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Comment élever les juniors ?

Poussin Dans un groupe ou une entreprise de petite taille, le leader a la possibilité d'interagir régulièrement avec tous les membres de son groupe, devant le client, ou en back office du client : observons les restaurants, les petits commerces, les petites structures de conseil et services divers aux entreprises.

Et puis, à mesure que le groupe ou l'entreprise grandit, l'essentiel du temps du leader est passé avec les éléments séniors de l'entité, et ce sont ces seniors qui prendront en charge la motivation, la supervision et le développement des collaborateurs les plus juniors.

Ce phénomène est classique dans l'univers du consulting, de l' audit, des firmes professionnelles d'avocats, d'architectes,...

Ce personnel junior est exigeant, par nature, sur la satisfaction de son désir d'apprendre, de se développer, de renforcer ses compétences, et, aujourd'hui plus que jamais, est trés volatil (volage ?) : regardons les taux de turnover des grandes firmes de conseil ou des sociétés de services informatiques, et nous comprenons combien la bonne gestion, et la fidélisation, des meilleurs talents de ce type de profils est clé pour la rentabilité et la satisfaction des clients de cette industrie.

David Maister, consultant de firmes de services professionnelles, qui a écrit de nombreux ouvrages sur ce secteur, et intervient fréquemment auprès d'entreprises de celui-ci, est pour moi l'auteur de référence. Lisez notamment " Managing the professionnal service firm" ou " True Professionalism".Il a aussi un blog .

J'ai eu la chance de suivre les formations qu'il dispense, il y a pas mal d'années; je m'en souvient encore. j'ai le souvenir d'un personnage trés drôle, utilisant de nombreuses métaphores pour illustrer ses propos, trés pragmatique.Pas facile d'être consultant pour des consultants, un peu comme vouloir être "éleveur de chats"...mais il y réussit trés bien. Il est seul dans son entreprise, avec son assistante, et fait le tour du monde pour vendre ses services, et de temps en temps, il écrit un livre à partir des articles qu'il publie régulièrement.

Je suis retourné ces derniers jours à cette source pour relire ses recommandations sur la meilleure façon d'élever les juniors dans les entreprises de services professionnels.

Il est évident que les méthodes et styles de supervision des équipes peuvent difficilement être complètement standardisées; chacun a sa façon, sa personnalité, et les équipes qu'il constitue ont aussi des composantes qui dépendent de cette personnalité. Néammoins, obtenir un niveau de qualité conforme exige que certains standard soient partagés et appliqués par tous.

Quels standards recommande David, correspondant aux attentes raisonnables des juniors que l'entreprise, via ses seniors assurant la supervision, doit garantir ; ils se présentent en quinze points (la traduction est de moi) :

1. Quand des tâches ou projets leur sont assignés, ils comprennent clairement ce que l'on attend d'eux,

2. ils comprennent comment les tâches qui leur sont confiées s'insèrent dans les objectifs globaux de la mission,

3. L'aide nécessaire est disponible quand ils ont besoin de poser des questions,

4. Ils recoivent rapidement les feedbacks, bons ou mauvais, sur leur travail,

5. Quand ils sont corrigés pour quelque chose qu'ils ont fait, ou qu'ils n'ont pas fait, ceci se fait de manière constructive;

6. Ils reçoivent un bon coaching pour les aider à améliorer leur performance,

7. Ils sont tenus informés de tout ce qu'ils ont besoin de savoir pour faire correctement leur travail,

8. Ils ont la liberté suffisante pour prendre les décisions nécessaires pour faire leur travail correctement,

9. Ils sont activement encouragés à proposer de nouvelles idées et à faire des suggestions d'amélioration,

10. Les réunions d'équipe sont conduites de façon à permettre de construire confiance et respect mutuel,

11. Dans chaque mission, de trés hauts standards de performance sont mis en place et renforcés,

12. Ils se sentent comme membre d'une équipe qui fonctionne bien,

13. Leur travail utilise correctement leur compétences et habileté,

14. Les missions où ils travaillent les aide à grandir et à apprendre;

15. Leur travail est intéressant et "challenging".

Cette liste est un bon outil de contrôle pour tous ceux qui ont à gérer des profils juniors, et leur permettre d'éviter les erreurs ou fautes les plus évidentes, et surtout de viser l'excellence.

