Séduire ou convaincre
11 octobre 2005
Auguste Deteuf, qui fut le premier patron d’Alsthom, de 1928 à 1940, s’est rendu surtout célèbre pour ses « propos d’O.L Barenton, confiseur » qui est une succession de maximes amusantes et pertinentes sur les entreprises et ceux qui les dirigent, et notamment les ingénieurs. Cet ouvrage est encore aujourd’hui un best seller des livres de management, au moins en France.
L’une de ces maximes dit : « Si vous ne pouvez persuader, appliquez- vous à séduire ».
Comment ne pas évoquer celle-ci en lisant les commentaires qui ont accompagnés ces derniers mois la publication des résultats d’entreprises côtées, fleurons des entreprises françaises.
Par exemple, la publication des résultats d’Air France et de Vivendi, à bien des égards considérés comme très bons, n’ont pas eu d’impact sur le cours de Bourse le jour de leur annonce.
Air France est notamment reconnue comme la compagnie aérienne européenne la mieux protégée contre les prix du kérosène, mais voilà : « une bonne couverture des risques n’a jamais suffi à séduire les investisseurs » .(LesEchos,20-05-05)
Même punition pour Vivendi : « les comptes de l’ex-champion des pertes sont redevenus présentables. La dette a fondu. Toutes les activités affichent des bénéfices d’exploitation. Et le Groupe a de solides disponibilités. Mais(…) les investisseurs discernent mal la stratégie, de même que la cohérence entre les métiers «. (Les Echos 20-05-05)
Et que dire d’ACCOR, accusé de décote d’image lors de l’assemblée générale, et dont le Président, Jean-Marc Espalioux est poussé vers la sortie, « car, si ses talents de gestionnaires sont avérés, son charisme laisse à désirer ». (Les Echos 8-08-05).
Que retenir de ces commentaires ? : que la gestion des relations de l’entreprise, et de son dirigeant, avec les actionnaires relève plus de la séduction que de la conviction rationnelle, et que l’alchimie des composantes de cette séduction varie selon les moments et les entreprises.
Il ne s’agit pas de choisir, de convaincre ou de séduire, mais de sortir de la dictature du OU, et de convaincre ET séduire.
Ce que l’on a envie d’entendre quand l’entreprise parle d’elle-même, c’est un souffle, une épopée, mais pas n’importe laquelle (gare à la chute d’Icare). Elle doit aussi donner du sens, en plus de la rentabilité. Ce concept de sens porte en lui tout un imaginaire que les comités de Direction doivent s’attacher à inclure dans leur agenda, car il est aussi le secret de la communication avec les clients et les collaborateurs, qui ont les mêmes attentes que les investisseurs.
En fait, on oppose souvent les préoccupations des actionnaires, des collaborateurs et des clients : tous veulent pourtant qu’on leur raconte une belle histoire, qui les emmène loin dans leur rêve, et les font se sentir plus grands, plus beaux, plus riches, pleins de sens.
Cette capacité à scénariser, à faire de tout projet une expérience inoubliable, est un atout inestimable.
Pour celui qui est en charge de mener les projets qui feront croître les performances, c’est une exigence ; à lui, au-delà des solutions techniques et des expertises, d’entrer dans la culture, de trouver les idées créatives de mise en scène et le casting qui feront du projet d’amélioration des performances autre chose qu’ »un projet de plus » auquel ne croient plus les collaborateurs qui en ont tant vu.
Voilà de quoi nourrir la réflexion et l’action pour les prochains mois où vont se préparer les plans stratégiques, les budgets, et les plans de performance : dis, patron, racontes moi une belle histoire !
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