En Forme !
Faut il féliciter les erreurs ?

En France, on confond service et infériorité ?

Serveur

Depuis quelques semaines, le jeudi, Les Echos nous offre un feuilleton en 10 épisodes sur « L’art du management ». On n’y parle pas beaucoup d’art, mais de sujets comme Leadership et haute performance, valoriser les talents, maîtriser le choc technologique, repenser les ressources humaines, etc.… Toujours cette même modestie dans les titres.

Ce feuilleton est d’abord l’occasion de voir les sourires en couleurs, souvent masculins, de professeurs d’HEC et d’auditeurs de Pricewaterhousecoopers (normal, ce sont eux qui parrainent et apportent leur concours à cette série).

Ce sont des articles assez longs, souvent sur deux à trois pages, et bourrés de charabia à la mode sur le maaaaanagement (le titre nous avait alerté).La plupart me tombent des mains et je n’arrive pas à les lire jusqu’au bout. Qui y réussit ?

Pour rattraper les gens comme moi, Les Echos ont prévu une petite astuce : il y a en gras, dans la colonne de droite, un résumé. Et là, miracle, en dix lignes on dit tout sur les trois pages de l’article, et on se demande immédiatement ce qu’il peut bien y avoir dans ces trois pages. Cela me rappelle une réflexion de Woody Allen qui prétendait avoir lu tout « Guerre et paix » de Tolstoï grâce à une méthode de lecture rapide, et qui le résumait ainsi : « Ca se passe en Russie ».

La semaine dernière, jeudi 1er décembre, c’était « Repenser les ressources humaines ».

Un professeur de marketing d’HEC, Laurent Maruani, s’intéresse au « marketing des fonctions internes ». Il nous explique que les fonctions support (RH, Finances, Achats, Juridique,..) doivent valoriser leur travail auprès de leurs utilisateurs en les considérant comme leurs clients, et être à leur écoute pour toujours s’améliorer.

Cette approche n’a rien de bien original.

La difficulté est en fait d’identifier ce client interne qui a plusieurs visages. J’ai eu l’occasion de conduire une telle démarche avec la Direction Financière d’un groupe  de services l’année dernière : lors du séminaire rassemblant 180 représentants de cette Direction, nous avons découvert que les clients étaient multiples et n’avaient pas les mêmes besoins :

-          l’actionnaire attend le reporting

- la Direction Générale attend les tableaux de bord et les prévisions;

-          les directions opérationnelles attendent un bon contrôle de gestion, et tout le problème est de définir ce qu’est un bon contrôle de gestion,

-          etc.

Et puis une telle approche, d’un point de vue pratique, a ses limites. Laurent Maruani aborde ce point dans sa conclusion, en listant les trois obstacles principaux à une telle démarche :

-          la paresse du dirigeant fonctionnel, qui n’a pas envie  de changer des habitudes qui présentent souvent pour lui des avantages, un confort : indépendance, pouvoir, opacité de ses actions ;

-          le non intérêt de la direction, président ou directeur général, pour cette question jugée plus esthétique que réelle ;

-          l’inertie  hostile du personnel des services fonctionnels qui voient dans le marketing de leur fonction un abaissement de leur statut professionnel : en France, on confond service et infériorité.

C’est cette dernière remarque qui m’a laissé songeur. Elle est la négation forte de la notion de service client que l’on propage dans tous les bons livres de management, et dans les credos de nos entreprises. Elle justifierait alors que c’est le mépris du client qui rend respectable et craint. Cette maladie serait spécifique aux services fonctionnels, arrogants et retirés dans leur tour d’ivoire.

Opinion complètement à l’inverse de celle de Tom Peters qui ne cesse de vanter que tout service de n’importe quelle entreprise doit se considérer comme une PSF (Professional Service Firm), les Directions Financières comme les Directions des Ressources Humaines.

J’aime bien cette conception enthousiaste de l’entreprise que véhicule Tom Peters, et j’espère que Laurent Maruani se trompe. Mais sa remarque ne laisse pas indifférent. Et si c'était vrai ?

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