. Elle s'est habitué à lui; elle voit bien que tout ça le fatigue; on a l'impression parfois qu'il est épuisé. Alors elle est là pour l'écouter, lui apporter un peu de confort. Elle aimerait lui suggérer de réduire les multiples objectifs qu'il se croit obligé de surveiller en même temps; lui suggérer de faire plus confiance à ses collaborateurs, mais lui il est acharné, il veut tout voir et tout comprendre. En fait, elle le sent bien, il ne peut plus se passer d'elle; il est accro, ça lui donne le sentiment d'exister et d'avoir du pouvoir de constamment venir la voir. En plus elle est tellement gentille, toujours disponible. Elle a entendu son nom hier dans une conversation secrète entre grands chefs; il va être nommé responsable d'une nouvelle "cross fonctionnal team", encore un nouveau truc; elle sait qu'elle va encore le voir un peu plus....

Elle n'ose pas lui dire que ça serait peut-être mieux si l'on se passait d'elle de temps en temps.

Elle pourrait aussi  lui dire qu'il existe plein d'autres façons de travailler aujourd'hui, avec les outils technologiques d'échanges de connaissances, mais elle a peur qu'il le prenne mal, ou qu'il lui répéte ce qu'elle entend souvent : "mais on a toujours fait comme ça, pourquoi changer". Ou bien " tu veux nous faire faire des dépenses toi encore, tu sais bien que c'est pas le genre de la maison, et puis nous on aime le contact, entre hommes, alors restes là ..".

Un moment, quand elle a vu l'entreprise grandir, devenir internationale, avec des collaborateurs par dizaines de miliers à travers le monde, elle s'est dit que là, par nécessité, on allait la laisser tranquille. Mais non, ça continue. Le matin, débarqués du train ou de l'avion de bonne heure, ils arrivent le costume froissé, une petite valise à la main, et se précipitent vers elle. Ils vont l'occuper toute la journée. A midi, ils ammènent leurs sandwiches, ou des plateaux repas, ils ne la laissent jamais en paix.

Oui, j'ai bien compris ta peine, pauvre petite fille riche qu'on appelle "la salle de réunion"...

Bon courage ! quand je verrai tes bourreaux, j'essayerai de leur expliquer, mais pas sûr que j'y réussisse...


Le fourmi-management

Fourmis_1 "La fourmi est un animal intelligent collectivement et stupide individuellement; l'homme, c'est l'inverse"

Cette citation de l'éthologue (spécialiste de l'étude des comportements) Karl Von Frisch figure dans l'ouvrage d'Olivier Zara, "Le management de l'intelligence collective".

Elle dit bien toute la difficulté à concevoir et faire fonctionner correctement le travail en groupe et en équipe. C'est vrai qu'il est facile d'associer les masses, les groupes à des troupeaux abrutis, alors que le héros qui décide seul et emmène ses troupes à l'assaut, ça, ça a de l'allure, et on aime bien y croire; que de beaux films on fait avec tous ces héros, et que d'opéras aussi.

Comment s'étonner que toute cette symbolique imaginaire imprègne tellement les cultures qu'elle rend trés difficile de faire coopérer les individus dans des projets collectifs pour l'entreprise ?

Je me souviens d'un Directeur Général qui m'avait présenté avec fierté les membres de son tout nouveau Comité de Direction : à l'Industrie, il y avait un ancien de Valéo, au Marketing un super pro de la Distribution, aux RH un vrai dur qui avait conduit des multitudes de plans sociaux, etc... Quel casting; lorsqu'il m'a invité à participer à une des réunions de ce comité fantastique, j'avais l'impression d'aller à Hollywood... Et bien oui, c'était comme à Hollywood : un vrai combat de stars : "Moi chez Valéo, c'était comme ça, donc il faut faire comme ça", "Moi, le marketing ça me connaît, voici comment il faut faire", "les RH, ça se manage comme ci et comme ça, c'est mon expérience extraordinaire qui vous le dit",... quelle catastrophe !

On le constate tous les jours ce phénomène : il ne suffit pas de mettre ensemble les meilleurs pour que tout roule tout seul. Sans parler des cas où l'on n'a même pas l'ensemble des compétences nécessaires.

