L'innovation n'est pas l'innovation
18 octobre 2005
Vous croyez que ce sont les innovations – produits innovants, nouvelles technologies, services innovants, toutes les choses innovantes – qui font la différence entre les entreprises excellentes et les médiocres.
Vous êtes convaincu que le rôle principal d’un dirigeant, dans de telles entreprises excellentes, est de créer les innovations de demain, ou de diriger les personnes qui vont les créer.
Vous vous trompez complètement !
Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Jim Collins, professeur et chercheur au laboratoire de Boulder, Colorado, et surtout l’auteur de « Built to last » (1 Millions d’exemplaires vendus), et de « From good to great ».
Sa spécialité est de traquer les critères de succès qui font la différence entre le bon et l’excellent dans les entreprises, à partir de statistiques de Résultats et d’interviews portant sur des centaines d’entreprises, un peu comme avait fait Tom Peters dans les années 90 avec « Le prix de l’excellence ».
Cette affirmation définitive de Jim Collins figure dans l’article qu’il a produit pour le recueil de la Drucker Foundation , « Leading for Innovation », avec des contributeurs prestigieux.
L’article est titré « The ultimate creation » car Jim Collins est convaincu que la seule vraie innovation indispensable à l’entreprise est l’innovation sociale.
Qu’est ce que l’innovation sociale ?
C’est celle qui rend possible l’innovation et l’efficacité humaine.
La plus grande invention, c’est l’organisation des hommes et de la société, l’outil ultime pour atteindre les objectifs humains, et faire faire des choses extraordinaires à des hommes ordinaires.
Les post-it de 3M, le walkman de Sony, l’ Airbus A380 (c’est moi qui rajoute cet exemple, Jim, lui, parle surtout de l’Amérique..), tout ça n’aurait pas été possible sans l’invention d’organisations humaines et de pratiques de management capables de le faire naître.
Ford, par exemple, n’est pas connu pour le modèle T de voiture, personne ne s’en souvient, mais pour une organisation de la production qui a rendu possible la fabrication d’une voiture de série bon marché.
Jim Collins nous met aussi en garde contre les organisations qui sont dirigées par un génie de l’innovation, qui utilise l’organisation pour mettre en œuvre ses idées. On pense à Steve Jobs, à Bill Gates. Mais le risque est fort qu’une fois ce leader génial parti (ou son génie disparu), l’entreprise retombe dans la médiocrité et perde son leadership. Il faut savoir passer du statut d’entreprise qui fait des produits innovants à celui d’entreprise innovante.
Etre innovant est indispensable pour l’entreprise, mais c’est être innovant dans la manière de diriger, de manager, de construire et de faire évoluer votre organisation. C’est de ce type de leaders dont auront besoin les entreprises des années 2000. Il dépend d’eux d’exercer leur énergie créatrice pour imaginer de nouvelles méthodes et de nouveaux modes de management.
Alors, Jim Collins nous donne un conseil :
Examinez comment vous passez votre temps. Etes vous en train de créer la prochaine grande innovation de votre département, entreprise, secteur, ou bien êtes vous en train de créer un environnement qui stimule l’innovation ?
Etes vous obsédé de sortir le prochain super gadget, ou bien cherchez vous à être le champion de l’innovation sociale ?
Etes vous préoccupé de chercher les produits qui remplaceront les produits d’aujourd’hui quand ils deviendront obsolètes, ou bien êtes vous concentré sur la construction d’une culture unique que personne ne pourra copier ?
Jim Collins prévoit que la prochaine vague des entreprises extraordinaires ne sera pas celle dirigées par des visionnaires techniques ou produits, mais celles dirigées par des visionnaires du social.
J’ai relu cet article en prenant connaissance du commentaire du président de Sony, Howard Stringer, lors de l’annonce du plan de suppression de 10.000 emplois et de la fermeture de 11 usines : « Sony n’est plus l’unique alternative sur le marché. Nous devons être continuellement compétitifs et agressifs. Nous devons être comme les Russes défendant Moscou face à Napoléon et nous battre comme les guerriers de Sony que nous sommes ».
Ce langage guerrier, ces références historiques, qui cela va-t-il convaincre ?
En tout cas pas les marchés financiers, qui ont mal réagis le lendemain, estimant que Sony n’en faisait pas assez.
Il faut réparer la machine à innover de Sony, mais comment ?
Howard Stringer n'a pas encore délivré la réponse.Quel type de visionnaire sera-t-il ?
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