L'engagement n'est pas l'engagement
23 octobre 2005
Un dirigeant d’entreprise française me confie qu’il trouve que ses collaborateurs, et en premier lieu ceux du Comité de Direction, manquent de culture de l’engagement.
J’entends dans ces propos que ces collaborateurs rebelles ne se comportent pas comme il souhaiterait, lui, qu’ils se comportent, voire qu’ils n’exécutent pas ce qu’il pense bien de leur faire faire avec un zèle suffisant.
De nombreux chercheurs et sociologues se sont penchés sur cette histoire d’ »engagement » et de stratégie de motivation.
Plusieurs écoles se partagent le terrain.
La première, c’est l’école de « la carotte et le bâton » : tu récompenses et tu sanctionnes en fonction du comportement attendu. Cette stratégie est parfaitement adaptée pour les ânes et les chiens, mais plusieurs essayent, encore aujourd’hui, de l’appliquer aux cadres de l’entreprise et aux comités de Direction.
La deuxième forme est plus élaborée : Elle consiste à convaincre autrui que ce qu’on veut lui faire faire est bon pour lui ; elle fait appel à une notion formidable de « sens des responsabilités ». Dans cette approche on tente d’agir sur les motivations pour modifier les comportements. On tente alors toutes les méthodes de persuasion possibles, on en appelle à tout un aréopage de valeurs, principes, voire de propagande d’idées différentes, qui, si notre collaborateur les adopte, devrait le faire changer. Les adeptes de cette approche aiment les discours au personnel, les face-à-face psychologiques avec les collaborateurs;
Deux sociologues, français pour une fois,Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, ont démontré que ces deux approches avaient toutes les deux un point commun : elles sont parfaitement inefficaces.
La théorie de l’engagement qu’ils ont démontré comme étant la seule efficace est celle qui fait l’inverse de l’approche « sens des responsabilités » : elle agit sur le comportement pour modifier la motivation et la pensée.
Cette théorie, que Joule et Beauvois n’hésitent pas à qualifier de « soumission librement consentie » ou « manipulation à l’usage des honnêtes gens » n’a pas toujours bonne presse, car, étant tellement efficace, elle est bien maîtrisée par ceux qui ont justement des intentions pas toujours bonnes, alors que ceux qui ont de bonnes intentions s’en tiennent, par prudence, aux méthodes inefficaces citées plus haut.
Devinez ce qui arrive comme résultat ?
Pourtant cette théorie est très pratique.
De quoi s’agit il ?
Elle part du constat que seuls nos actes nous engagent, et qu’il est donc plus important de provoquer des conduites effectives, c'est-à-dire des agissements que les autres peuvent voir ou pourraient voir, plutôt que de chercher à modifier les consciences.
C’est donc en poussant à l’action que ce dirigeant pourra accroître cette « culture d’engagement » qu’il appelle.
Prenons l’exemple des fameuses « lettres d’objectifs, exercice rituel des débuts d’exercice, sur lesquels on attend des engagements.
Les cinq règles de Joule et Beauvois que l'on doit appliquer pour susciter cet engagement sont :
- Les objectifs doivent avoir un caractère public ; pas d’accord secret entre le DG et le Directeur, mais au contraire des objectifs connus de tous ;
- Amener le collaborateur à réaliser plusieurs fois le même acte : il va avoir de multiples occasions de présenter ses objectifs, à ses pairs, à ses collaborateurs, à des séminaires, dans des documents de communication, etc…
- Donner au collaborateur le sentiment qu’il ne peut pas revenir sur le comportement qu’il est en train d’émettre, car cet engagement sur les objectifs contient un caractère « irrévocable » : là les modes opératoires sont variés, mais le Dirigeant doit en trouver les leviers ;
- L’acte doit avoir un caractère coûteux : les objectifs sont ambitieux, leur atteinte va demander des efforts spécifiques pour le Directeur cette année, ce n’est pas « business as usual » et « fais de ton mieux » ;
- Donner le sentiment de liberté qui accompagne l’acte : les collaborateurs sont totalement libres de faire, ou de ne pas faire, les actions pour atteindre les objectifs ; Rien ne les oblige. Joule et Beauvois on d’ailleurs constaté statistiquement que les sujets sont d’autant plus engagés que la récompense éventuelle promise en cas de réussite est faible ou nulle. Tout facteur de récompense ou de menace est en fait un facteur de désengagement. Le bon sens nous montre aussi que l’on se sent soi-même beaucoup plus engagé par une promesse à quelqu’un en qui on fait confiance, que par une promesse de rémunération spéciale par une personne que l’on ne considère pas.
Ceci va à l’encontre des pratiques habituelles de bonus de toutes sortes qui masquent tous les autres points, et amènent à des situations d’insatisfaction.
Mais cela ouvre aussi des pistes très opérationnelles pour conduire une entreprise, une équipe, des collaborateurs vers la réussite.
Gilles,
le lien AMAZONE pour 'le petit traité de manipulation à l'usage des honnetes gens' ne marche plus.
Tu peux eventuellement le remplacer par celui de la FNAC :
http://www4.fnac.com/Shelf/article.aspx?PRID=1263066&OrderInSession=1&Mn=2&SID=35b50070-99cb-e95a-d016-4a05470316b7&TTL=230420071237&Origin=FnacAff&Ra=-1&To=0&Nu=1&UID=0c60b21ea-71ee-bdb7-3a88-d86d56e68df3&Fr=0
Rédigé par : Marc@Nantes | 22 avril 2007 à 12:40
Sinon tu as ce liens aussi sur AMAZON :
http://www.amazon.fr/gp/reader/2706110449/ref=sib_dp_pt/403-1856482-4550016#reader-page
qui présente mm un extrait du livre
Rédigé par : Marc@Nantes | 22 avril 2007 à 13:00