Bon outil également pour faire s'exprimer les juniors sur leur perception personnelle de ces sujets, et mettre en place les actions nécessaires.

Cette dimension de la gestion des services est essentielle aujourd'hui où certains sont en train de prédire que nous allons connaître, dans les dix ans qui viennent un manque de talents pour satisfaire les besoins en développement et innovation des entreprises, aux Etats Unis d'abord, et ensuite en Europe et en Asie.

La déclaration du Président de Manpower, Jeffrey A. Joerres, à une réunion d'investisseurs cette semaine est édifiante :

"In 10 years, we will see many businesses failing because they haven't planned ahead for the talent shortage and are unable to find the people they need to run their businesses. This is not a cyclical trend, as we have seen in the past, this time the talent crunch is for real, and it's going to last for decades".

Allez voir aussi leur "white paper" : "Confronting the talent crunch : what's next ?"

Raison de plus pour soigner et faire grandir les jeunes talents, ceux dont toute entreprise a besoin pour grandir, et qui la feront réussir mieux que tous ses concurrents si elle sait les garder et les développer mieux qu'eux.

Ce challenge ambitieux demande bien sûr beaucoup d'efforts et de remise en cause, exige d'écouter les attentes de ces nouvelles générations qui débarquent sur le marché du travail aujourd'hui avec des comportements et des visions de la vie qui ne sont pas ceux de leurs parents. Mais c'est aussi un merveilleux challenge pour les managers et dirigeants des entreprises.


Henry Ford au secours des stakeholders

Ford Décidément, cette histoire de "stakeholders" dont Thierry Breton nous avait parlé ICI, et Le Figaro ICI, c'est le sujet du moment; Voilà que Les Echos, grâce à Jean-Marc Vittori, s'y met aussi vendredi dernier. C'est l'OPA de Mittal sur Arcelor qui a lancé le sujet.

Rien de neuf dans cet article sur la thèse des "stakeholders", que la Commission générale de terminologie et de néologie a officiellement traduit en "parties prenantes"  : l'entreprise n'est pas sur une île déserte avec ses financiers, elle doit tenir compte des salariés, fournisseurs, clients,...

Les réserves et limites exprimées dans l'article du Figaro ne sont pas reprises; aux Echos on est "pro- stakeholders" : so chic.

Ce qui est amusant c'est d'être allé chercher une histoire de ...1916 pour appuyer la thèse : l'histoire de Henry Ford, grand précurseur de la défense des stakeholders.

De quoi s'agit il ?

En 1916, fort des énormes gains de productivité réalisés grâce à ses chaines d'assemblages, Henry Ford décide, au lieu de verser d'énormes dividendes, d'augmenter les salariés et de baisser les prix.

Les actionnaires ne sont pas contents et poursuivent. Trois ans plus tard, la cour suprême du Michigan leur donne raison et ordonne le versement d'un superdividende de 19 millions de dollars.

Cette histoire est paradoxale, car, si elle fait passer Henry Ford pour le précurseur de la théorie des stakeholders, elle est aussi la démonstration du pouvoir des actionnaires. Chacun y trouvera ce qu'il veut y voir.

Jean-Marc Vittori a aussi trouvé une citation de Henry hymself :

"L'entreprise doit faire des profits sinon elle mourra. Mais si l'on tente de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra aussi car elle n'aura plus de raison d'être."

Adam Smith est aussi appelé en témoin : pour lui, la maximisation du profit doit profiter à la société toute entière, "jusque dans les dernières classes du peuple".