Il peut paraître évident que l'entreprise moderne, celle qui est performante, ne peut pas se concevoir autrement qu'en mettant en oeuvre cette "intelligence collective", mais tout le problème est de savoir comment faire. Les dirigeants manquent souvent de repères.

Olivier Zara est un auteur utile pour identifier les bonnes pistes. Il nous rappelle notamment que tous ceux qui tentent de prendre le problème en mettant en place des outils de "knowledge management", de "capitalisation" font fausse route.

Pour favoriser "l'entreprise intelligente", il faut passer par trois étapes, qui se chevauchent constamment :

- d'abord, Vouloir coopérer : il s'agit ici de la culture, des valeurs, qui font que les collaborateurs ont envie de partager, d'aider les autres, l'auteur imagine même de mettre en place des "contrats collaboratifs", qui viennent s'ajouter aux contrats d'objectifs qui encadrent les responsabilités individuelles; cette culture du respect de l'autre, de l'écoute, on ne la rencontre pas partout;

- ensuite, Savoir coopérer : il ne suffit pas d'avoir envie, il faut aussi savoir comment; les techniques de management collectif sont souvent mal connues (ou bien oubliées) des collaborateurs, surtout les plus experts dans leur domaine, ou les chefs : ces individus ont accumulé tellement de certitudes qu'ils rendent impossible tout travail de groupe; ces réunions pleines de bruit où tout le monde coupe la parole aux autres, quelle horreur...Oui, savoir coopérer s'apprend, et il vaut mieux avoir appris assez jeune;

- enfin, Pouvoir coopérer : là, on arrive aux outils, aux technologies, qui vont aider à rendre concrets ces Vouloir et Savoir coopérer; En fait, tout est possible, mais on constate combien de nombreux outils mis en place ne sont jamais utilisés, ou trés peu; aujourd'hui on parle des wikis, plate-formes multi-utilisateurs, qui permettent, selon le modèle de Wikipédia, de créer de véritables lieux d'échanges et de travail collectif. Cet axe est en fait le plus facile.

Un domaine où cette coopération est cependant contre-productive c'est celle de la décision.

Il est recommandé de favoriser la réflexion collective, mais la décision elle-même en individuel offre des avantages :

"Plus la décision est collective et plus elle sera stable dans le temps, difficile à remettre en cause, rigide,

Moins la décision est collective et plus elle sera flexible, adaptable, facile à changer ou à supprimer."

Olivier Zara met en évidence combien une décision collective est peu flexible, alors que la survie de l'entreprise est liée à sa vitesse de déplacement (capacité à adapter une décision aux besoins des clients, aux contraintes des fournisseurs, aux nouveaux produits, aux concurrents) et non à l'intensité de son immobilisme.

En fait tous les phénomènes de décisions collectives, qui permettent de justifier les "on change pas puisqu'on a dit qu'on ferait comme ça" conduisent à la déresponsabilisation.

Par contre la capacité d'un dirigeant, d'une entreprise, à organiser la réflexion collective est un vrai atout. Dommage que de nombreux dirigeants fassent systématiquement l'inverse.

De bonnes remarques et réflexions pour mettre en oeuvre un vrai "fourmi-management".


Happy together !

Buddha_lilac_ucst__24 Il y a des expériences qui changent notre vision du Monde et des autres. L'entreprise n'est pas épargnée.

Rencontre cette semaine avec un dirigeant d'un puissant groupe français, réputé pour ses produits, son développement, ses performances, bref ce qu' on appellerait un "fleuron de l'industrie française", puissant et dominant .

Mon intelocuteur a vécu de près le rapprochement avec un partenaire asiatique, et a lui-même passé près de quatre ans comme CFO d'une filiale en Corée du Sud.

Notre discussion porte sur ce que ces rapprochements culturels ont apportés,ses expériences.

Tout de suite il évoque que le fait d'associer deux partenaires forts a été une expérience mutuelle de respect de la culture de l'autre, sans chercher à annexer l'autre.

