Previous month:
avril 2006
Next month:
juin 2006

Manager à l'horizontale !

Vol_oies_smallLa semaine dernière j'avais rendez-vous dans un hôtel parisien avec un dirigeant d'entreprise...

Non, pas dans une chambre, mais dans une salle trés chic pour le petit déjeûner.

Nous n'étions pas les seuls. Le matin, de bonne heure, les salons d'hôtel se remplissent d'hommes sérieux, qui traitent des affaires une tasse de thé à la main. De table en table, le ballet des serveuses attentionnées donne un peu de féminité à l'endroit; les conversations sont chuchotées, mais ces chuchotements à l'unisson font finalement beaucoup de bruit; pas beaucoup de rires, ni d'éclats de voix, on est, c'est sûr, entre gens qui savent se tenir, se sustentant de boissons chaudes sur notes de frais.

Est-ce parce que nous sortions du lit que nous en sommes venus à parler de l'horizontalité ?

J'ai déjà évoqué tout la symbolique de la verticalité, à propos des ténors et des barytons; ce matin mon interlocuteur me fait part de son modèle de management qui privilégie l'horizontalité et la transversalité .

De quoi s'agit-il ?

L'entreprise traditionnelle, souvent industrielle, se manage par un système de délégations successives; le dirigeant exerce sa fonction en déléguant les responsabilités à tel ou tel de ses adjoints ou Directeurs en fonction de sa spécialité; les questions de Ressources Humaines pour le DRH, les questions de production pour le Directeur de la Production, les questions internationales pour le Directeur International, etc.... C'est la gestion verticale. Elle suppose qu'il existe un optimal par fonction, complètement indépendant des autres dimensions de l'entreprise.C'est cette vision qui tend à rechercher des "benchmarks" et des "bonnes pratiques" à l'extèrieur et les assembler les unes avec les autres pour construire l'entreprise performante, faite de l'excellente logistique (comme Dell), l'excellente gestion des Ressources Humaines (comme telle autre), l'excellente gestion client (comme l'a dit le bon consultant). Cette démarche est complètement innefficace la plupart du temps.Car l'entreprise n'est justement pas cette juxtaposition de fonctions, et le secret de la réussite des meilleures ne se résume jamais à une "bonne pratique" piquée ça et là, et isolée de son interdépendance avec les autres.

La gestion horizontale, c'est en fait la capacité à assembler sur les projets et les ambitions le bon mix de compétences internes, et aussi externes, qui vont faire éclore dans l'entreprise tous les changements et exploits dont elle a besoin. C'est cette capacité à avoir une vision cohérente et holistique de l'ensemble qui est en jeu.La hiérarchie des directeurs, sous-directeurs, collaborateurs, n'est que peu de secours pour construire cette dynamique.

On parle ici d'une vision holistique de l'entreprise, car elle va rechercher des équilibres entre toutes ses composantes, fixer des objectifs cohérents, et mettre en oeuvre une véritable gestion par projets dans l'ensemble de l'organisation, où chacun va contribuer, quelle que soit sa position dans la hiérarchie.

Tout est mis en cohérence, y compris les systèmes de motivation et de récompenses, qui donnent une grande part au collectif, comme on l'observe par exemple chez NUCOR. Mon interlocuteur a mis en place un système en trois tiers du variable de ses collaborateurs: 1/3 sur la performance globale de l'entreprise, 1/3 sur la performance de son équipe, 1/3 sur sa performance individuelle dans les projets spécifiques où sa contribution est importante.

Deux auteurs professeurs de la Wharton Shool, Daniel A. Levinthal et Nicolaj Siggelkow apportent un complément théorique utile à l'analyse des facteurs-clés de succés d'un tel mode de management. Ils appellent cela "multi-peaked performance landscape" et "fitness landscape", (voir l'article "a new tool for Resurrecting an Old Theory of the Firm" ici) et imaginent des outils de modélisation pour créer ces "landscapes" et manager toutes les interdépendances de l'entreprise complexe.