N'en jetez plus : Henry Ford, Adam Smith, Thierry Breton, ce club des "stakeholder" est vraiment trés bien.....

L'image des actionnaires va en prendre un coup ( suivez mon regard vers ce Monsieur Mittal...),

.....ce qui n'a pas empêché lle CAC 40 d'atteindre vendredi le seuil des 5000 points.


Esprit d'entreprise : es tu là ?

Entrepreneur_1 En ce moment quand on parle travail, on parle CPE, contrat, droits, salariés, etc..

Ségolène Royal vient d'ouvrir un site de débats et forums, "Désirs d'avenir". L'un des débats ouverts, c'est : "Comment concevoir le travail entre souplesse et sécurité ?".

Le but, c'est de "contrer la précarisation dans le travail", d'inventer des "sécurités nouvelles pour les salariés".

On ne parle pas dans ces échanges de ceux qui ont envie de se sentir "entrepreneurs", qui revendiquent cet "esprit d'entreprise".

Et pourtant, cette façon d'exercer une activité est constamment en hausse. Nombreux sont ceux qui aspirent à être indépendants, libres, qui ne veulent pas se lier par un contrat salarié, qui veulent créer et prendre le risque d'entreprendre.

Charles Handy, professeur anglais, prêche depuis longtemps pour de nouvelles organisations du travail où ceux qui sont libres et indépendants, éventuellement en groupes, ceux qu'il appelle "les puces", seront de plus en plus nombreux à tourner autour des "éléphants", les multinationales, qui externaliseront vers ce type d'individus la prise de risque, l'innovation, le service,... (voir son excellent ouvrage "the elephant and the flea").

Dans les grandes structures déjà établies, on rencontre souvent des individus brillants qui ont été attirés précisément par ce côté institutionnel; mais malheureusement, c'est aussi dans ces structures qu'ils se retrouvent placés dans des situations, des postes, enfermés dans des procédures, qui rendent l'initiative difficile, voire impossible. Une bonne part de l'énergie déployée par ces individus est utilisée pour tenter de conquérir les postes, et le sommet, avant les autres.

Alors que dans une structure  naissante, surtout si c'est la vôtre, vous n'avez pas à conquérir un sommet existant; c'est vous-même qui bâtissez le sommet et vous y situez.

C'est cet acte créateur, cette prise de risque, qui a conduit aux grands progrès et aux grandes innovations.

Regardons l'histoire des grandes figures de l'entreprise du début du siècle, Ford, Carnegie : à chaque fois un individu, une idée, un défi ont fait démarrer quelque chose de nouveau.

Cet "esprit d'entreprise" dont on a absolument besoin, il ne s'apprend pas dans les livres, et il n'est pas trés encouragé par les discours sécuritaires sur le salariat.

Pourtant, les salariés qui subsisteront dans le système, qui seront protégés, auront de plus en plus besoin de ceux qui prennent les risques, qui innovent, qui garderont l'envie de renoncer à des désirs personnels pour satisfaire ceux des autres : consacrer des années de travail, et ses moyens financiers, à procurer aux autres des biens nouveaux, à confier son destin à des inconnus, au marché, à des clients, tous soumis à une liberté de choix totale, dont la fidélité est de plus en difficile à obtenir.

C'est en fait un saut dans l'inconnu, une impulsion d'ordre quasi "mystique".

Dans les années 80, George Gilder avait trés bien cerné ce phénomène dans son ouvrage "L'esprit d'entreprise", qui contient de nombreuses histoires d'entrepreneurs, et un hymne au libéralisme et à l'entreprise.Charles Handy vient de sortir " The new alchemists", que je n'ai pas encore lu, mais qui me parait être de même nature.

Cet esprit d'entreprise constitue en fait un élément majeur de la réussite économique des pays, qui n'est pas du tout cerné par les chiffres habituels du PIB. C'est ce qu'on appelle le "capital immatériel".

