Des séminaires : pour rire ou pour motiver ?
01 novembre 2005
La perte d’adhésion des collaborateurs aux discours tout faits véhiculés par l’entreprise fait une nouvelle victime : les agences et organisateurs de séminaires. Alors qu’il y a quelques années on disait cette profession en perte de vitesse pour des raisons budgétaires, c’est d’autres raisons qui sont évoquées aujourd’hui.
Le Figaro Entreprises et Emploi du lundi 31 octobre consacre un article à ces agences organisatrices de séminaires d’entreprises, et témoigne ainsi de ce qui est en train de changer.
Les organisateurs constatent une baisse des budgets, moins de faste et de destinations lointaines avec buffet, et plus de sobriété dans l’organisation (« on reste en France »).
« Aujourd’hui, il y a moins de paillettes parce qu’on travaille plus sur le contenu ». (Contenu, ça fait sérieux, c’est vrai…)
« Un discours du président suivi d’un bon dîner dans cadre prestigieux ne suffit pas forcément à convaincre les invités de la nécessité d’une nouvelle organisation ». (Ce que j’aime bien ici c’est le mot pas forcément, signe qu’on aimerait bien y croire encore un petit peu….).
L’un des responsables d’agence a trouvé une explication : « Le fossé s’est élargi entre l’entreprise et ses collaborateurs. Pour adhérer et pour avancer, les gens ont besoin d’avoir une vision claire de la stratégie de l’entreprise et de comprendre ce qu’on attende d’eux. Les grands shows ne fonctionnent plus ». Pas mal .Et puis Patatras il continue par : « Ce qui marche, ce sont les explications de textes » !!! (Là , je m’y vois déjà, avec le patron qui fait des explications de texte, en face de sa classe de collaborateurs, succès garanti ! ).
D’autres témoins vont plus loin : Il faut que les séminaires ressemblent à des « séances de travail », « De cette façon, on conduit les salariés à s’approprier la politique de l’entreprise et à se sentir impliqués dans ce qui se passe ».
Il faut donc de l’interactivité, du dialogue.
Le journaliste du Figaro, comme moi, n’a pas été dupe et conclut que « entreprises et agences spécialisées doivent sans doute encore faire des efforts sur le contenu de leurs séminaires pour rendre ces derniers plus efficaces ». Il cite un sondage qui indique que 50% des cadres interrogés doutent du caractère motivant de ces réunions internes.
Le titre de l’article, lui, m’a désespéré : « Séminaires et conventions ne font plus rire ».
Quelle horreur !
Alors, quelle est mon opinion ?
(J’espère qu’il y en aura quelques uns pour cliquer sur la suite…)
Mon métier de consultant et de dirigeant d’entreprise de conseil m’a amené à organiser et à assister à un nombre incalculable de séminaires, conventions, et autres carrefours et ateliers.... J’ai souvent l’impression de revivre le même, surtout quand je m’y ennuie.
Si je devais, là, maintenant, me dire quels sont les critères de succès que je ressens, en tant qu’organisateur ou participant, pour qu’un séminaire suscite la motivation, je dirai :
- tout est d’abord dans le but et les intentions de celui qui organise un tel évènement : souvent, le séminaire ou la convention est un exercice traditionnel complètement délégué à une agence ou à un consultant spécialisé, mais la réflexion préalable et personnelle du dirigeant est escamotée. Que voulez vous obtenir ? Qu’est ce que ça vous apporte à vous personnellement ? Ces questions sont majeures ; Elles ne doivent pas être déléguées ; Au besoin, un coach peut aider le dirigeant à aller le plus loin possible dans cette clarification ;
- Contrairement au Figaro, et à ces agences qui croient que tout est dans le contenu et l’explication de texte, je suis convaincu que l’ambiance, le rire, l’émotion, le plaisir d’être ensemble est une condition OBLIGATOIRE d’un séminaire. Mes meilleurs souvenirs personnels sont ceux passés avec une équipe qui sait rire ensemble, qui franchit une frontière magique, au-delà des comportements convenus, et transforme un théâtre triste de comédiens qui jouent leur rôle, en une troupe soudée, créatrice et innovante ;
- Susciter l’engagement ne s’obtient jamais par des discours, mais nécessite que les participants s’engagent par leurs actes (j’en ai déjà parlé ici). Faire des propositions, se sentir écoutés, construire ensemble, sont des ingrédients indispensables. Le dirigeant aussi s’engage : à écouter, à tenir compte de ce qui se passe, à AGIR lui aussi (on l’oublie des fois, croyant que le dirigeant est là pour parler et payer l’agence ; NON) ;
- La vertu et l’efficacité de ces séminaires, c’est leur répétition (voir encore ici), leur ritualisation : l’année est rythmée par ces rencontres qu'on attend, qui permettent de nous retrouver, de célébrer des succès, de se sentir dans un environnement d’entreprise qui n’est pas seulement celui des murs des bureaux qu’on voit tous les jours, mais de sentir que l’entreprise, cette communauté humaine, fait partie de notre vie aussi, qu’on le veuille ou non ; ces séminaires réussis, ce sont ceux où notre vie, en entier, celle du professionnel et celle qui nous est personnelle, se rejoignent, se mettent en harmonie avec celle des autres. Ce ne sont justement pas, à mon avis, uniquement des « séances de travail « . L’échec, c’est quand de tels évènements se contentent de jeux de rôles surfaits, dont on revient épuisés, heureux de se retrouver enfin soi-même une fois rentré chez soi.
- Le succès, c’est aussi que ces séminaires ne vont pas seulement s’intéresser à l’Entreprise, sa vie et sa pérennité, mais aussi à l’individu, à chaque collaborateur en tant qu’être humain, à cette entreprise de Soi-même : c’est aussi pour elle qu’on organise ces évènements. J’interviens depuis plusieurs années dans la préparation et l’animation du Séminaire Annuel des Directeurs Financiers Monde d’un grand groupe multinational. Un des moments rituels est une table ronde d’invités qui viennent témoigner, et répondre aux questions de la salle, avec leur coeur, sur un thème particulier, qui change chaque année : les intervenants sont soigneusement choisis pour intéresser d’abord les participants, ouvrir les fenêtres, les faire grandir, et non pour servir la soupe à la grandeur de l’entreprise qui les reçoit. J’adore ce moment.
Il y a d’autres facteurs, c’est sûr, j’ai listé ces points spontanément.
A vous.
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