Les actionnaires doivent ils décider seuls du sort des entreprises ?
04 février 2006
L'affaire du moment sur l'OPA de l'indien néerlandais londonien Mittal sur l'européen luxembourgeois ARCELOR est l'occasion beaucoup de bêtises dans les journaux et à la télévision en ce moment.
C'est aussi, ça et là, quelques remarques intéressantes.
Le sujet, c'est le rôle des actionnaires.
Quand un gouvernement, un homme politique, qui ne représente que lui-même et pas du tout l'actionnaire, s'en prend à l'opération au nom du "patriotisme économique" il parle dans le vide.
J'ai par contre relevé les commentaires d'Alain Etchegoyen dans Le Figaro de vendredi dernier.
Alain Etchegoyen, qui s'est fait débarqué du Plan par de Villepin récemment (voir ICI), a aussi été administrateur et membre du Comité d'Audit d'ARCELOR de 1995 à 2002.
Il considère que cette OPA hostiles est "de bonne guerre parce que c'est la guerre, la guerre économique".
Et puis, à la fin de son commentaire, il lâche ceci :
"L'ensemble de ces opérations pose une question qu'il faut traiter sérieusement, et dans tous les sens. quand Arcelor acquiert Dofasco, il séduit, lui aussi, les actionnaires par une offre supérieure à celle de Thyssen. Il est certainement temps de ne plus voir les seuls actionnaires décider du sort des entreprises : les salariés, les fournisseurs et les clients font vivre ces entreprises. Ils travaillent, ils produisent, ils achètent sans qu'aucune forme de pouvoir ne leur permette d'exprimer leurs contributions aux succès d'une entreprise."
Cette vision revient à considérer que les "stakeholders" de l'entreprise ont des droits à égalité qui ne rendent pas l'actionnaire seul juge. Argument que l'on pourrait retrouver dans le débat en cours sur le téléchargement de musique sur internet ("la musique appartient à celui qui l'écoute, et non à son auteur"...).
Cette philosophie, proposée par un de ceux que l'on appelle "administrateur indépendant" dans les conseils d'administration, c'est précisément cette conception de la gouvernance d'entreprise que combat fermement Colette Neuville, présidente de l'Association de Défense des Actionnaires Minoritaires (Adam).
Elle est interviewée dans l'AGEFI du 3 février :
" Cette affaire pose une nouvelle fois la question de la gouvernance et notamment de la composition des conseils d'administration en relation avec la structure de l'actionnariat. L'expérience montre que l'avis favorable - ou défavorable - d'un conseil d'administration composé essentiellement d'administrateurs indépendants ne pèse pas lourd face à une offre publique. Il en va tout autrement lorsque le conseil est composé des principaux actionnaires. La fiction de la représentativité des administrateurs indépendants tombe face à une offre publique, qui est la minute de vérité à cet égard. Si on veut donner aux entreprises le moyen de mener des politiques à long terme, et de résister éventuellement à des attaques, il faudra certainement se préoccuper de la structure de l'actionnariat et de celle des conseils d'administration, ce qui implique une vraie réflexion sur le rôle des organismes de placement collectifs et des règles qui leur sont applicables".
Ce débat sur le rôle de l'actionnaire en tant que partie prenante n'est pas tranché.
Néammoins, comme l'a dit Thierry Breton, " Ce sont les actionnaires qui vont trancher, pas les Etats."
Et puis ces actionnaires, représentés justement par ces investisseurs et organismes de placement collectifs, il faut les séduire.
Dans l'AGEFI toujours, Pierre Henry Leroy, président de Proxinvest, apporte un autre élément au débat :
"Arcelor ne parvient pas encore à convaincre, face à un public d'investisseurs jeunes et internationaux. Signe aussi d'une déficience de la gouvernance du Groupe, avec des statuts et une communication financière désuets."
On l'a compris, cett affaire d'OPA, c'est encore une bataille de jeunes contre les vieux, les désuets;
Les jeunes investisseurs contre le vieux monsieur Dollé.
On y revient toujours; mais cela laisse un peu pensif.
Ce jeunisme que n'aimait pas Nicolas Sarkozy l'autre jour, il sévit là aussi.
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