Transformation et sagesse
25 décembre 2005
Il y a un bonus dans l'ouvrage de Pine et Gilmore (voir ma note précédente) sur l' "Experience Economy" : ils prédisent dans les derniers chapitres que la suivante est déjà en route, c'est la "Transformation Economy", qui constitue une étape encore plus avancée.
Cette notion de Transformation est un lieu commun du vocabulaire de management, et sert de fourre-tout à de nombreux discours d'entreprises.
L'approche de Pine et Gilmore est originale puisqu'elle appelle Transformation une offre pour le client qui lui apporte plus qu'une expérience, puisqu'elle le transforme complétement, sans retour en arrière possible si l'approche est réussie. C'est un bon guide pour tous ceux qui prétendent être de bons artisans de la transformation des entreprises.
C'est la chenille qui devient papillon.
L'approche met en avant une idée forte, c'est que si vous vendez une transformation, votre produit est le client ! C'est le client lui-même qui va changer et se rendre compte du résultat sur lui-même, sur ce qu'il est devenu, indépendemment du service ou de l'expérience que vous lui avez vendue.Cette approche par le client est clé, et non la sophistication de la méthodologie.
Pine et Gilmore prévoient que de nombreux domaines d'activités vont être modifiés (transformés) par cette économie de la transformation (nombreux sont encore à imaginer). A titre de pionniers, ils citent les centres de fitness, et aussi, bien sûr, les sociétés de services et consultants en "business transformation".
D'aprés les auteurs, une transformation réussie a besoin d'être guidée, mais il faut trouver le juste milieu entre assistance et l'interférence trop forte. Car la transformation est d'abord individuelle.
Pine et Gilmore distinguent trois phases pour mener une transformation :
1- Diagnostic des aspirations : c'est la plus importante; une transformation n'a de sens de réussir que si elle correspond à une aspiration profonde, et que l'on est capable de devenir ce à quoi on aspire. Cette aspiration correspond, pour un dirigeant d'entreprise, à ce sentiment que ce qui a fait réussir dans le passé, les méthodes, les habitudes, les hommes, est en train de faire perdre. Elle demande donc du courage, de la volonté, une vraie envie d'être différent. Sans ces qualités, toute approche de "business transformation" ne mènera à rien. Cette capacité à clarifier ses aspirations n'est pas toujours innée, elle peut demander à être révélée par un accompagnement adéquat.
2- Mettre en scène la ou les expériences : la transformation passe par des expériences qui vont mettre le dirigeant et ses collaborateurs dans des situations nouvelles, soit d'absorption ou d'immersion, en y étant plutôt passif ou plutôt participant.Cette mise en scène est complexe car elle vise à accompagner le processus de transformation, sans retour en arrière, à la différence, par exemple, d'une simple représentation, un spectacle ou un évènement (ou un séminaire spécial pour telle ou telle population de l'entreprise), dont le souvenir s'estompe dans le temps si il n'est pas alimenté par une nouvelle expérience.C'est pourquoi il n'existe pas de méthodologie de transformation, mais une permanente adaptation, une personnalisation.
3- Assurer le suivi : Impossible de mener une transformation si elle se termine par des "to do lists" avec lesquelles chacun se débrouille. L'accompagnement va bien au-delà, et envisage des modifications profondes qui touchent souvent à la culture, aux valeurs, aux responsabilités, au passage entre générations : ces sujets sont quasiment des figures imposées de l'exercice; si elles n'ont pas été abordées en phase 2 , le risque est fort qu'on ait mené un exercice superficiel qui ne transformera pas grand chose sur la durée, voire même qui aura contribué à ancrer encore plus fort les certitudes.(on connaît tous la méfiance qu'inspirent ces démarches de "transformation" menées sans sincérité, dont on n'a pas suffisamment précisées les intentions).
Ces réflexions mettent en lumière un facteur clé de succés pour se prétendre un acteur crédible de la transformation (d'une entreprise, d'une équipe, d'un individu) : il est indispensable que le client découvre, quand vous travaillez avec lui, des choses sur lui-même qu'il ne connaissait pas avant. Plus fort encore, c'est SEULEMENT quand vous travaillez avec lui qu'il comprend le plus profondément certaines parties de lui-même. Elles mettent donc la barre trés haut en matière de conception d'expériences originales.
L'ingrédient pour réussir est aussi spécifique. Pine et Gilmore représentent une pyramide :
- pour les entreprises qui vendent des "commodities", en bas de la pyramide, l'ingrédient est le bruit, celui qui fait parler de vous, qui vous distingue par l'abondance,
- pour ceux qui offrent des "goods", les ingrédients sont les données, pour organiser la production, gérer les flux, etc...
- pour ceux qui offrent des "services", l'ingrédient est l'information, et on connaît le succés de tous les "systèmes d'information",
- pour ceux qui offrent des "expériences", l'ingrédient est le "knowledge" : la capacité à capitaliser, à stocker les connaissances et le savoir; d'où les systèmes de "knowledge management";
- pour ceux qui seront les vrais gagnants de la "Transformation Economy", l'ingrédient est "wisdom", la sagesse, qui est la qualité d'être sage, en relation avec la capacité à choisir les moyens et les buts; la combinaison de l'expérience et de la connaisance, et la capacité à les combiner judicieusement; cette sagesse parle de jugement, de prudence, de sens pratique.
La transformation par la sagesse...
Le livre se termine par une prédiction lyrique :
"The progression of Economic Value simply articulates a new competitive reality for the strategic option facing any enterprise today. The opportunities are vast, but so are the challenges. As the Experience Economy continues to unfold, manufacturers and service providers will increasingly see their offerings commoditized as more and more businesses charge explicitly for the memorable encounters they stage. And as the Experience Economy naturally progresses into the Transformation Economy, even stagers will find their offerings commoditized as more and more businesses charge explicitly for the demonstrated outcomes they elicit.
You must find your own role in the world. What business are you really in ? Five economics offerings - commodities, goods, services, experiences, and transformations - yield five very distinct possibilities, with tremendous ramifications for your business, your employees, and your customers".
De quoi donner des ailes aux entrepreneurs...sages.
Bonjour,
Je viens de lire votre blog très intéressant dans lequel vous faîtes notamment référence à Pine et Gilmore.
Par contre, le blog ne précise pas qui sont ces deux personnes.... Pouvez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet ? Cela me permettra de me situer les choses.
Par avance, je vous remercie,
Très cordialement,
Rédigé par : Simillon | 14 août 2007 à 14:38
B. Joseph Pine II et James H. Gilmore, les deux auteurs de ce livre "The Experience Economy", sont tous deux consultants co-fondateurs de la société Strategic Horizons (située aux Etats Unis, dans l'Ohio).
Joseph Pine est diplômé du MIT, et ancien d'IBM, où il contribué à l'obtention du Malcolm Baldridge National Quality Award.
James Gilmore a travaillé pour Procter et Gamble, puis est devenu consultant en innovation. Il est diplômé de Wharton et de l'université de Pennsylvanie.
Rédigé par : Zone Franche | 14 août 2007 à 14:57