La caserne de pompiers
Générations connectées et déconnectées

Mots de coeur

Coeur

Quand je lis aujourd’hui les « Projet d’Entreprise », « Vision 200X », « Chantiers Transverses », « XYZ Mieux que jamais », ou toute autre formulation, un item revient souvent et me frappe, surtout dans les entreprises publiques, ou à capital partiellement public, c’est :

« Placer l’économie au cœur des décisions de l’entreprise », ou quelque chose d’approchant.

On voit bien la louable intention qui accompagne une telle ambition : que l’activité de l’entreprise soit appréciée au regard de sa performance économique, que les actes et décisions des managers soient guidés par cette préoccupation permanente, que la culture économique soit plus forte.

Tout cela paraît à certains bien banal, voire trivial.

Pourtant, si de tels énoncés fleurissent, c’est qu’ils disent quelque chose sur l’entreprise et la communauté humaine qui y vit.

Il est certain que la pression des actionnaires sur les résultats et la performance est pour une bonne part dans cette tendance, et l’Etat actionnaire, sur ce terrain, véhicule des messages assez proches de ceux des administrateurs d’entreprises privées. Dans les entreprises où ces deux animaux cohabitent, c’est encore plus visible.

Ce qui est intéressant c’est d’observer ce qui est fait concrètement pour « placer l’économie au cœur des décisions de l’entreprise ».

Souvent on pense OUTILS, faire des procédures, mettre en place des systèmes, par exemple :

-         tableaux de bord,

-         balanced scorecard,

-         contrôle de gestion,

-         reporting,

-         « Pay for Performance », rémunérations variables.

Ces outils ont bien entendu leur efficacité, et le manque de pertinence des outils de pilotage constitue un handicap majeur pour les entreprises qui doivent constamment anticiper et s’adapter au changement.

Mais un programme qui se limite à ces OUTILS peut aussi manquer l’objectif.

En effet, il est aussi important que les managers eux-mêmes se sentent vraiment engagés dans la poursuite de la performance économique. C’est le point de départ de ce blog (voir ICI).

Or, on peut se trouver dans des situations où l’entreprise aimerait bien que son cœur parle « d’économie », de « rentabilité », mais où le cœur, la fierté des managers, parlent d’autres choses, telles que :

-         l’image : la mienne, celle que mes collaborateurs, et aussi (surtout? )mon chef ont de moi, mais aussi la perception de mes amis,de ma famille ("t'es un type bien puisque tu travailles dans une super boîte"), et alors ce à quoi je suis sensible, c’est à l’image de mon entreprise, car je m'identifie à elle,

-        le statut : le mien, mon grade, mon statut, mon autorité, et alors je suis sensible au statut de mon entreprise, à tout ce qui la rend sacrée, respectueuse (le fameux « service public » veau d’or adoré),

-         la sympathie, et alors ce sont mes collègues, les posters dans les bureaux, les choix à la cantine, les pots, « mes copains de bureaux », qui me motivent, et je me méfie des discours qui parlent de l’entreprise, être anonyme sans cœur.Mon entreprise, je la veux "sympa", "cool".

On pourrait chercher d’autres références.

Mais ce qui est clair, c’est que, pour que l’entreprise mette l’économique dans son cœur, il est indispensable de mettre du cœur dans l’économique pour y faire adhérer les managers : on parle alors d’ÊTRE.

C’est en allant chercher dans cette direction que l’on trouvera de nouvelles pistes d’action, plus subtiles que de mettre en place un tableau de bord de plus, et plus exigeantes pour la Direction Générale, mais indispensables pour obtenir vraiment les résultats visés.

Ces réflexions me viennent en observant les mouvements de grève et les discours des salariés des entreprises publiques qui défilent. Ils sont aussi fort bien relayés (récupérés ?) par les leaders du Parti Socialiste dans leurs discours au congrès du Mans (« Notre horizon, ce n’est pas le marché » a dit Dominique Strauss Kahn, qui n’est pourtant pas le plus virulent dans son camp). Pour eux, « l’économie au cœur », ça leur fait mal au cœur, incontestablement. Ils y voient des choses horribles.

Les entreprises ont compris l’enjeu, et je suis frappé de la profondeur des réflexions et de la qualité des démarches conduites par certaines.

Par contre, quelques irréductibles des approches mécanistes, qui pensent que la culture économique est livrée avec SAP ou tel logiciel de reporting, qui cherchent le graal dans les approches « balanced scorecard », sévissent encore. Ils peuplent les forums à dominante technologique, consacrés au pilotage des entreprises, par exemple ici.

Tout ça pour découvrir, là comme dans d'autres domaines, que "le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas".

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