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L'état d'esprit de Dionysos

Les ténors et les barytons de l'opéra de l'entreprise

Florezoviedorecit04shad A l'opéra, tout est simple : les sentiments et les personnages sont faciles à identifier rien qu'à leur voix.

Le registre noble de l'existence appartient au ténor; la voix de dessus exprime les sentiments élevés. Il fascine par son aigu, charmant ou éclatant, suave ou puissant. On connaît ces personnages, le chevalier des Grieux de "Manon Lescault", Rodolfo de "La Bohème", Don Ottavio de "Don Juan",...

Et puis il y a le registre de l'ambition, de l'autorité. C'est le rôle du baryton, qui par sa voix basse, de "dessous", exprime des appétits de puissance, de domination, au dessous de la vie morale. C'est le rôle de Lescault, de Don Juan, de Marcello ("La Bohème"), et de Simon Bocanegra, que l'on peut voir en ce moment à l'Opéra Bastille (et diffusé sur Arte mardi 23 mai au soir).

Le monde de l'entreprise, ce n'est pas l'opéra.

Et pourtant.

Pourtant, la mise en scène de Simon Bocanegra rappelle notre monde actuel, les personnages en costumes et cravate étant assimilés à des cadres en lutte pour la conquête du pouvoir. Référence explicite au monde de la politique et des jeux de pouvoir.Tout y est : les complots, les poignards cachés et découverts, les trahisons, le poison....On se croirait dans l'affaire Clearstream...

Don Juan, cette année, se passait aussi dans un cadre de bureaux, genre tour de La Défense. J'en avais parlé ici.

Alors, si nos metteurs en scène veulent nous faire voir l'entreprise  sur la scène de l'opéra, pourquoi ne pas observer l'entreprise comme un opéra...

Cette symbolique entre ténors et barytons, elle parle (ou plutôt elle chante) plus qu'elle n'en a l'air.

Il est dans notre inconscient collectif de considérer que dans un axe vertical, les représentations les plus humanisées sont vers le haut, et les données les plus charnelles vers le bas.

En haut c'est le soleil, en dessous c'est la terre, le sombre, le sous-sol.

Même origine symbolique sur la voix.Observons les personnages.

La voix du ténor va exprimer l'enthousiasme, la joie, mais aussi parfois le rendre un peu ridicule, avec son aspect superficiel, léger, mais aussi sa passion.C'est l'amoureux fou d'une femme perdue (Alfredo, de "La Traviata"). Rodolfo ("La Bohème") est cet être sensible et doux, qui manifeste une ardeur juvénile, une certaine inconstance. Don José ("Carmen"), c'est celui qui, nommé gardien de Carmen, se laisse ensorcelé par celle-ci, la libère, puis à la fin, il la tue.C'est la passion sans limites. Otello, c'est l'homme d'action, intrépide, chevaleresque, à la colère sans limite quand il est jaloux; il tue sa femme et se suicide ensuite.Siegfried, c'est le ténor élevé par un forgeron, à la peau dure et insensible, sauf en un point fragile. C'est l'énergie, l'innocence, la joie quasi primitive.

Le baryton va exprimer ce qui est grave, profond, lourd, la chaleur des sentiments, le réalisme, l'enracinement. C'est la force de la Loi, la volonté, le désir.Mais il peut aussi déraper vers un Surmoi terrorisant (Le Commandeur de Don Juan), devenir méchant, chercher à dominer tout être qui paraît supérieur, sans crainte d'utiliser la dissimulation (voir Iago dans "Otello"). Baryton encore le bouffon, à l'esprit caustique, homme sans scrupule, traitre à soi-même et à son maître qu'il veut assassiner (Rigoletto). Baryton toujours, le chef de la police, cruel, sinistre, impérieux, utilisant le mensonge, le chantage (Scarpia, dans "Tosca"). Baryton le Figaro des "noces de Figaro", à la nature intrigante et opportuniste, ironique envers l'aristocratie.

Dans l'entreprise, il suffit d'ouvrir les yeux pour reconnaître tous ces personnages, ses barytons et ses ténors qui s'affrontent souvent à fleurets mouchetés.

Les ténors, ce sont souvent les plus jeunes, les caractères bouillants et impulsifs, mais aussi les fidèles et efficaces collaborateurs qui croient à la vision . Aussi les passionnés. Distinguons bien les ténors dits "légers", plutôt souples, et les ténors dits "lyriques" plus aigus, plus idéalistes. Les ténors "dramatiques" sont plus complexes, plus torturés (voir Le Trouvère, personnage de Manrico, de nature généreuse et combattante).

Les barytons, ce sont ceux qui aiment le pouvoir, qui veulent l'autorité, les chefs, les vrais et les faux, les tyrans.Ils tuent.Ils vont facilement au delà de l'acceptable.

Pour bien voir en action l'opéra des barytons et des ténors, rien de mieux qu'une belle représentation. Les meilleures se donnent dans les salles de réunion, les comités de Direction, les réunions commerciales, les groupes de travail (surtout ceux qui travaillent mal). Et, en sus des voix, on a aussi la chorégraphie, la position des personnages, les gestes (vers le haut, vers le bas, là encore les ténors et les barytons se révèlent).

A chacun de se faire son opéra; il suffit d'observer... et d'avoir le coeur chantant.Castafiore

Bonne représentation....et n'oubliez pas de rire de vous voir si belle en ce miroir....

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