Autre avantage de ce mode de management, il favorise le travail en équipes; les leaders changent au gré des projets, et les rôles sont interchangeables; quand l'un des leaders émerge sur un projet, le leader précédent retrouve sa place dans l'organisation, mais reste aligné sur les objectifs de progrés. C'est le même fonctionnement observé dans les vols d'oies sauvages, où l'oie de tête est fréquemment remplacée par une autre qui vient échanger sa place avec elle dans le vol en groupe. C'est ce qui permet au groupe d'oies de parcourir de trés longues distances ensemble et donc d'aller trés loin.

Conclusion heureuse : pour bien manager, privilégions l'horizontalité, et observons les vols d'oies sauvages dans le ciel....Quel beau programme ....

avant de partir, j'ai repris un jus d'orange; sinon j'allais retourner me coucher....pour méditer sur l'horizontalité bienfaitrice.


L'état d'esprit de Dionysos

Dionysos3_1 Une des conséquences les plus évidentes pour l'opinion générale de la pression dans l'entreprise pour donner plus, être plus performant, améliorer l'efficacité, pousse à la recherche d'acquisition de compétences immédiatement utilisables pour être au niveau de ces attentes.

D'où une vision trés "court terme" de ces compétences, la recherche de celles qui sont dans le coup pour répondre au marché. Que d'erreurs sont ainsi commises.

Le Figaro de vendredi 19 mai , dans un article-opinion de Jean-claude Werrebrouck, professeur à l'université de Lille II, accrédite cette vision.

Il considère qu'il faut "adapter l'offre à la demande" et que les étudiants des universités "acceptent de renoncer à la liberté totale de s'inscrire dans la filière de leur choix". Il faut "former en vue d'un métier" et "passer d'un contrat non coopératif à un contrat coopératif" (il est inspiré par la théorie des jeux)entre l'université et l'entreprise, un "contrat commercial entre l'université et l'entreprise".Etc...On a l'impression qu'il croit à un système où l'Universté fabrique des diplômés "prêts à l'emploi".

Propositions pleines de bon sens mais tellement réductrices par rapport à la vraie dynamique de création de valeur de nos entreprises. Car ces compétences contractuellement identifiées, parfaitement codifiées, que valent elles ? Combien de temps seront elles utiles dans l'entreprise ? Le risque est fort qu'elles perdent vite de leur valeur, et que les jeunes gens qui auront crû à une telle histoire, sans voir au-delà, se verront vite atteindre 30, puis 40 ans et plus en se demandant ce qu'ils ont fait de leur vie professionnelle, pour se faire sortir du système par de nouveaux jeunes gens, en tout cas plus jeunes qu'eux.La vraie valeur est ailleurs.

Ce sont précisément ceux qui sortiront des codes évidents qui survivront (c'est le sens du livre "beyond code" que j'ai déjà évoqué).

La bonne gestion avec la liste des compétences "court terme" ne suffit pas pour faire réussir l'entreprise, ni pour assurer le projet professionnel et de vie des collaborateurs.

Michel Maffesoli nous aide à réfléchir à l'envers de ce décor trop parfait. Dans son livre "Du nomadisme", il évoque une figure bien connue :

"Lorsque la ville de Thèbes, bien, trop bien, gérée, par le sage Prométhée, se meurt de langueur, les femmes de la cité s'en vont quérir le turbulent Dionysos. Métèque, sexuellement ambigu, plus proche de la nature que de la culture, celui-ci redynamise la ville, et par là même redonne sens à un être-ensemble bien étiolé. Le barbare injecte un sang nouveau dans un corps social languide et par trop amolli par le bien-être et la sécurité programmés d'en haut. (...)

C'est cela le paradoxe contemporain : face à ce que l'on appelle la globalisation du monde, face à une société se voulant positive, lisse, sans aspérités, face à un développement technologique et à une idéologie économique régnant encore en maître, bref face à une société s'affirmant parfaite et "pleine", s'exprime la nécessité du "creux", de la perte, de la dépense, de tout ce qui ne se comptabilise pas, et échappe au fantasme du chiffre. De l'immatériel en quelque sorte. C'est en étant attentif "au prix des choses sans prix" (J. Duvignaud) que l'on saura donner du sens à tous ces phénomènes qui ne veulent pas avoir un sens."