Bien sûr, certaines normes centrales fortes sont nécessaires, et sont appliquées, mais l'autonomie, la confiance, sont des valeurs tout aussi fortes.Cette expérience a été aussi l'occasion d'apprendre à partager le pouvoir, à accepter qu'il n'existe pas qu'une seule manière de travailler, "comme ont tendance à le croire les français".

Oui, ce qu'il a appris grâce à cette expérience, c'est , me dit-il, "une certaine forme d'humilité", le "respect des choses qui sont de bonnes choses chez l'autre", c'est "de faire confiance", c'est à dire accepter les erreurs, et donc accepter d'en parler, car on sait qu'on ne sera pas bêtement sanctionné, mais écouté.

C'est peut être ça la clé du management et de la performance durable (c'est en tous cas plus sincère que ça).

C'est aussi cette confiance qui permet les coopérations, les équipes projet multi-culturelles (on revient au management à l'horizontale). Ce Groupe est devenu le champion des groupes transverses, du "désilotage" de l'entreprise. Tout le monde essaye de les copier, mais combien de ces apprentis copieurs ont compris les préalables culturels, cette exigence d'écoute et de respect ?

En fait, travailler de manière collaborative est tout un art, que nombreux confondent avec le travail pluri-individuel, ou le chef consulte l'un aprés l'autre les participants, et décide seul, ou presque. Cette capacité à vraiment favoriser la confiance et l'engagement collectif sur les progrès s'obtient en faisant l'effort d'impliquer tous les gens dans la construction des décisions (mais pour ceux qui le font naturellement, ils n'ont pas l'impression de faire des efforts).Elle se transmet par le haut, et le premier endroit où la mettre en place, c'est dans le Comité de Direction.

Oui, ces mots forts dits simplement font partie de ceux qu'on retient : respect, humilité, confiance.

A ajouter à passion, plaisir et créativité. Mon interlocuteur n'en manquait pas...

Bref, un entretien dont on ressort plein d'énergie positive.


L'entrepreneurship est pour moitié d'origine génétique !

Jumeaux J'avais déjà abordé la notion d'esprit d'entreprise, et combien il est nécessaire pour développer l'économie.

Une recherche de professeurs anglais de la Case Western Reserve University's Weatherhead School of Management, associés à des membres du Twin Research&Genetic epidemiology d'un hôpital de Londres apportent un complément étonnant :

Aprés avoir étudié 10.000 jumeaux, ils en concluent que la propension pour un individu à devenir un entrepreneur est à 48% d'origine génétique !

Ils interprètent cette découverte par le fait, par exemple, que les gènes prédisposent à être sociables et extraverti, ce qui facilitera les talents pour la vente.

Bon, il reste quand même une place pour les autres 52%...

Est ce que cette découverte donne un avantage à la France ? Pas facile à dire.

Je me souviens d'avoir entendu Claude Allègre, parlant justement des entrepreneurs en France, comparés à ceux des Etats-Unis, nous rappeler que les américains étaient les descendants de ceux qui étaient partis à la conquête du nouveau monde, alors que les français étaient les descendants de ceux qui avaient préféré rester dans leur jardin, bien tranquilles...Apparemment lui aussi croyait aux thèses génétiques.


Projet de chef ou chef de projet ?

Chef Bien sûr, on ne peut pas comparer nos entreprises avec la politique et les partis politiques. Mais quand même, il est intéressant d'observer les différences dans la façon dont se préparent les élections présidentielles à l'UMP et au PS.

Au PS, le projet précède le chef (femme ou homme) : un collectif décide du costume, des orientations, et on va ensuite chercher un chef, au sein du parti, pour mener la bataille. Il aura intérêt à suivre les instructions, comme l'a rappelé françois Hollande, "ce n'est pas un projet sur lequel on pourra prendre sa liberté".Tout est dit .