Le programme qui saura capturer les ingrédients de celui-ci, qui fera participer tous les acteurs à son développement, l'Etat, l'Education, les créateurs d'entreprises, qui saura créer les vocations et permettra à tous ceux qui veulent travailler comme entrepreneurs de le faire de plus en plus, ce programme sera notre salut.

Les Etats qui auront les meilleures réussites en "taux d'esprit d'entreprise" seront les gagnants.

Je rencontre de nombreuses personnes, de tous âges, qui sont prêtes au défi, qui veulent apporter leur esprit d'entreprise, mais elles se sentent parfois comme des "inadaptées", "anormales", perdues au milieu des foules qui cherchent la sécurité, les contrats, les horaires de travail, la retraite, la sanctuarisation de leur "vie personnelle".

Elles veulent régler leur vie sur une croyance personnelle que leur esprit d'entreprise, leurs efforts, leurs mérites seront récompensés quoi qu'il arrive; qu'un jour, mystèrieusement, tous les éléments vont s'assembler et donner leurs fruits.C'est un processus complètement irrationnel, du domaine de la foi, presque, qui les fait se donner à fond dans leur passion d'entreprendre.Il les conduit à vouloir travailler beaucoup, à constamment remettre en cause les évidences et les acquis.

Elles n'osent pas en parler autour d'elles, de peur d'être prises pour des "malades".

Cette notion de "développer et encourager l'esprit d'entreprise", et de le faire vraiment, il va être intéressant d'observer si elle apparaît et comment dans les débats qui se préparent pour les prochaines échéances électorales.

En ce moment, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on est à marée basse.


Bercy veut supprimer les actionnaires ?

Dolle Le Figaro d'hier, dans un article de Cyrille Lachevre, revient sur la thèse que Thierry Breton avait exposée aux anciens HEC la semaine dernière et dont j'ai parlé ICI.

Le titre : "De la difficulté pour un Etat d'être une "partie prenante"

L'auteur semble trés dubitative sur cette histoire de "capitalisme des parties prenantes", et cite notamment Pierre-Yves Gomez, directeur de l'Institut français du gouvernement des entreprises, qui considère que cette idée, sortie des réflexions d'économistes des années 90, tel Edward Freeman, s'est révélée trés difficile à mettre en oeuvre, notamment quand il s'agit de hiérarchiser les droits des différentes parties prenantes les unes par rapport aux autres.

Pour Pierre-Yves Gomez :

"In fine, on en revient toujours au même point : le meilleur moyen de peser sur les décisions consiste à être actionnaire".

Pour se faire soi-même son opinion, l'article indique une sélection d'ouvrages :

- "Strategic Management : A stakeholder Approach, R.E Freeman Pitman, Boston, 1984

- "La République des actionnaires" Pierre-Yves Gomez, Alternatives économiques, 2002

- "La théorie des parties prenantes : théorie normative ou théorie empirique ? ", Salma Damak-Ayadi, 2003.

A lire pour comprendre Thierry Breton.....


Ich bin ein "stakeholder" !

Berliner Hier, les Directs HEC recevaient Thierry Breton.

Il a répondu longuement à des questions qu'on ne lui avait pas posées.

Une question sur le rôle de l'Etat dans les entreprises prises dans des fusions et OPA l'a rendu d'un coup passionné. Bien sûr, il a parlé de Arcelor et Mittal.

Mais il a surtout voulu nous donner une explication de texte, lui il dit "grammaire des affaires", en insistant sur la différence qu'il fait, dans le monde moderne, entre l'actionnaire et le management :

C'est au management de fixer la stratégie et le projet de l'entreprise; c'est le rôle de l'actionnaire de décider, de nommer ce management. Lui qui a été "chef d'entreprise" (il a dû nous le rappeler au moins une dizaine de fois, seuls ceux qui dormaient ne l'ont pas entendu...), il sait comment marchent les conseils d'administration, et c'est un sujet majeur de recherche aux Etats-Unis (Ah, nous, les HEC on est vraiment ringards si on ne le sait pas...nous baissions tous les yeux devant professeur Breton...).