Cet état d'esprit de Dyonisos , parfaitement revisité par Michel Maffesoli, nous interpelle pour éviter toutes ces visions simplistes de l'entreprise et de la performance, trop concentrées sur des codes pré-établis qui veulent faire rentrer tout le monde dans le rang. L'auteur nous donne le courage et les arguments pour résister à la "violence des bons sentiments, donnant une protection en échange de la soumission".

J'ai aussi relevé cette citation de S. Zweig (in "Le chandelier enterré") :

"Peut-être notre véritable destin est-il d'être éternellement en chemin, sans cesse regrettant et désirant avec nostalgie, toujours assoiffés de repos et toujours errants.

N'est sacrée en effet que la route dont on ne connaît pas le but et qu'on s'obstine néammoins à suivre, telle notre marche en ce moment à travers l'obscurité et les dangers sans savoir ce qui nous attend."


Les ténors et les barytons de l'opéra de l'entreprise

Florezoviedorecit04shad A l'opéra, tout est simple : les sentiments et les personnages sont faciles à identifier rien qu'à leur voix.

Le registre noble de l'existence appartient au ténor; la voix de dessus exprime les sentiments élevés. Il fascine par son aigu, charmant ou éclatant, suave ou puissant. On connaît ces personnages, le chevalier des Grieux de "Manon Lescault", Rodolfo de "La Bohème", Don Ottavio de "Don Juan",...

Et puis il y a le registre de l'ambition, de l'autorité. C'est le rôle du baryton, qui par sa voix basse, de "dessous", exprime des appétits de puissance, de domination, au dessous de la vie morale. C'est le rôle de Lescault, de Don Juan, de Marcello ("La Bohème"), et de Simon Bocanegra, que l'on peut voir en ce moment à l'Opéra Bastille (et diffusé sur Arte mardi 23 mai au soir).

Le monde de l'entreprise, ce n'est pas l'opéra.

Et pourtant.

Pourtant, la mise en scène de Simon Bocanegra rappelle notre monde actuel, les personnages en costumes et cravate étant assimilés à des cadres en lutte pour la conquête du pouvoir. Référence explicite au monde de la politique et des jeux de pouvoir.Tout y est : les complots, les poignards cachés et découverts, les trahisons, le poison....On se croirait dans l'affaire Clearstream...

Don Juan, cette année, se passait aussi dans un cadre de bureaux, genre tour de La Défense. J'en avais parlé ici.

Alors, si nos metteurs en scène veulent nous faire voir l'entreprise  sur la scène de l'opéra, pourquoi ne pas observer l'entreprise comme un opéra...

Cette symbolique entre ténors et barytons, elle parle (ou plutôt elle chante) plus qu'elle n'en a l'air.

Il est dans notre inconscient collectif de considérer que dans un axe vertical, les représentations les plus humanisées sont vers le haut, et les données les plus charnelles vers le bas.

En haut c'est le soleil, en dessous c'est la terre, le sombre, le sous-sol.

Même origine symbolique sur la voix.Observons les personnages.

La voix du ténor va exprimer l'enthousiasme, la joie, mais aussi parfois le rendre un peu ridicule, avec son aspect superficiel, léger, mais aussi sa passion.C'est l'amoureux fou d'une femme perdue (Alfredo, de "La Traviata"). Rodolfo ("La Bohème") est cet être sensible et doux, qui manifeste une ardeur juvénile, une certaine inconstance. Don José ("Carmen"), c'est celui qui, nommé gardien de Carmen, se laisse ensorcelé par celle-ci, la libère, puis à la fin, il la tue.C'est la passion sans limites. Otello, c'est l'homme d'action, intrépide, chevaleresque, à la colère sans limite quand il est jaloux; il tue sa femme et se suicide ensuite.Siegfried, c'est le ténor élevé par un forgeron, à la peau dure et insensible, sauf en un point fragile. C'est l'énergie, l'innocence, la joie quasi primitive.