A l'UMP, on sent une démarche inverse, conforme d'ailleurs à ce que l'on a vu antérieurement dans les élections précédentes : c'est le chef qui incarne, qui colore les orientations que va se donner le parti. C'était vrai pour Chirac, ça en prend la tournure pour Sarkozy : tous les élus de l'UMP parlent d'abord de qui va les représenter, et non d'un projet tout fait . La philosphie est toute différente : c'est le chef qui conduit la bataille, qui fixe le cap, qui énonce ses idées, et qui dit aux autres "Suivez-moi , et je vous mènerai à la victoire !"; il ne demande jamais l'avis de ceux qui s'engagent à le suivre (même si Sarkozy a promis qu'il soumettrait SON projet aux adhérents pour écouter leur avis...). Cette façon de faire est d'ailleurs complètement assumée par les membres de l'UMP, comme je l'ai entendu raconté par une des secrétaires nationaux.

Cela ne préjuge en rien de l'efficacité de chacune des deux démarches, mais il est intéressant d'y réfléchir dans d'autres contextes.

Bâtir un projet dans l'entreprise, dans un contexte de management transversal, ou à l'horizontale, c'est aussi se poser ce genre de questions : vaut-il mieux d'abord construire le projet avec suffisamment de précision, puis la méthode, et enfin désigner le chef de projet, ou au contraire lancer l'idée, donner les caractéristiques principales, mais laisser à chaque chef son avis et ses décisions sur les moyens et la méthode, le désignant comme le vrai leader qui emmènera ses collaborateurs au succés, en les galvanisant le mieux qu'il peut, avec son style ?

A l'arrivée, on a d'un côté les entreprises hyper centralisées dans les méthodes, où tout le monde doit faire pareil, et appliquer les mêmes façons de travailler : c'est généralement dans ces entreprises que l'inertie, le manque de réactivité, la démotivation interne, sont les plus fortes. Les leaders sont noyés par une bureaucratie envahissante.

Inversement celles qui osent la décentralisation, l'autonomie, la responsabilisation, ont plus de chances de s'adapter au changement, de prendre les bonnes décisions sur le terrain, de faire émerger les leaders, et d'innover en permanence. Bien sûr, cela ne dispense pas d'encadrer cette liberté par quelques règles communes incontournables, mais elles sont réduites au minimum.

Si l'on en croit cette comparaison, la démarche du PS est mal barrée, mais, heureusement, comparaison n'est pas raison.


Intoxication durable !

Lapin La semaine dernière, c'était la semaine du développement durable. Ca n'a pas duré longtemps, mais suffisamment pour alimenter du papier dans les journaux, suppléments spéciaux, faire du bruit à la radio et à la télé, et soutenir quelques promos : j'ai vu des boutiques en ligne de produits de développement durable, des objets de décoration durables, des accessoires de bureau durables (crayons en bois, papier recyclé,..), des tenues hyper chic de grandes marques durables (oui, du lin hyper class, des tissus dans lesquels on ne transpire pas, des tongs tressées,...).

Et puis il y a aussi les voyages "durables" (ceux où on visite sans salir la planète), les restaurants durables (oui, que des bonnes choses chères, trés bio, pas forcément appétissantes), etc...

Quelle débauche....

Et puis, pour ceux qui ont envie de réfléchir "durable", on a reparlé du "management durable"...

Késaco ?

En fait, un méli-mélo de bonnes et de moins bonnes choses.

L'idée générale est que les entreprises doivent se soucier des stakeholders, des parties prenantes, et non plus s'intéresser aux seuls actionnaires . Thierry Breton en avait parlé ICI.

D'autres vont insister sur la nécessité de protéger les ressources humaines, de considérer les hommes comme une richesse, et vont en faire la devanture de leur boutique de chasseur de tête, de coaching, de consulting RH,...

Il y a une appproche plus politique pour interdire les licenciements, protéger par des lois diverses le statut des salariés (ça c'est plutôt à gauche) ou pour proner l'actionnariat des salariés (ça c'est plutôt à droite, quoique), et aussi protéger ou faire travailler plus les séniors (ça c'est la nouvelle loi "durable" de de Villepin, qui va supprimer la loi Delalande).

Il y a les appels pleins de bruits de cymbales, appelant à un ordre nouveau dans les entreprises, genre "Il faut des entreprises citoyennes", ou, plus subtil, "Nos entreprises doivent mettre en place une politique de management durable des cadres".

J'ai même trouvé çà :

"L'équation de la réussite dans l'entreprise passe par la bonne utilisation des ressources compétentes". (quelle audace !!)