Et puis, il n'y a pas que le management et l'actionnaire qui ont leur mot à dire. Dans une "économie moderne", ce sont tous les "stakeholders" qui ont leur droit à la parole : il n'est pas possible de considérer que le management doit uniquement s'occuper de satisfaire l'actionnaire, c'est fini ça; il doit s'intéresser aux Etats dans lesquels l'entreprise est présente, il doit s'intéresser aux clients, il doit s'intéresser aux syndicats, aux salariés, aux fournisseurs, bref tous ont leur mot à dire, ce sont les "stakeholders" et ils ont tous droit à la parole, même si ce sont les actionnaires qui décideront in fine ; et l'affaire Arcelor - Mittal est le parfait exemple pour lui de cette situation.

Oui, lui, en tant que ministre des Finances, de l'économie et de l'industrie de la France, il est un "stakeholder", il nous l'a dit et répété : "Je suis un "stakeholder", et je dis ce qui se passe, et je prends position, et donc j'interviens dans cette histoire car la France, ses universités, ses centres de recherche, ses emplois, sont concernés.

Cette démonstration était intéressante, reprenant d'ailleurs les réflexions d'Alain Etchegoyen que j'avais relevées ICI.

On ne voyait pas complètement ce que le fait de "dire ce qui se passe" allait changer à la situation, mais on peut toujours croire que cette transparence obtenue grâce au "stakeholder Breton" aurait un effet positif sur les conditions du deal, s'il se fait (On avait l'impression en l'écoutant, que ça allait se faire finalement), ou bien aiderait à ce qu'il ne se fasse pas si les questions posées ne trouvaient pas solutions, malgré les efforts des banques d'affaires attirées par les commissions en jeu pour elles.

En tous cas, on sent bien combien ce débat sur les actionnaires et les "stakeholders" est majeur dans l'évolution de la gouvernance de nos entreprises, et le rôle de l'Etat.Le fait que le ministre des finances s'en saisisse avec autant de clarté et de pédagogie est plutôt rassurant, même si il reste probablement isolé parmi ses collègues politiques, de droite comme de gauche, comme il nous l'a laissé entendre.


Être leader sans autorité : impossible ? ou plus facile ?

Gandhi Discussion ces derniers jours sur un sujet qui revient souvent quand on analyse les difficultés pour mener un projet de changement : "Je n'arrive pas à faire avancer les choses comme il faudrait, car je n'ai pas l'autorité hiérarchique pour imposer le changement".

Il est vrai que souvent, quand on montre en exemple les qualités des leaders qui réussissent, on met en avant des figures de chefs, qui ont précisémment cette autorité qui semble un atout incontestable pour exercer les talents adéquats.

Pourtant, les dirigeants eux-mêmes constatent combien cette apparente évidence que l'autorité permet de mener facilement le changement est une illusion totale : on demande au dirigeant, voir par exemple en politique, et les débats en ce moment sur le CPE, de mener le changement, à condition qu'il ne perturbe pas mes intérêts, mais plutôt celui des autres. En fait les parties prenantes ne partagent jamais en même temps les mêmes visions du changement.

C'est souvent au contraire un déviant, un original, sans autorité, qui, en apportant d'autres points de vue, contribue à la transformation du système. On pense à Martin Luther King, à Gandhi, ou à d'autres figures moins connues autour de nous, qui, en disant que "le roi est nu", en montrant les réalités autrement, bousculent ce qui avait l'air immuable.

Ce phénomène, appliqué au leadership dans les entreprises, a été particulièrement bien analysé par Ronald A. Heifetz dans son ouvrage "Leadership without easy answers".

Quelle est sa thèse ?

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Les actionnaires doivent ils décider seuls du sort des entreprises ?

Acierindien L'affaire du moment sur l'OPA de l'indien néerlandais londonien Mittal sur l'européen luxembourgeois ARCELOR est l'occasion beaucoup de bêtises dans les journaux et à la télévision en ce moment.