Le baryton va exprimer ce qui est grave, profond, lourd, la chaleur des sentiments, le réalisme, l'enracinement. C'est la force de la Loi, la volonté, le désir.Mais il peut aussi déraper vers un Surmoi terrorisant (Le Commandeur de Don Juan), devenir méchant, chercher à dominer tout être qui paraît supérieur, sans crainte d'utiliser la dissimulation (voir Iago dans "Otello"). Baryton encore le bouffon, à l'esprit caustique, homme sans scrupule, traitre à soi-même et à son maître qu'il veut assassiner (Rigoletto). Baryton toujours, le chef de la police, cruel, sinistre, impérieux, utilisant le mensonge, le chantage (Scarpia, dans "Tosca"). Baryton le Figaro des "noces de Figaro", à la nature intrigante et opportuniste, ironique envers l'aristocratie.

Dans l'entreprise, il suffit d'ouvrir les yeux pour reconnaître tous ces personnages, ses barytons et ses ténors qui s'affrontent souvent à fleurets mouchetés.

Les ténors, ce sont souvent les plus jeunes, les caractères bouillants et impulsifs, mais aussi les fidèles et efficaces collaborateurs qui croient à la vision . Aussi les passionnés. Distinguons bien les ténors dits "légers", plutôt souples, et les ténors dits "lyriques" plus aigus, plus idéalistes. Les ténors "dramatiques" sont plus complexes, plus torturés (voir Le Trouvère, personnage de Manrico, de nature généreuse et combattante).

Les barytons, ce sont ceux qui aiment le pouvoir, qui veulent l'autorité, les chefs, les vrais et les faux, les tyrans.Ils tuent.Ils vont facilement au delà de l'acceptable.

Pour bien voir en action l'opéra des barytons et des ténors, rien de mieux qu'une belle représentation. Les meilleures se donnent dans les salles de réunion, les comités de Direction, les réunions commerciales, les groupes de travail (surtout ceux qui travaillent mal). Et, en sus des voix, on a aussi la chorégraphie, la position des personnages, les gestes (vers le haut, vers le bas, là encore les ténors et les barytons se révèlent).

A chacun de se faire son opéra; il suffit d'observer... et d'avoir le coeur chantant.Castafiore

Bonne représentation....et n'oubliez pas de rire de vous voir si belle en ce miroir....


Sauvons les barbies dilettantes !

Barbiedilettante_2 S'il y a bien un genre d'individu dont on ne veut apparemment pas dans l'entreprise moderne d'aujourd'hui, c'est bien le ou la dilettante. Genre cette barbie dilettante dont on ne voudrait même pas dans sa famille !

En effet, dans l'entreprise, le royaume de la performance, on veut des experts, des gens compétents, des professionnels, ceux qui s'accrochent aux objectifs, qui obtiennent des résultats. Oui, le résultat, c'est ça qui compte. Alors qu'un dilettante, c'est un genre d'amateur, à ne pas prendre au sérieux, qui n'obtient pas la performance requise, qui n'a pas le niveau du vrai professionnel.

Alors, les dilettantes, que doivent-t-ils faire ? se cacher pour mourir ?

Au contraire, nous en avons le plus grand besoin, et c'est l'entreprise sans dilettantes qui va mourir ?

Comment cela ???

L'origine latine du mot dilettante, c'est "delectare", qui veut dire "qui trouve du plaisir à ". Le dilettante, c'est celui qui prend du plaisir à ce qu'il fait; c'est celui qui vit sa vie comme une expérience perpétuelle. Il y eut des moments dans l'histoire où être un poète dilettante était une qualité, signe d'un mode de vie, et que la qualité de la vie était meilleure quand on s'adonnait à ce type d'occupation.

Aujourd'hui, il est incontestable qu'on privilégie plus les résultats que la qualité de l'expérience.

Pourtant, cette capacité à prendre du plaisir, à s'intéresser à des choses variées, n'est ce pas une richesse incroyable dont les entreprises auraient bien besoin ?

Privilégier exclusivement les experts et compétences, chaque fois plus spécialisées, c'est avoir dans l'entreprise, au summum de leurs compétences, des personnes qui, à force de savoir de plus en plus de choses sur de moins en moins de sujets, savent "tout sur rien".

Bien sûr, le vrai dilettante ne doit pas non plus être ce généraliste qui sait de moins de choses sur de plus en plus de sujets, et qui, au summum de sa compétence, saurait "rien sur tout", ressemblant en cela à l'expert.