Ce déferlement de mots creux et de marchands du temple intéressés pour durer, vous l'avouerais-je, m'a laissé grogy...Même pas le courage de donner les liens où j'ai vu toutes ces bêtises...

Heureusement que ça ne durait qu'une semaine....

Je doute que cela ait vraiment contribué à mieux comprendre l'entreprise .

Bon, à midi, je suis allé au restaurant; il yavait quoi comme plat du jour ?

Du lapin....du rable.....

J'ai rebroussé chemin!!!


Le diable en habit vert

Einstein   Grande première mardi dernier à l'Académie des Beaux Arts : deux nouveaux académiciens inaugurent une nouvelle section, celle de la photographie. Paradoxalement, alors que le cinéma est consacré comme un des Beaux Arts depuis 1985, la photographie restait oubliée.

Les deux heureux élus sont Lucien Clergue et Yann Arthus-Bertrand, le célébrissime auteur de "la Terre vue du ciel". On ne peut pas dire que l'Académie se soit montrée audacieuse...

La photographie est selon Thomas Bernhard, l'art diabolique de notre temps. C'est écrit dans "Extinction" (1986). J'ai ressorti le livre de ma bibliothèque pour retrouver ce passage qui m'avait marqué :

"La photographie est en vérité l'art diabolique de notre temps, elle nous fait voir pendant des années et des dizaines d'années et la vie durant des visages moqueurs, alors que ces visages moqueurs n'ont existé qu'une seule fois, rien qu'un seul instant sur une photo que nous avons prise sans du tout réfléchir, cédant à une inspiration subite. Et cette inspiration subite a ensuite une influence pour toute la vie, déplorable et même catastrophique. Une influence qu'on ne peut pas supprimer, qui fait que nous sommes poussés parfois jusqu'au bord du désespoir. (...)

Songez seulement à la photo qui montre Einstein en train de tirer la langue. Je ne peux plus voir Einstein sans qu'il tire la langue. Je ne peux pas penser à Einstein sans voir sa langue, cette langue méchante, rusée, qu'il montre au monde entier, oui, à tout l'univers. Et je ne peux pas voir Churchill sans sa lippe méfiante. Bien qu'il soit hautement probable qu'Einstein n'ait qu'une seule fois tirée sa langue, du moins de cette façon méchante et rusée, que Churchill n'ait qu'en ce seul instant où cette unique photo a été prise de lui, avancé la lèvre inférieure avec cette lippe méfiante. Je lis les écrits de Churchill, et sans cesse je ne vois que la lippe churchillienne méfiante, je lis quelque chose d'Einstein et je suis complètement obsédé par la langue qu'il tire et montre au monde entier et, comme je l'ai dit, à tout l'univers. Et je vais jusqu'à croire que ce n'est pas Churchill qui a écrit ces Mémoires mais sa lippe méfiante, que ce n'est pas Einstein qui a prononcé ces phrases qui ont fait bouger le monde, mais sa langue tirée. (...).

Nous maudissons ceux qui sont sur les photographies, parce qu'ils ne nous répondent pas, parce qu'ils ne nous répliquent rien du tout, alors que tout de même ce que nous attendons le plus et dont nous avons le plus besoin, c'est qu'ils répliquent. Nous nous battons en quelque sorte avec des nains réduits à un état microscopique et nous devenons fous. Nous giflons des nains réduits à un état microscopique et ainsi nous rendons fou tout ce qui est en nous. (...).

Faire une photographie signifie railler quelqu'un, dans cette mesure tous ceux qui photographient, même s'ils ont acquis un métier dans ce domaine ou peut-être même un grand art, ne sont autres que des railleurs de l'être humain. La photographie est la plus grande raillerie qui soit, en quelque sorte la plus grande raillerie à l'adresse du monde. "

Oui, d'accord, Thomas Bernhard n'est pas un auteur trés gai...

Mais quand même, ne devrait-on pas se méfier un peu plus des photographes ?


Le management n'est il qu'un leurre ?

Classe Imaginez que vous êtes nommé responsable de la qualité de l'enseignement dans l'école de votre quartier. Félicitations !