C'est aussi, ça et là, quelques remarques intéressantes.

Le sujet, c'est le rôle des actionnaires.

Quand un gouvernement, un homme politique, qui ne représente que lui-même et pas du tout l'actionnaire, s'en prend à l'opération au nom du "patriotisme économique" il parle dans le vide.

J'ai par contre relevé les commentaires d'Alain Etchegoyen dans Le Figaro de vendredi dernier.

Alain Etchegoyen, qui s'est fait débarqué du Plan par de Villepin récemment (voir ICI), a aussi été administrateur et membre du Comité d'Audit d'ARCELOR de 1995 à 2002.

Il considère que cette OPA hostiles est "de bonne guerre parce que c'est la guerre, la guerre économique".

Et puis, à la fin de son commentaire, il lâche ceci :

"L'ensemble de ces opérations pose une question qu'il faut traiter sérieusement, et dans tous les sens. quand Arcelor acquiert Dofasco, il séduit, lui aussi, les actionnaires par une offre supérieure à celle de Thyssen. Il est certainement temps de ne plus voir les seuls actionnaires décider du sort des entreprises : les salariés, les fournisseurs et les clients font vivre ces entreprises. Ils travaillent, ils produisent, ils achètent sans qu'aucune forme de pouvoir ne leur permette d'exprimer leurs contributions aux succès d'une entreprise."

Cette vision revient à considérer que les "stakeholders" de l'entreprise ont des droits à égalité qui ne rendent pas l'actionnaire seul juge. Argument que l'on pourrait retrouver dans le débat en cours sur le téléchargement de musique sur internet ("la musique appartient à celui qui l'écoute, et non à son auteur"...).

Cette philosophie, proposée par un de ceux que l'on appelle "administrateur indépendant" dans les conseils d'administration, c'est précisément cette conception de la gouvernance d'entreprise que combat fermement Colette Neuville, présidente de l'Association de Défense des Actionnaires Minoritaires (Adam).

Elle est interviewée dans l'AGEFI du 3 février :

" Cette affaire pose une nouvelle fois la question de la gouvernance et notamment de la composition des conseils d'administration en relation avec la structure de l'actionnariat. L'expérience montre que l'avis favorable - ou défavorable - d'un conseil d'administration composé essentiellement d'administrateurs indépendants ne pèse pas lourd face à une offre publique. Il en va tout autrement lorsque le conseil est composé des principaux actionnaires. La fiction de la représentativité des administrateurs indépendants tombe face à une offre publique, qui est la minute de vérité à cet égard. Si on veut donner aux entreprises le moyen de mener des politiques à long terme, et de résister éventuellement à des attaques, il faudra certainement se préoccuper de la structure de l'actionnariat et de celle des conseils d'administration, ce qui implique une vraie réflexion sur le rôle des organismes de placement collectifs et des règles qui leur sont applicables".

Ce débat sur le rôle de l'actionnaire en tant que partie prenante n'est pas tranché.

Néammoins, comme l'a dit Thierry Breton, " Ce sont les actionnaires qui vont trancher, pas les Etats."

Et puis ces actionnaires, représentés justement par ces investisseurs et organismes de placement collectifs, il faut les séduire.

Dans l'AGEFI toujours, Pierre Henry Leroy, président de Proxinvest, apporte un autre élément au débat :

"Arcelor ne parvient pas encore à convaincre, face à un public d'investisseurs jeunes et internationaux. Signe aussi d'une déficience de la gouvernance du Groupe, avec des statuts et une communication financière désuets."

On l'a compris, cett affaire d'OPA, c'est encore une bataille de jeunes contre les vieux, les désuets;

Les jeunes investisseurs contre le vieux monsieur Dollé.

On y revient toujours; mais cela laisse un peu pensif.

Ce jeunisme que n'aimait pas Nicolas Sarkozy l'autre jour, il sévit là aussi.