Non, le dilettante, le vrai, est celui qui prend son plaisir dans ce qu'il découvre, dans sa curiosité. Il trouve dans tout ce qu'il entreprend ou fait une occasion de se réjouir, de jouir de l'instant. Il projette dans ses relations avec les autres ce plaisir de vivre qui est souvent communicatif. Il aime ce qui est nouveau, ce qui change.

Le danger serait pour lui, à force d'exercer son dilettantisme sur tel ou tel sujet, de sombrer dans le professionnalisme, ou pire, de se prendre pour un professionnel, de la photo, de la psychologie, du marketing, de la finance....Pour éviter ce travers, il doit constamment faire la différence entre le plaisir à faire ces activités, sans recherche d'expertise, et garder son attitude d'expert pour les domaines où il a réellement choisi d'être l'expert....pour le plaisir d'être expert....

Cette notion d'expérience, de plaisir, si elle vient à manquer dans les entreprises, condamne probablement à un environnement de travail qui n'encourage pas l'innovation, qui met sous contrainte des collaborateurs en résistance (passive-agressive).

Alors, oui, il faut sauver les dilettantes, et embaucher les barbies dilettantes, filles et garçons,  qui, quand elles auront fini d'essayer leurs chapeaux, nous apporteront ce dynamisme et cette créativité que les experts languissants n'arrivent pas à donner.

Cette origine des dilettantes, je l'ai trouvée dans l'ouvrage de Mihaly Csikszentmihalyi, "Flow", aussi disponible en français, qui est un long plaidoyer sur le plaisir de vivre (une vraie référence pour les vrais dilettantes, assurément).


Quelle marque voulez-vous tatouer sur votre corps ?

Harleytatoo Il est des marques qui  ont une telle valeur émotionnelle que certaines personnes (les clients les plus amoureux !) se les font tatouer sur le corps; c'est le cas de Harley Davidson.

J'ai l'impression de rencontrer ce type de personnes quand, à la question "que faites-vous ?", on me répond : "je travaille pour ...IBM, Air France, Thalès,..." et rien d'autre. A croire que la personnalité de mon interlocuteur s'est complètement fondue dans l'entreprise qui l'emploie. Il n'existe plus, il se confond avec la couleur de la marque. Je l'imagine avec le tatouage de son entreprise sur tout le corps...Cette réponse est souvent associée à un ton de voix qui démontre toute la fierté d'être ainsi propriété d'une marque respectable.

Bien sûr, il est satisfaisant pour une entreprise de savoir que ses collaborateurs sont fiers de travailler pour elle, et cette fierté se construit chaque jour en traitant ceux-ci le mieux possible pour les fidéliser.

Mais, quand même, pour l'individu, de quoi est constituée cette fierté ?

Généralement de la gloire, de la réputation passée de son entreprise, et de ses compétences actuelles. Mais en empruntant ainsi en permanence, pour se présenter aux autres, cette réputation et cette gloire, l'individu néglige quelque chose qui a probablement encore plus de valeur pour lui personnellement : sa marque personnelle, ce qui fait son projet, sa différence, sa valeur.

L'entreprise doit-elle se sentir responsable de cette négligence et s'en alarmer, ou bien s'en réjouir ?; après tout, c'est pas mal d'avoir de tels collaborateurs dévoués et assimilés à l'entreprise, non ?

Raisonnement à courte vue,car comment apporter à l'entreprise innovation, idées nouvelles, et prise de risque si on est recroquevillé dans sa gloire passée ? Et que dire de ce qui arrivera le jour où ce collaborateur tatoué devra changer d'emploi ou d'entreprise ? où Alcatel deviendra Lucent, ou l'inverse ? C'est une obligation pour l'entreprise d'aider ses collaborateurs à faire grandir leur marque personnelle.C'est la somme des marques personnelles fortes de ses collaborateurs qui feront la force et la pérennité de la marque de l'entreprise.

A ces personnes qui ne savent rien dire sur elles-mêmes que la marque de leur entreprise, la question à poser n'est pas "êtes vous fier de travailler pour cette entreprise ?" mais "Est-ce-que votre entreprise est fière que vous travaillez pour elle ?".

