L'état d'esprit de Dionysos
Le management n'est il qu'un leurre ?

Manager à l'horizontale !

Vol_oies_smallLa semaine dernière j'avais rendez-vous dans un hôtel parisien avec un dirigeant d'entreprise...

Non, pas dans une chambre, mais dans une salle trés chic pour le petit déjeûner.

Nous n'étions pas les seuls. Le matin, de bonne heure, les salons d'hôtel se remplissent d'hommes sérieux, qui traitent des affaires une tasse de thé à la main. De table en table, le ballet des serveuses attentionnées donne un peu de féminité à l'endroit; les conversations sont chuchotées, mais ces chuchotements à l'unisson font finalement beaucoup de bruit; pas beaucoup de rires, ni d'éclats de voix, on est, c'est sûr, entre gens qui savent se tenir, se sustentant de boissons chaudes sur notes de frais.

Est-ce parce que nous sortions du lit que nous en sommes venus à parler de l'horizontalité ?

J'ai déjà évoqué tout la symbolique de la verticalité, à propos des ténors et des barytons; ce matin mon interlocuteur me fait part de son modèle de management qui privilégie l'horizontalité et la transversalité .

De quoi s'agit-il ?

L'entreprise traditionnelle, souvent industrielle, se manage par un système de délégations successives; le dirigeant exerce sa fonction en déléguant les responsabilités à tel ou tel de ses adjoints ou Directeurs en fonction de sa spécialité; les questions de Ressources Humaines pour le DRH, les questions de production pour le Directeur de la Production, les questions internationales pour le Directeur International, etc.... C'est la gestion verticale. Elle suppose qu'il existe un optimal par fonction, complètement indépendant des autres dimensions de l'entreprise.C'est cette vision qui tend à rechercher des "benchmarks" et des "bonnes pratiques" à l'extèrieur et les assembler les unes avec les autres pour construire l'entreprise performante, faite de l'excellente logistique (comme Dell), l'excellente gestion des Ressources Humaines (comme telle autre), l'excellente gestion client (comme l'a dit le bon consultant). Cette démarche est complètement innefficace la plupart du temps.Car l'entreprise n'est justement pas cette juxtaposition de fonctions, et le secret de la réussite des meilleures ne se résume jamais à une "bonne pratique" piquée ça et là, et isolée de son interdépendance avec les autres.

La gestion horizontale, c'est en fait la capacité à assembler sur les projets et les ambitions le bon mix de compétences internes, et aussi externes, qui vont faire éclore dans l'entreprise tous les changements et exploits dont elle a besoin. C'est cette capacité à avoir une vision cohérente et holistique de l'ensemble qui est en jeu.La hiérarchie des directeurs, sous-directeurs, collaborateurs, n'est que peu de secours pour construire cette dynamique.

On parle ici d'une vision holistique de l'entreprise, car elle va rechercher des équilibres entre toutes ses composantes, fixer des objectifs cohérents, et mettre en oeuvre une véritable gestion par projets dans l'ensemble de l'organisation, où chacun va contribuer, quelle que soit sa position dans la hiérarchie.

Tout est mis en cohérence, y compris les systèmes de motivation et de récompenses, qui donnent une grande part au collectif, comme on l'observe par exemple chez NUCOR. Mon interlocuteur a mis en place un système en trois tiers du variable de ses collaborateurs: 1/3 sur la performance globale de l'entreprise, 1/3 sur la performance de son équipe, 1/3 sur sa performance individuelle dans les projets spécifiques où sa contribution est importante.

Deux auteurs professeurs de la Wharton Shool, Daniel A. Levinthal et Nicolaj Siggelkow apportent un complément théorique utile à l'analyse des facteurs-clés de succés d'un tel mode de management. Ils appellent cela "multi-peaked performance landscape" et "fitness landscape", (voir l'article "a new tool for Resurrecting an Old Theory of the Firm" ici) et imaginent des outils de modélisation pour créer ces "landscapes" et manager toutes les interdépendances de l'entreprise complexe.

Autre avantage de ce mode de management, il favorise le travail en équipes; les leaders changent au gré des projets, et les rôles sont interchangeables; quand l'un des leaders émerge sur un projet, le leader précédent retrouve sa place dans l'organisation, mais reste aligné sur les objectifs de progrés. C'est le même fonctionnement observé dans les vols d'oies sauvages, où l'oie de tête est fréquemment remplacée par une autre qui vient échanger sa place avec elle dans le vol en groupe. C'est ce qui permet au groupe d'oies de parcourir de trés longues distances ensemble et donc d'aller trés loin.

Conclusion heureuse : pour bien manager, privilégions l'horizontalité, et observons les vols d'oies sauvages dans le ciel....Quel beau programme ....

avant de partir, j'ai repris un jus d'orange; sinon j'allais retourner me coucher....pour méditer sur l'horizontalité bienfaitrice.

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