L'engagement encore
Emotion et cerveau droit

Comment créer un consensus ?

Consensus_1

Je suis souvent mêlé à des situations où des individus constituant un groupe me demandent de les aider à adopter une position commune, alors que les oppositions peuvent être fortes au sein de ce groupe. Il ne s'agit pas de dégager une majorité par un vote, mais d'obtenir une position unique de l'ensemble du groupe, qui fonctionne comme un "groupe de travail".

Il n’existe probablement pas de méthode unique et infaillible, car les circonstances, le sujet, le type de groupe et les personnalités en présence sont des facteurs importants à prendre en compte.

La théorie de l'engagement, dont j'ai déjà parlé ici, fournit une approche originale de ce sujet.Les deux auteurs ,Joule et Beauvois, ont notamment mené des expériences pour tenter de répondre à la question suivante :

Pour aboutir à un consensus dans un groupe, faut il :

-         (1) rechercher et mettre en avant ce qui rapproche les parties prenantes ?

OU

-         (2) plutôt exacerber ce qui différencie les parties prenantes ?

Prenez le temps de choisir entre ces deux propositions avant de cliquer sur la suite…

Les deux auteurs nous disent (là) que c’est la proposition (2) qui est la plus efficace.

Un exemple d’expérience est particulièrement probant dans leur ouvrage.

Il s’agit d’expériences visant à amener des étudiants à aller faire un test de dépistage du Sida.

On parle ici d’un engagement dans un acte problématique, c'est-à-dire un acte qui va à l’encontre des attitudes et motivations habituelles de ceux auxquels on s’adresse. Bien sûr, avec un peu d’autorité, cette situation peut se régler : c’est l’injonction à l’enfant par le père qui dit « ranges ta chambre », ou bien la demande du patron à son collaborateur : « ma voiture est en panne, pouvez vous me ramener chez moi ».

Mais cet acte d’autorité n’est pas toujours possible ;( c’est le cas du groupe dont j’ai la charge. Je n’ai aucune autorité sur eux, étant un élément neutre).

Observons les expériences de Joule et Beauvois.

1ère expérience : l’intervenant s’adresse à des étudiants sur un campus et leur propose de participer à un groupe de discussion sur le Sida. Cet acte est volontaire et libre, chacun peut décider ou non de faire partie de ce groupe de discussion.

Chacun des volontaires s’installe dans le groupe. Avant de démarrer l’intervenant fait passer un questionnaire à remplir (il s’agit ici d’un nouvel acte d’engagement volontaire, qui va renforcer l’engagement).

Après discussion, l’intervenant dévoile aux étudiants qu’il est chargé de recruter des volontaires pour effectuer un test de dépistage. « Voici l’adresse du centre, et les heures de rendez-vous, qui est volontaire pour y aller ? ».

Si l’un des étudiants dit oui, il propose de réserver une date et heure.

Résultat de l’expérience :

27% des étudiants sont volontaires, alors que dans un groupe où il n’y a pas eu la même préparation le taux n’est que de 10%.

Ceux qui iront effectivement au dispensaire : 0%.

2ème expérience : Les chercheurs pensent qu’il a manqué un débat contradictoire sur le sujet du test de dépistage, et vont donc modifier le scénario.

Un débat contradictoire est donc organisé dans le groupe des étudiants (sur un autre échantillon), en introduisant deux compères, l’un pour et l’autre contre, qui vont pousser les arguments. Puis les mêmes questions sont posées.

Résultat :

60% des étudiants se déclarent volontaires pour aller au dispensaire.

Ceux qui iront effectivement au dispensaire : 7%.

Pas terrible…

3ème expérience : Les chercheurs pensent que le consensus obtenu dans la 2ème expérience est peut être trop mou, pas assez débattu, pas assez engage         ant.

Dans cette 3ème expérience le compère contre va amener le groupe à se liguer contre lui, et il finira par partir en claquant la porte.

On génère ainsi un comportement de consensus valorisant, autour du compère pour, en réaction contre le compère contre, qui est le bouc émissaire.

Résultat :

100% des étudiants expriment la volonté de se faire dépister.

Ceux qui iront effectivement au dispensaire : 23%.

Bon score.

Conclusion de ces expériences, et transposition de façon plus générale sur la méthode pour faire engager collectivement un groupe :

-         

nécessité d’exacerber et de bien mettre en évidence les oppositions, plutôt que de les camoufler, pour arriver, après un vrai débat, à un engagement collectif fort,

-         

obtenir un consensus valorisant, ou chacun des ralliés ne se voit pas comme un vaincu.

Bien sûr, de telles expériences de « laboratoire » ont leurs limites, et ne se transposent pas comme ça. De plus le sujet choisi est particulièrement polémique et sensible (dépistage du Sida).

Elles sont néanmoins intéressantes car elles donnent une réponse paradoxale à recherche du consensus. (Combien d’entre vous ont choisi la proposition (1) plutôt que la (2) ?).

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