Ce travail de construction et de développement de sa marque personnelle semble un exercice trés difficile pour de nombreuses personnes. Je m'en aperçois chaque jour en interviewant des candidats pour PMP (oui, nous recrutons des consultants, avec des marques personnelles fortes) : cette difficulté à parler de soi, à communiquer son projet, à se montrer unique. Combien se présentent avec les marques de leurs employeurs successifs tatouées sur leur corps, et dont ils vous proposent la visite, plus ou moins guidée.

Pour aider chacun à se construire une marque personnelle plus forte, Rajesh Setty a écrit un guide en 9 étapes, "Beyond Code"; il a aussi un blog pour le SAV...

Il marche bien ce bouquin, même s'il n'a pas encore de version en français ; il est lui-même le fruit d'un vrai parcours personnel de construction de sa marque personnelle par ce jeune auteur d'une trentaine d'années : issu d'une famille "middle class" en Inde, il a décidé à 10 ans de publier un roman; à 16 ans il en avait publié 6! et quand il a eu l'idée de publier un livre sur la meilleure façon de construire sa marque personnelle, il s'est dit que la préface serait écrite par Tom Peters, qu'il admirait mais n'avait jamais rencontré; et devinez quoi : la préface du livre est écrite par Tom Peters ! Aujourd'hui il a créé sa propre entreprise de services informatiques.

Alors, avant de vous tatouer n'importe quoi sur le corps, pensez à votre marque personnelle !

Précisons toutefois que le tatouage est facultatif, et ne fait pas partie des 9 étapes de l'auteur...


Prendre des risques avec une tenue chic...

Rockclimbing04_2 La prise de risques est une obligation pour l'entreprise, et ceux qui croient pouvoir manager et diriger les organisations sans prendre de risques n'emmènent jamais leurs entreprises au succés. D'où les faillites des plans stratégiques sans audace.

On peut aussi s'interroger sur les fondements de cette capacité à prendre des risques, cet "esprit d'entreprise" qui semble tant manquer aujourd'hui.

Qu'est ce qui fait que certains prennent des risques et pas d'autres ?

Pourquoi ce grimpeur de montagne ou de rocher s'embarque-t-il dans une aventure si pleine de risques ?

En fait, ce qui semble pousser l'audace de ces personnes, d'aprés les témoignages que nous pouvons lire de ce type de sportifs, c'est précisément leur conviction qu'ils sont capables de contrôler les risques qu'ils prennent, qu'ils sauront se tirer des situations difficiles grâce à leur maîtrise et à leurs compétences. On ne parle pas ici de procédures standard de sécurité, mais au contraire de la capacité à réagir, à prendre les bonnes décisions, au moment où le danger survient, et même mieux, avant que le danger ne survienne.

Cette capacité, cette assurance du contrôle, c'est le pendant de la prise de risques.

Il en est de même pour l'entreprise : c'est dans les entreprises où les systèmes de contrôle de la performance, d'anticipation des risques, sont les plus aboutis que l'audace et la prise de risques sont le mieux récompensés. Reste à savoir bien designer ces systèmes, et à trouver le bon équilibre entre le contrôle qui empêche toute initiative, et celui qui au contraire l'encourage.

A cet égard, les démarches à la mode de "balanced scorecard", popularisées par le professeur Kaplan, sont souvent trop mécanistes et n'insistent pas assez sur cet encouragement au risque.

C'est comme si on s'équipait pour une expédition risquée de haute montagne, en ne faisant jamais cette expédition.

Ainsi, si l'on se lance dans la mise en place de tableaux de bord ou balanced scorecard, la première question à se poser est probablement : pour quelle prise de risques est fait ce système ?

Le design est aussi trés important.

Allez voir le blog "The Dashboard Spy", qui recense de nombreux systèmes de "dashboards" permis par les nouvelles technologies, et qui ringardisent un peu nos tableaux excel..

J'aime bien la "war room" photographiée ici sous tous les angles...Warroomdashboard3_1

C'est la haute couture du tableau de bord. Mais bon, quitte à prendre des risques, autant que ce soit avec une tenue chic, non ?