Chaque jour, dans cette école, dans chaque classe, il y a un professeur et des élèves.....et la porte de la classe est fermée !!

Que faire ???

Cette situation, c'est aussi celle que ressentent certains managers lorsqu'ils sont nommés à des responsabilités : comment faire faire aux gens ce qu'on veut qu'ils fassent si l'on n'est pas là pour leur dire ?

Cette impression de ne rien contrôler, quel dilemne.

Tout ce que l'on peut faire c'est conseiller, influencer, motiver, flatter, réprimander, etc...Et à la fin ce manager est le responsable de la performance de son équipe, de sa Direction, et tout en haut, de son entreprise.Quelle absurdité, non?

De plus la capacité à changer le style, les motivations d'un collaborateur par le management est malgré tout assez limitée (voir les difficultés pour susciter l'engagement que j'ai déjà évoqué).

Autre problème, les collaborateurs sont tous différents, et ont leur fonctionnement propre : certains sont motivés par les difficultés, d'autres prennent peur ou perdent leurs moyens; certains sont trés autonomes, d'autres ont besoin d'un soutien fort.

Alors, orienter ses collaborateurs vers la performance, alors qu'on ne sait pas trop bien ce qu'ils font, que leurs chefs nous cachent des choses, et qu'en plus on ne pourra pas les obliger à suivre des moyens identiques, n'est ce pas foutu d'avance ?

Oui, finalement, à quoi bon le management, surtout quand on occupe une place élevée dans la hiérarchie de l'entreprise ?

Le management n'est il qu'un leurre ?

Ce discours, un peu extrême, ce cynisme, on l'entend parfois autour de nous, non ? Ou si on ne l'entend pas explicitement, on le perçoit dans l'attitude désabusée de certains managers qui font semblant de manager toute la journée et qui ne servent absolument à rien.Ils s'assoient avec un air inspiré dans les réunions, font semblant d'écouter, évitent de trop décider, et utilisent leur temps disponible pour essayer de faire dégommer leur supérieur hiérarchique et prendre sa place.

Oui, c'est un vrai boulot de faire semblant de manager...

Pourtant il en reste quand même qui y croient, et même qui obtiennent des résultats.

Comment font ils ?

En fait la solution est d'une extrême banalité : ils définissent des objectifs à atteindre, laissant les collaborateurs libres sur les moyens pour les atteindre.

Fixer les objectifs, c'est aussi inciter les collaborateurs à prendre des responsabilités, à ne jamais tolérer la situation existante; cela donne une certaine tension (pas trop quand même, il faut savoir bien doser les efforts demandés), une pression motivante.

Exemple : le directeur du restaurant va définir un niveau de satisfaction client, apprécié par les enquêtes réalisées, mais il n'aura pas à fixer des formules de politesse standard de tous ses employés, et n'aura pas non plus à surveiller chaque serveur.

Exemple encore : le directeur commercial peut fixer des objectifs de vente aux commerciaux, mais il n'aura pas besoin de relire en détail tous les comptes-rendus de visite.

Ca a l'air trivial. Pourtant il est courant de voir des managers passer leur temps à "surveiller les serveurs" ou à "éplucher les comptes-rendus de visite", ou toute autre tâche correspondante, et tout aussi inutile.

En fait cette capacité à fixer des objectifs, et surtout à définir les bons, est loin d'être évidente. On entend souvent des responsables qui critiquent toute méthode de fixation d'objectifs, arguant que "tout ne peut pas être quantifié", que "ce n'est pas comme ça qu'ils fonctionnent"? Quelles que soient les raisons, cette défiance ou fausse prudence à l'égard des systèmes de fixation d'objectifs est souvent un indice fort qui permet de déceler un manager inefficace.

Le test est tellement simple qu'il est trés facile de le mettre en pratique.

-" Bonjour, monsieur (ou madame) le manager; quels objectifs de progrès avez vous fixé à vos équipes ?

- Ah non je vous arrête, ce n'est pas comme ça que je manage...bla bla bla..."

Ca y est, vous en avez repéré un(e) autre.....

Bonne pêche, et amusez-vous bien....