Ich bin ein "stakeholder" !
10 février 2006
Hier, les Directs HEC recevaient Thierry Breton.
Il a répondu longuement à des questions qu'on ne lui avait pas posées.
Une question sur le rôle de l'Etat dans les entreprises prises dans des fusions et OPA l'a rendu d'un coup passionné. Bien sûr, il a parlé de Arcelor et Mittal.
Mais il a surtout voulu nous donner une explication de texte, lui il dit "grammaire des affaires", en insistant sur la différence qu'il fait, dans le monde moderne, entre l'actionnaire et le management :
C'est au management de fixer la stratégie et le projet de l'entreprise; c'est le rôle de l'actionnaire de décider, de nommer ce management. Lui qui a été "chef d'entreprise" (il a dû nous le rappeler au moins une dizaine de fois, seuls ceux qui dormaient ne l'ont pas entendu...), il sait comment marchent les conseils d'administration, et c'est un sujet majeur de recherche aux Etats-Unis (Ah, nous, les HEC on est vraiment ringards si on ne le sait pas...nous baissions tous les yeux devant professeur Breton...).
Et puis, il n'y a pas que le management et l'actionnaire qui ont leur mot à dire. Dans une "économie moderne", ce sont tous les "stakeholders" qui ont leur droit à la parole : il n'est pas possible de considérer que le management doit uniquement s'occuper de satisfaire l'actionnaire, c'est fini ça; il doit s'intéresser aux Etats dans lesquels l'entreprise est présente, il doit s'intéresser aux clients, il doit s'intéresser aux syndicats, aux salariés, aux fournisseurs, bref tous ont leur mot à dire, ce sont les "stakeholders" et ils ont tous droit à la parole, même si ce sont les actionnaires qui décideront in fine ; et l'affaire Arcelor - Mittal est le parfait exemple pour lui de cette situation.
Oui, lui, en tant que ministre des Finances, de l'économie et de l'industrie de la France, il est un "stakeholder", il nous l'a dit et répété : "Je suis un "stakeholder", et je dis ce qui se passe, et je prends position, et donc j'interviens dans cette histoire car la France, ses universités, ses centres de recherche, ses emplois, sont concernés.
Cette démonstration était intéressante, reprenant d'ailleurs les réflexions d'Alain Etchegoyen que j'avais relevées ICI.
On ne voyait pas complètement ce que le fait de "dire ce qui se passe" allait changer à la situation, mais on peut toujours croire que cette transparence obtenue grâce au "stakeholder Breton" aurait un effet positif sur les conditions du deal, s'il se fait (On avait l'impression en l'écoutant, que ça allait se faire finalement), ou bien aiderait à ce qu'il ne se fasse pas si les questions posées ne trouvaient pas solutions, malgré les efforts des banques d'affaires attirées par les commissions en jeu pour elles.
En tous cas, on sent bien combien ce débat sur les actionnaires et les "stakeholders" est majeur dans l'évolution de la gouvernance de nos entreprises, et le rôle de l'Etat.Le fait que le ministre des finances s'en saisisse avec autant de clarté et de pédagogie est plutôt rassurant, même si il reste probablement isolé parmi ses collègues politiques, de droite comme de gauche, comme il nous l'a laissé entendre.
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